aux meetings. D'autres organisations « de gauche » n'ont
même pas essayé de s'adresser aux masses : le Comité pour
la défense des libertés démocratiques tenait ses réunions
sur invitation aux Sociétés savantes !
De son côté, de Gaulle, au cours de sa grande tournée
publicitaire en province, et surtout lors de la manifestation
du 4 septembre à Paris, dut avoir recours à quelque vingt
mille anges gardiens pour le protéger contre son bon peuple,
,
lui, ses notables et ses quelques milliers ou centaines de
fidèles, admis, sur invitation, à venir entendre la Parole. Ces
précautions semblent bien ridicules maintenant que l'on sait
que quatre Français sur cinq lui sont favorables ; et pour-
tant, il aurait eu bien tort de compter sur ces quatre pour le
défendre contre le cinquième. Car s'ils ont confié leur sort
à de Gaulle, c'est justement pour ne pas avoir à intervenir
eux-mêmes, et avec l'idée que, lui au moins, il saurait ce
qu'il voudrait et le pourrait sans faire appel à eux.
(4) Voir dans ce numéro les articles concernant le P.C. et l'U.G.S.
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NAISSANCE DE LA V REPUBLIQUE
Ainsi, de la part des masses en France il ne s'est pas pro-
duit de polarisation, ni autour des organisations « ouvrières »,
incapables de la susciter et, d'ailleurs, n'en voulant pas, ni
de façon autonome.
En revanche, les forces qui s'étaient, elles, polarisées en
Algérie pour accomplir le 13 mai ne se sont pas maintenues
longtemps au niveau de conscience et d'organisation atteint
ce jour-là. Tout d'abord, elles se sont révélées incapables de
regrouper, en France, en une formation d'extrême droite,
fasciste, les forces de la petite bourgeoisie et des autres sec-
teurs parasitaires. Celles-ci, de par leur nature même, soni
profondément divisées, et il n'existait pas de circonstances
suffisamment critiques qui puissent les contraindre à s'unir.
Ensuite, en Algérie même, il est apparu assez vite que la
population européenne, ayant obtenu grâce au 13 mai des
assurances sur son sort à venir, se désintéresserait de nouveau
de la politique, laissant ainsi les politiciens des C.S.P. pourrir
lentement de leurs divisions internes. Surtout, l'armée ne
voyant décidément jamais s'ouvrir de perspective de fascisa-
tion de la métropole, le noyau totalitaire groupé autour des
officiers de parachutistes a perdu de son influence, et, au
contraire, le courant gaulliste a tendu à l'emporter, ne deman-
dant qu'à servir les intérêts du grand capital, pourvu qu'il
les exprime en ordres clairs et qu'il sache lui éviter les humi-
liations. Rallier de Gaulle, c'était le moyen de rentrer avec
honneur dans le giron de la nation – dont, au surplus, le
référendum a pu les convaincre que de Gaulle était bien le
représentant « légitime ». L'armée s'est ainsi peu à peu déta-
chée des activistes des C.S.P. et l'amalgame qui avait permis
le 13 mai s'est rompu. Cette rupture a ôté l'essentiel de leur
poids aux colons qui, dans la défense désespérée de leurs
intérêts particuliers de couche parasitaire, ont un moment
réussi à contrecarrer la mise en place de solutions exigées