gent, bousculent toutes les idées, tous les tabous et vivent
avec les autres comme dans un musée de vieilleries. Les jeunes
qui ne croient pas au travail, qui veulent avoir de l'argent,
monter les échelons, les jeunes avides de richesses, détestant
ce qu'ils font, dégoûtés des autres, cyniques, sceptiques à
tout, mettent tout en cause, passant tout au crible, et ayant
définitivement exclu « l'Espoir » de leur vocabulaire.
Le monde meilleur, les lendemains qui chantent, c'est de
la mythologie. "La seule chose qui compte c'est de trouver le
truc, la combine pour sortir des manivelles, s'échapper comme
se
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un voleur de l'atelier avec une situation ou un carnet de
chèques, mener la belle vie, les voitures, les femmes, l'air
libre.
C'est cela pour les jeunes les lendemains qui chantent,
mais il faut être stupide pour relier cet espoir à un idéal
politique quelconque. Ils savent bien que cet idéal ne peut
être qu'un idéal individuel. Ils savent bien que pour avoir la
belle vie, il faut qu'il y ait des masses de gens qui triment,
qui aient la mauvaise vie, qu'il faut des manœuvres, des O.S.,
des travailleurs enfermés dans les usines. Ils le savent. Ils
n'arrivent pas à avaler les histoires que les politiques peuvent
bien leur raconter. Ils ne croient pas à des lendemains qui
chantent collectifs puisqu'ils savent qu'il n'y a pas de lende-
main qui chante dans le travail, dans les usines et aux
manivelles. Les seules perspectives c'est de passer la barricade,
aller des manivelles aux grands bureaux. Et cela ce n'est pas
une solution collective, ce ne peut être qu'une solution indi-
viduelle basée sur la chance.
Quel idéal, disent les vieux, les politiques, avec mépris ;
quel idéal ils ont ces jeunes ? De notre temps nous, on se
battait pour la collectivité, eux, ils ne pensent qu'à eux-
mêmes.
Et les vieux, les politiques, ils ne s'aperçoivent pas qu'ils
récoltent les fruits de leur propagande, les fruits de leur
politique, ils ne reconnaissent plus ce qu'ils ont débité dans
leurs tracts, aidé à colporter dans la population.
Pourtant qu'ont-ils proposé aux jeunes ? Un avenir
meilleur, c'est quoi ? De meilleurs salaires, consommer plus,
avoir sa voiture, avoir le confort. Pour
montrer que
les
ouvriers russes soni heureux, on les montre en vacances, on
les montre chez eux, on les montre dans le train, dans un
salon de lecture, au spectacle. C'est cela le bonheur, c'est
moins travailler et consommer plus de richesses.
C'est cela que veulent les jeunes aussi, et pourtant ils ne
vont pas au parti, ils comptent s'en tirer tout seuls, parce qu'il
n'y a pas de limite dans cet idéal. Quand on a une voiture,
on veut en avoir une meilleure ; quand on a trois semaines
de congé, l'idéal devient un mois, puis cinq semaines, etc.
Tout cela n'a pas de limite et si l'on réfléchi, pas une société
ne peut combler cet idéal. Les jeunes deviennent asociaux