femme de chambre dans une maison de maître à la campagne : belle
maison petit château de gentilhomme campagnard
vieux meu-
bles sombres et compliqués une jeune maîtresse de maison sèche,
frigide, chicanière, comptant les morceaux de sucre, grattant sur la
nourriture des domestiques le maître de maison, une brute,
« porté sur la chose » mais borné, oisif, incapable d'initiative, d'ima-
gination le vieux Monsieur enfin, père de Madame, ridicule d'élé-
gance affectée, dominé par cette perversion qui lui fait cirer les
bottines de ses servantes, carresser ces bottines, s'endormir les serrant
contre lui.
L'office est à l'avenant, et là le personnage principal est le valet,
Joseph, homme cruel, sadique, secret, s'adonnant avec délectation à
une politique d'antisémitisme féroce.
Ce milieu fermé, dominé par des haines recuites a deux sorties
sur le monde : le curé qui vient rendre visite à Madame, à qui elle
se confie, à qui elle confie ses peines d'alcôve et qui lui donne une
réplique à la fois pudibonde et adéquate ; un capitaine en retraite,
voisin les deux jardins se touchent homme ridicule, sifflant des
marches de guerre, occupé essentiellement par la haine de son voisin.
L'arrivée dans ce milieu d'une parisienne, piquante et parfumée,
jette un trouble compréhensible. Quelle chose doit se passer. Mais
c'est là que le film tourne court. Des événements importants se produi-
sent. Joseph assassine et viole du moins le suggère-t-on
petite fille, ce qui hante Célestine, la femme de chambre. Mais cet
événement n'est pas dans l'ordre de l'attente. Octave Mirbeau, dans
le livre dont le film s'est inspiré, avait pris le parti impitoyable de
montrer que Célestine s'adapte, qu'elle s'abrutit en épousant Joseph.
Mais le film hésite, l'attention se disperse, et la fin, le mariage de
Célestine avec le voisin, capitaine en retraite, laisse une impression
d'inachevé.
Bunuel, réalisateur du film, lie de manière saisissante le racisme
de Joseph à sa cruauté névrotique. (« Douze Juifs tués en Roumanie
toujours ça de moins ! »). Mirbeau, on le sait s'était attaqué à
l'antisémitisme en 1900, soulevé par l'affaire Dreyfus. Mais pourquoi
Bunuel s'arrête-t-il à mi-chemin de notre époque ? Pourquoi met-il
en scène d'une main ferme les racistes, les Camelots du Roi.
de 1934 ? Qui se souvient de ce que signifie le cri « Vive Chiappe » ?
une
Benno SAREL.
86
LE SILENCE
Dans un compartiment, deux femmes, un enfant.
Deux femmes jeunes, belles.
L’une, Esther, les cheveux tirési, un tailleur strict, semble tendue,
indifférente au monde extérieur,
En regardant l'autre, Anna, on sait qu'il fait chaud, sa robe est
légère, des bijoux soulignent le cou et le bras.
Flus tard on verra qu'elles ont trop de choses à se dire, alors
entre elles, là, c'est le silence.
L'enfant voudrait rompre ce silence, aussi il sort. Dans le long
couloir il regarde une plaque où sont inscrits des mots en langue
étrangère, il regarde, il ne comprend pas.
Le voyage est interrompu car Esther ne peut résister à un