Constatant le succès de Gênes, les partis essaient alors de récu-
pérer le mouvement, en vue de l'exploiter sur le plan parlementaire.
Ils organisent des manifestations « anti-fascistes » un peu partout.
Mais, de nouveau, les mouvements ne se déroulent pas comme prévu.
Le 6 juillet, à Rome, des bagarres opposent pendant plusieurs heures
manifestants et policiers. Le 7 juillet, à Reggio Emilia, la police
tire sur une manifestation : 5 ouvriers sont tués. Une nouvelle grève
générale est décrétée, mais cette fois-ci sur le plan national.
En Sicile, le 1er juillet un ouvrier agricole avait déjà été tué
par la police au cours d'une manifestation pour les salaires, Le
9 juillet, à Palerme et à Catane, la police tire sur la foule faisant
quatre nouveaux morts.
Magré la répression policière, et justement à cause d'elle, de ses
excès, des intentions qu'elle révèle et des réactions qu'elle provoque,
il apparaît alors clairement que les jours du gouvernement Tam-
broni sont comptés. L'union du centre et de la droite néo-fasciste
qu'il incarne est condamnée. La solution de la crise : retour de
Fanfani à la tête du gouvernement et de Scelba, l'homme à poigne,
à l'Intérieur, satisfait la bourgeoisie. En effet, Fanfani rassure à
bon compte la gauche, tandis que Scelba garantit l'ordre public.
L'écho des journées de juin-juillet a été très grand dans le
prolétariat italien. Alors qu'à Gênes l'expression « faire comme à
Tokyo » courait de bouche en bouche et devenait une sorte de mot
d'ordre, à Turin et dans d'autres villes industrielles, les travailleurs
disaient : « il faut faire comme à Gênes », et des ouvriers ajou-
taient : « pour nous, le fascisme c'est le patron ». Mais à Gênes et
ailleurs, les travailleurs et les jeunes se sont heurtés non seulement
aux forces de répression, mais encore aux dirigeants de la gauche
qui tentaient de freiner leur action, de lui donner un caractère
(*xclusivement légal et inoffensif. Ils ont réagi, parfois brutale-
ment : à Gênes, ils ont renversé la voiture de la Bourse du Travail
qui parcourait les rues en invitant au calme ; à Rome, ils ont
onosso la figure à un fonctionnaire du P.C. qui leur tenait des propos
lon1010111s. Un peu partout, les chefs de la gauche ont été critiqués,
BD momo hués, pour leurs atermoiements, Certes, on ne peut pas
prilor l'une rupture nette entre les travailleurs et leurs directions
In'e111cratiques, mais beaucoup d'ouvriers, de jeunes, d'ex-partisans
111111 1111 jourd'hui à même de voir plus clairement que le problème
*** Hoite pas à savoir si les directions des partis sont plus ou
Inoloen 10lles, plus ou moins dures, qu'il est bien plus profond.
Il l'orell souligner ceci : en juillet, les ouvriers et les jeunes
l'damment des formes de lutte que les organisations traditionnelles
II plumbent pas leur offrir. A la cristallisation de ces formes et
A lour "stension s'opposa cependant le manque total de liens entre
Tom Hotpoin 10tonomes et les militants révolutionnaires qui, dans
Ilm villor lllférentes, prirent les initiatives les plus efficaces.
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Eussent-ils existé, ces liens n'auraient certainement pas modifié le
destin final du mouvement : ce qui est sûr, par contre, c'est qu'ils
en auraient modifié l'aspect, et donc aussi la trace qu'il a laissé
dans la conscience de ceux qui y ont participé. Un autre enseigne-
ment doit être dégagé : le comportement du prolétariat pendant ces
journées fait justice de l'idée d'une intégration des ouvriers dans
la société obtenue au moyen d'une politique de hauts salaires