de base de retraite pour un mouvement de ce genre en Grèce (les
passages de frontière de la Bulgarie vers la Grèce donnent sur la
plaine, ce qui rend les mouvements de groupes de partisans impos-
sibles et le potentiel infime de l'Albanie, comme aussi son isolement,
lui interdisant d'être autre chose qu'un refuge.
Il devenait évident que pour les Russes le jeu n'en valait plus la
chandelle. Les possibilités d'utiiser les débris de l' « armée démocra-
- tique » de Zachariadis pour mettre en scène une « révolte spontanée
des populations » en Yougoslavie étaient pratiquement nulles. Il a donc
fallū, après les derniers revers de Vitsi et-de Grammos, évacuer ce
qui restait en Albanie, et faire faire aux gouvernements de Tirana et
de Sofia des déclarations de neutralité.
En effet, la clique militariste d'Athènes, enhardie par ses « succès »
menaçait l'univers d'une promenade à travers l'Albanie. Il devenait
urgent de couper court à cette situation, qui risquait d'entraîner des
complications autrement plus vastes. Les déclarations « pacifiques »
albano-budgares furent donc suivies d'ouvertures semi-officielles en
direction des Américains, en vue d'arriver à un « accord à quatre »
sur la question grecque. Ainsi, la brusque liquidation du mouvement
des partisans en Grèce pourra être camouflée, aux yeux de la base des
partis communistes, par les quelques « concessions démocratiques » que
pourra faire le gouvernement d'Athènes et qui bien entendu, ne seront
réalisées que lorsqu'il plaira à celui-ci.
La liquidation de la guerre civile en Grèce n'a pas été le seul coup
porté à la position russe dans les Balkans. ni même le coup le plus
puissant. La démonstration de la capacité de résistance du régime
titistę en Yougoslavie, malgré la formidable campagne politique et pro-
pagandiste engagée contre lui, malgré la violation des traités, la rup-
ture des relations commerciales, les menaces et les démonstrations
militaires qui se déroulent sur cinq des sept frontières yougoslaves a
été un échec beaucoup plus rude pour la politique moscovite. Après
quelques vagues sondages, la Russie a dû renoncer à l'idée d'organiser
un maquis anti-titiste, pour lequel aucune base dans le pays n'existait
et qui se heurterait dès ses premiers pas à une armée formée elle-même
dans le maquis et à une police qui ne le cède au Guépéou que par la
quantité, mais nullement par la qualité. Incapable d'atteindre actuel,
lement le régime titiste sur le plan matériel, le Kremlin fut obligé
de limiter sa lutte contre Tito au plan idéologique ; comme toutes les
questions idéologiques se réduisent pour le stalinisme en dernière
analyse à des questions de complots policiers, ce fut au procès Rajk,
hâtivement organisé, que fut_offerte aux militants staliniens éblouis
la preuve de la trahison de Tito, dont la collusion avec la Gestapo,
les services secrets américains, les agents de Charlemagne et la police
politique de Nabuchodonosor éclata ainsi au grand jour:
La place nous manque pour analyser le procès de Rajk comme il
le mérite. On ne peut cependant omettre de souligner qu'au même titre
que l'affaire Tito, ce procès peut faire réfléchir la jeune génération
stalinienne beaucoup plus que ne le désireraient ses metteurs en scène.
Non seulement. Vychinsky, le stupide bâcleur des procés de Moscou,
fait figure de super-Sherlock Holmes devant les gâcheurs de Budapest,
non seulement la lente et longue préparation morale des procés de
Moscou par des calomnies répandues pendant dix ans est ici remplacée'
par l'ahurissante et momentānée transformation des Ministres de l'In-
térieur en espions de l'étranger et des chefs géniaux en mouchards