quant à leurs objectifs, quant à leur structure, quant à leur
attitude, quant à leurs méthodes d'action. Et c'est précisé-
ment dans la mesure où, en l'absence d'une organisation révo-
lutionnaire, aucune comparaison positive ne pouvait être
effectuée, dans la mesure où aucune autre perspective ne
paraissait s'ouvrir, où tout ce qui s'offrait sur le marché poli-
tique ne représentait que des variantes de la même pourri-
ture essentielle, que les masses ont accepté le gaullisme.
Cela signifie encore moins que si, à tel ou tel moment,
le parti communiste avait eu une autre politique, tout eut
été différent. Tout d'abord, le parti communiste ne pouvait
absolument pas faire une autre politique que celle qu'il a
faite : la politique d'une organisation bureaucratique liée
à la Russie, visant à instaurer en France une dictature tota-
litaire et incapable d'y parvenir actuellement, craignant par
dessus tout la mobilisation autonome des masses et obligée
quand même de s'attacher ces masses sans lesquelles elle n'est
rien, réduite donc finalement à louvoyer sur toutes les ques-
tions essentielles. Les idées sur lesquelles il est construit, la
mentalité de ses cadres, sa structure et ses méthodes d'action
le type de rapports qu'il entretient avec les ouvriers excluent
entièrement qu'il puisse jamais la modifier. Mais même si,
par miracle, le parti communiste changeait de politique à
un moment donné, cela n'eut pas suffi à effacer les résultats
de toute son action antérieure. Cela n'eut pas supprimé la
profonde scission qu'il a lui-même créée au sein du proléta-
riat français, ni empêché qu'il continue à représenter pour de
nombreux ouvriers et intellectuels français la perspective
d'instauration en France d'un régime du type russe qu'ils
abhorrent à juste titre, surtout depuis la révolution hon-
.groise. Cela n'eut pas d'un coup annulé les produits de vingt-
cinq ans de propagande chauvine, d'attitudes réformistes, de
ce travail permanent visant à détruire chez le prolétariat tout
germe d'action autonome, d'auto-organisation, d'initiative, de
critique, à l'attacher à la « grandeur française », à lui faire
oublier ce qu'est le socialisme, à le persuader qu'il ne peut
rien par lui-même et en dehors du parti. Les divers éléments
de l'évolution politique française depuis la guerre, l'attitude
du prolétariat, celle des organisations s ouvrières » et la rela-
tion entre les deux forment un tout indissociable. Ayant
accordé sa confiance au parti communiste, l'ayant soutenu,
7
SOCIALISME OU BARBARIE
l'ayant nourri, le prolétariat a subi en retour les résultats de
l'action de ce parti, et non seulement en surface ; jusqu'à un
certain point, il en a lui-même été profondément pénétré. Le
résultat ne pouvait être, à cette étape, que l'usure de toutes les
idées et de toutes les volontés, l'obscurcissement de toute pers-
pective d'action autonome, qui ont finalement abouti à l'ins-
tauration du gaullisme.
Car lorsque le 13 mai est arrivé, la population travail-
leuse n'avait pas seulement perdu depuis longtemps toute illu-
sion relative au régime et aux organisations « ouvrières » ;
elle avait aussi perdu, pour l'essentiel, toute foi dans ses