POUR UNE ORGANISATION PROLETARIENNE REVOLUTIONNAIRE
MARXISME ET THEORIE REVOLUTIONNAIRE
SUR L'HISTOIREE DE MARXISME
Les problemes theoriques qui sont a l'origine de la crise de notre groupe
sont des problemes reels, effectivement poses a la pensee revolutionnaire
par les
transformations -realisees ou en voie de realisation dans le monde
contemporain.
Le developpement mondial dens ces vingt dernieres annees impose a la
pensee revo-
lutionnaire· une reestimation critique des conceptions qui n I ont pas
resist e·· a· 1' epreuve des evenements. L'idee d 1une necessaire
readaptation de l'ideologie revolu-
tionnaire a la realite changeante du monde n'a stupefie personne par son
audace.
Cetta idee est au demeurant aussi vieille que le marxisme lui~m~me.
Nous avions espere que les auteurs de la Platefonne dull mars, qui depuis
1 1 ete dernier se sont entierement consacres a la tache d 1 elaborer une
conception
qui se veut-mo~erne de la theorie revolutionnaire, approteraient une
contribution
estimable a la solution des problemes que la realite historique pose a
tous lea
'groupes d'avant-garde. Il n'en est rlen. Ceu:..: qui ont pris
l'initiative de se constituer en Tendance n 1 ont eu d'autre
preoccupation que de fabriquer des armes destinees a @tre utilisees sans
delai contre tousles camarades qui ne partagent pas
leurs conceptions. La Tendance, qui il ya quelques semaines encore
denongait comme des scissionnistes ceux qui s • opposaient aux
ernporte_ments de son aventurisme
intellectual, a prix elle-m@me 1 1 initiative de la guerre a l'interieur
du groupe.
Nous attendions 1.llle discusaion, nous n 1avons eu droit qu 1 a des
polemiques, a des
attaques demagogiques. Avant m@me que nous ayons ecrit quoi que ce soit,
nous avons
ete caracterises, psychanalyses 1 etiquetes, refutes. Pour les auteurs de
la Plate-·
forme, lea divergences au sein de 1 1 organisation ont 1.llle
signification tres simpler
elles opposent les audaces de l'Intelligence creatrice a la oraintivite
de la
B~tise repliee sur elle-m@me. Il nfest pas de bien qu'on puisse penser de
1 1 intelligence de la Tendance que la Tendance ne fasse savoir elle-
m..~me : le 11 mars n
ete enfantee 1.llle theorie nouvelle dont on nous assure qu'elle est au
marxisme ce
que la physique moderns est au systeme de Newton. C1 est la trop de
modestie.•Le
texte du 11 mars est un m~ment de la pensee huznaine : depuis le debut
des temps
il y avait le monde qui developpait 1.llle histoire qui ne se oomprenait
pas elle-m~me.
L'Esprit s 1 est maintenant incurne duns la t~te de la Tendance pour
rendre le monde
intelligible a lui m.@me dans son passe, son present et son avanir.
Pour porter tous sea fruits• ce prodigieux evenement intellectual suppose
cependant que 1 1esprit soit libere de tousles fant8mes ideologiques du
pnsse, at
qu'il soit enfin proolam.e que le marxisme lui-m&ie n 1 est qu 11.llle
ideologie morte
oomm.e tant d'autres que le cours eternel de l'histoire a laissees
derriere lui
dans une inertia petrifiee de fossile.
Cette reduction du marxisme a l'etat de fossile ne va pourtant pas sans
difficulte. Et pour dormer quelque vraisemblance a leur entreprise de
liquidation de
la philosophie de ln revolution proletarienne• les nuteurs de la
Plnteforme du
11 mo.rs ont ete oontraints d 1utiliser des procedes qui ne sont que des
falsifications
- 2 -
/
m@me pas tres neuves, de la theorie marxiste 1 de sa signification et de
son his-
:toire.
'
Sur la nature m~me du ma~xisme, la Plateforme du 11 mars produit des
affirmations qui tratnent dans n•im.por te quel manual d'histoire. Pour
les auteurs de ce
text:e, le marxi.sme en effet sera'i._t devenu un systeme referme sur
lui-m~me, se posant comma un savoir total et definitif et par la m.&te
voue a se transformer en un
system.a ideologique entierement etranger a la realite et a son
developpement. La
realite et la connaissance marxi.ste se seraient progressivement
dissociees 11une
de l'autre et nous aurions presentement atteint le moment ou le marxi.sme
aurait finalement abouti a la negation de sa prop"'e signification et a
sa mutation en ideo - logia. Se trahiss ant lu.i-m@me comme entreprise
dialectique pour se constituer en
J ~ otali te achevee du savoir du monde, le mar~sme aurai t reproduit l
'aventure hege- 'Y ie£_Ile • _ __ t _ _ _ __ -
· -- L. Si le marxisme etai t seulement un hegelianiame renri.; ; u; -
ses -pieds ,-;i ~ pass)ige de 1 1 idealisme au materialisme n I avai t eu
d t autre effet que de contraindre la
dia.Lc-'~-tique a cesser de marcher sur la tete, il n 1 y auxai t aucune
raison l ogique de
constester qu'il puisse devenir ou s oit devenu un systeme dogmatique
projetant sur
l'univers des conceptions entierement etrangeres au reel.
Mais precismnent le marxisme n 1 est pas un autre hegelianisme, une
metaphysique
materialiste symetrique d'une metephysi4ue idealiste. Procedant non pas
sur des
concepts speculatifs mais eur des categories concretes, cherehant a
mettre a jour
non pas des liaisons logiques, mais des connexions historiques, c 1 est-
a-dire saisies
dans leur m.ouvement, le ma:r.xisme ne produit pas une representation du
monde cc-nune
realisa tion achevee de la rationalite, mais une comprehension
historiquement condition.nee , et comme tell e relative et changeante, du
processus de transformation de
la real ite. Consideree dans son originalite specifique, la methodnlogie
marxiste
se donne comme objet 1 1historicite concrete, et la connaissance a
laquelle elle
pretend att eindre s e sait elle-m@me perpetuellement changeante comme la
realite
elle-m@me. Bien pl us, la methodologie marxiste n'a fina-lement pas d 1
autre objet que
l'etude des mutations qui s'operent dans la realite. Car celle-ci n'est
jamais apprehende& par le bi ais de concepts et de categories
i:mm.uables, et abstraites du
concret historique, mais cmmme une totalite de connexions contradictoires
qui n 1 eristent qu'en tant q_u 1 el les cessent continuellement de
coincider avec elles-m~mes.
La philos ophie marxiste presente par la une singularite irreductible,
car il
n'est pas dans s on pr ojet de construire, a la fagon des autres
philosophies, une
representation du monda se donnant pour achevee. L'exigeance de la
philosophie marxiste est au con-!:ra:i.re une auto-critique permanente et
le depassement continuel de
s-n propre savoir, et il n 1 y a aucu..ne position de la pensee marxiste
qui ne se sache
exp~see a l'usure du temps. Il n'y a pas d'orthodoxie marxiste qui ne
soit trahison
du projet fondamental du marxi~me, mais du m@me coup il n'y a pas de
depassement
concevable du marx.tsme que si on opere une confusion entre la
methodologie et le
contenu de la theorie marxi.ste dans certaines de ses etapes historiques,
c'est-a- ~
dire si on ign~re ou feint d'ignorer l'essenqe m~e de .J.a dialectique
revolution-:] naire.
Le revisionnisme de la Tendance recede uniquement de cette confusion. La
theorie et la pratique revolutionnaires do·vent constamm.ent se readapter
a la realite,
procla.m.e· la Tendance. C1 est vrai • Mais il n•y: a la aucune
decouverte, et les au,teurs
de la Plateforme du 11 mars ne sembl ent was l'ignorer puisqu'ils
attribuent cette
verite a Marx lui-m.@me et citent le "18 ~ •.$J.aire 11 1 dem.r'ntrant
par la j:i.stem.ent que
le ~arx~sme n 1
a nullement vou~u gtr~, et \ ~j en real~te ,nullement ete, 1~ s?steme
scleros e dont la Tendance ..,,01 t qu' il est \ ourd I hw. nee essaire
de se def sire,
- 3 -
Pour servir d'appui a leur affirnia~ion sur la necessite de ae delivrer
du
carcan du marxisme , lea auteurs de la PDl.teforme produisent d'abord des
arguments
"historiquea", et c ' est pnurquoi il faut rapidement retablir la verite
sur le deve- , loppam.ent hiatorique reel de la doctrine marxiste .
La Tendance ordonne le developpement du marxisme selon un schema qui tend
a
faire ressortir une • pposition frappante entre la situation et le r81e
du marxisme
pendant la periode qui va de 1847 a 1940 et sa situation et son r6le dana
la perio- de qui a suivi. Pendant la premiere periode , le marxisme se
serait developpe et
maintenu comma comprehension adequate du monde et aurait ete reconnu par
le proletariat comma 1 1 expression theorique de la critique pratique que
1es ouvriers font
du capitalisme. Par la suite, eu contraire, le marxisme serait devenu une
ideologie
car il se serait a la fois ferme a la c,,mprehension d 1 une realite o_ui
l 1 aurait depasse et il aurait defini tiveme:nt cease d I Stre rec
(1ri:'.1u par les forces sociales qui
continuent d'operer une critique pratique de la d0mination des cl~sses
dirigeantes. Le marxisme aurait ainsi fait faillite dans la t~r.he de
comprcndre les developpements nouveaux de la societe capitaliste , et
l'inexistance d 1un courant marxiste
enracine dans le proletariat ne serait qu ' une conse~uence de cet echec
: 1 1absence
d ' ouvriers dans les groupos marxistes serait le signe que le
proletariat fait a sa
maniere la critique de cette ideologie et la tient pour mnrte.
Mais, en premier lieu, il n•est pas vrai qu'il y ait un "marxisme
classique" ,
comm.a dit la Tendance, ~ui se soit developpe et maintenu entre 1847 et
1940.
Le developpement de la theorie marxiste ne peut gtre lui-m&le compris que
d'un point de vue nu>rx..tste . Cela signifie d 1abord qu 'il n'y a pas d
1un c6te le
developpement du capitalisme et de la lutte des classes et de 1 1autre
une theorie
marxiste elaboree separeme:1t et pouvar-t @tre comprise comme un
developpemcnt pure--
ment ideologique, w.·:i s une histoire du iiarx.isme indisso:ublernent
liee a cc lle du
capitalisme et de l a lutte des classes. La theorie marxiste, en tant cµe
comprehen- sion du monde et en tant que pratique revolutionnaire, se
trouve obligatoirement
enracinee dans le processus historique.
En effet, dans la mesure m@me ou le capitalisme realise tout au long de
sa
croissance des mutations·successives de son fonctionnement, de ses lois
et de ses
structures, il produ.it correlativement des modifications de la lutte des
classes,
de ses determinations et de ses objectifs, et par suite conduit la
critique revolutionnaire a developper d'wie etape a l'autre des contenus
differents, qui sont
certes relies les uns aux autres mais en m@me temps inscrits dans une
perspective
de depassement.
De ce point de vue , les contrastes que veut faire apparaftre la Tendance
entre
la periode qui va des premiers ecrits de Marx a la mort de Trotsky et la
periode
suivante, sont purement artificiels. Pres de cent annees s •ecoulerent
entre la
parution du Manifeste et le drame de Mexico, et les conceptions que les
marxistes
se firent aussi bien du fonctionnement du capitalisme que de la lutte du
proletariat et de la strategie de la revolution socieliste ne demeurerent
pas immuables. Chacune des periodes que traversa le capitalisme fit
surgir des problemes nouveaux, entrafna des rectifications de la theorie
revolutionnaire a tousles niveaux, et
ces rectifications ne furent operees sans tdtonnements, ni sans crises,
ni sans
luttes. Cea transformations auxquelles le developpement historique
contraignit la
theorie marxiste ne s'effectuerent en aucune maniere selon une
progression reguliere
vers une comprehension teujours plus approfondie du monde, mais selon un
processus
contradictoire au cours duquel le dogmatisme, 1 1esprit d 1 orthodoxie et
l'aveugle- ment devant les m.etam.orpho~es de la realite se conguguerent
au revisionnisme, a
- 4 -
l'esprit de liquidation et a l'aventurL e thOorique pour rendre plus
malaisOee
les elucidations theoriques necessairet. Le marxisme ne fut certes pas
une fantns,
magorie ideologique plaquee sur la ret lite, mais il/j fut iiamais non
plus une
\ / comprehension permanente et totale de cette r ealite Si la
constatat~on que le
A. cheminement effectif du pr ,,ceos-:l.S historique ne co:i'. do pas
touj ours avec les
previsions marxistee suf:'isai 'b B. demon-';r er la failli te de la
philosophie de Marx,
il n 1 y aura.it aucune raison d 7 e.ttendre ~ pour proclamer cette
faillite. En Se
pla~ant d'un point de vue semblable, la logique exige en realite qu 1 on
constate
la mo~t du marxisme des les premieres decades de la vie politique de Marx
et
d'Engels. _Car enfin, comment les choses se sont-elles passees durant oes
cent an-
. nees ?
En 1840 Marx et Engels ont deja ela.bore leurs principnles conceptions
philo ... sopbiques, entome l' etude cle 1.1 economie ?Oli tiq:t,i.9 , f
c:'.".a:.ul6 ~.eur mat eri alisme historique, A la veille d 1une r
evoh,,tj on ('.'.J.:i va s ecouer ·1.::~ur0pe;, i ls pt1blient le
Manifeste qui contient, entre autrss, une pr emi e~e ea q·J.is s8 d3 la t
heorie de la
revolution permanente. Marx e~; i'.:ngels entrs::,,roi er.t q:J.' en .All
er:1a.gne Puni te nationale et les ·t~ches bou.rgeoises d.e la
revo1L1b.':s:1 110 pou.::-.ront ~tre assumees que si
le proletariat exerce U.!10 pression decisive SU~ l es couches
bourgeoises democr~- tiques, de sorte que ~-a revolution allemande
pourrai t @tre amenee a se depasser
en revolution s ocia.li . .:d,c et a operer sa jonction a.vec la
revolution proletarienne
dont on croit l ;,; m0m.ent a:r.rive en France. Les eveneroents dementent
cruellement ces
previsions. Les onvriers frengais sont ecrases par l es armes et la
poussee revolutionnaire, r estee embryonr"ai rc on Allemagne, n 1a
j,l•~•;.r effet que de provoquer un
reflux general 0.0s couches 'l1O1.!1~geo:1.ses vars la cont:,:'e,-
revolution, de sorte que
m.eme les t a:c}1es na.d.o.1ales democratiques demeu.rent inachevees dans
les Etats allemands.
Au lieu 6. 1 une revolution socj_aliste frangaise e·b allero.ande, il y a
a Paris
eonsolidatio·t1 de la dictature bonapartiste, cependant qu 1 en Allemagne
c 1
est le
bismarckisme qui assure d'une fa~on totalement imprev~a et historiq~ument
inedite
la t~che d'unii:.er la nation et de liquider les residus de 1 1ancien
regime.
Lorsqu1 en 1871 les travailleurs parisiens s'insurgent, au lieu de
trouver l'alliance d 1une revolution allemande, ils ont a faire f ace au
front unique des bour~
geoisies frangais e et allemande ~u.1 1 en depit de leu.rs antagonismes,
font de con~
,ert le necessaire pour que la Commune rentre dans le neant.
Toutes les perspectives que Marx et Engels avaient en 1847 sur le
developpement historique de 1 1Europe ont ete ruinees par l'experience et
les fondateurs '
du socialisme moderne ne le contestant pas. Ila prennent note de la
critique severe que leur ont inflige lea evenements et modifient
completement leur concep- ·
tion du proeessue revolutionnaire.
Les inadequations entre la theorie et la pratique qui sont apparues de
1847
a 1871 ne sont pe.s cependant cl.e simples erreurs d. t appr eciation de
la puissnnce ·
des forees ouvrieres et des rythm.es du processus revolutionnaire en
Europe, ou
plut8t ces erreurs ont elles-mtlmee un conditionnement historique. Elles
precedent
en fa.it d 1une eertaine conception du developpement du cnpitalisme, qui
fut elnboree
a partir de l'observation de phenomenes effectivement presents dons les
societes
bourgeoises en formation, maie 4ui vont s•attenuer precisement a portir
de 1850.
Marx et Engels ont ete frappes par la violence des crises periodiques
qui, depuis
1810, s 1 abattent sur les nations capitalistes et s 1approfondissent
regu.lierement
en se repetant. Chacune de ces cris es , en effet, se manifeste sous la
fonne d'un
effondrement de la production aboutissant a une baiss~ brutale des
salaires et a
une poussee du ch8mage, mais d'une crise a l'autre le ch&nage ne parvient
pas a
se resorber et la croiseance d'une armee industrielle de reserve provoque
la
stagnation a peu pres totale, ou m&le une baiss e,du taux des salaires
reels.
- 5 -
L 'impo·ssibili te pour le capitalisme de valoriser les marchandises qu
1il produi t en
quantites croissantes, le develeppement de l'armee industrielle de
reserve, le maintien des salaires au minimum indispensable a l'entretien
de la force de travail,
la violence des revoltes ouvrieres, qui se sont succedees depuis 1810,
conduisent
Marx et Engels a la conclusion que la societe capitaliste evolue a
travers une aggravation de ses contradictions constitutives, produisant
par la m.6me les conditions
generales de son ecroulement interne dans un delai historique a.ssez
bref. Cette conception du developpement ca.tastrophique du ca.pitalisme
regoit du reste une confirmation partielle en 1848 i c 1 est bien une
crise plus generale et plus profonde que
les precedentes qui a lance le proletariat extenue par le ch8:mage et la
misere croissante dans la bataille contra le capital. La revendication de
l'ouverture d 1ateliers
nationaux, et la popularite de eette institution que les travailleurs
parisiens entreprendront de defendre par les arm.es, traduisent une
co1ncidence assez remarquable
entre la conception theorique des fondateurs du socialisme moderne et la
conception
~ratique a laquelle des ouvriers sont arrives par l'experience :
l'impossibilite ou.
se trouve enferme le capitalisme de fonctionner automatiquement.
Ce qui met en porte-a-faux la conception marxiste dans les annees qui
suivent
1850 c'est precisement le fait qu'a uncertain stade de sa croissance, le
capitalisme
a depasse les contradictions qui dominaient precede:mment son
fonctionnement et devaient conduire ·a son ecroulement interne.
De 1850 a 1911, en effet, le developpement du capitalisme europeen
continue a
s'effectuer a travers des crises; mais elles n 1 ont pas la profondeur de
celles de
la periode precedente. Elles se traduisent par des chutes de la
production et des
salaires beaucoup moins brutales; et surtout le a~uvement general des
salaires de~
vient ascendant, ccpendant que l 1 armee industrielle de reserve; cessant
de croitre
de fag~n constante, a t endance a se resorber dans des proportions
i.Jnportantes, et
en fait presque totalement dans les pays avences. Les contradictions qui,
avent 1850,
avaient semble immanentes au rapport capitaliste lui-m~me, apparaissent
conune etant
seulement liees a la premiere phase historique du capitalisme) et elles
ne vont
d'ailleurs nullement se reproduire dans les pays qui s'engagent avec
quelques decades de retard (par rapport a la France et a l'Angleterre)
sur la voie de 1 1industrialisation: Allem.agne, Etats Unis, Autriche 1
etc •• Les dispr~portions croissantes
qui se manifestaient entre le p~tentiel de production et les capacites du
ma.rche
resultaient du degre insuffisant atteint par le developpement du m,l')de
de production
capitaliste lui-m~me, qui n 1 avait encore constitue que des ~lots d 1
industrie moderne noyes dans un environneroent econ~mique et social pre-
capitaliste.
1ie1evation de la comp~siti~n organique du capital dans toutes les
branches
de l'industrie, la penetration du machinisme dans l'agriculture, la
construction
des infra-structures necessaires a la civilisation mecani~ue (chemins de
fer, ports,
flottes a vapeur), la transformation de la technologie militaire et de la
strategie
(artillerie, armees de conscription), fournirent a partir de 1850 des
marches nouveaux au capitalisme dans la mesure m~e ou la production
devenait fondamentalement
une fabrication de moyens de production et ~u, a la pre~onderanoe de la
grande entreprise textilo se substituait la preponderance des mines et de
la sidcrurgie.
Le capitalisme; qui etait precedemment incapable d 1absorber dans la
production la
masse· des artisans et des paysans que son propre processus
proletarisait, decupla
en quelques annees le n~mbre d'emplois qu'il etait capable de fournir de
fagon re~
lativement stable. La res•rption de 1tarmee industrielle de reserve, la
diminution
d 'intensi te de la concurren·ce sur 1-es marches du travail, 1
'augmentation de la production consecutives a la transformation de la
technologie, cesserent de vouer 1~
... 6~ -
proletriat a une misere croissante, et le capital variable que recevaient
les ouvriers devint des cette epoque un element important de la
realisation de la plusvalue. "En se developpant et en se generalisant, le
rapport de production capitaliste
oreait lui-~me ses propres debouches" (Lenine).
Cette attenuation de la violence des contradictions internes a la societe
napi ta.liste fut de surcro~t precipi tee pc.r i.e f'ui t que le capi
talisme se subordonna
l'univers entier, creant ainsi une situ:..tl.on qui lui permit d'elargir
sea marches
a l'echelle mondiale et de transferer vers 1 1Europe des quantites
enormes de plus~
value colonials qui accelererent les rythmes de l'accumulation du
capital.
Bien qu•a.vec uncertain retard, Marx et Engels comprirent que leur idee
d'un
ecroulement rapide du capitalism.a etait inexacte puisqu'aussi bien,
selon leur
propre terme : "un systeme de production ne disparc:tt jDllllliS uvo.nt d
•~woir epuise
toutes ses possibilites". C1 est pourquoi, dans la periode qv.i aiit
1871, Marx et
Engels procederent a une revision radicale de leur conception de la
dynomique du
capitalisme, des perspectives revolutionnaires, de lo strategie de la
lutte proletarienne. S'npercevnnt que la profondeur et lo nature ~me de
la crise du capitolisme avaient ete mal comprises, et qu'en ~onsequence
le potentiel revolutionnnire dos
forces deja mises en place par le capitalisme avait ete surestime, Marx
et Engels
insisterent desormais toute leur vie sur la necessite de liquider lee
tendcnoes insurrectionnalistes qui survivaient a lo periode precedente
(blanquisme, bakounisme,
etc). Les contradictions du capitalisme leur parurent inscrites dans le
develcppe- •ment d'un cycle historique a long te:rme et f sans abandonner
le point de vue salon
lequel le systeme produisai t par son propre fonctionnement. les
conditions genera.lea
de ea destruction !il'evolutionna·ire, ils situerent la revolution
socialiste dans un
avenir plus loint~i~~ lorsque le capitalisme aurait, p~r son expansion,
multiplie
les forces prolet~;_•i,..::nr.es ,qui le contesteraient et ere{; les
conditions pour que
oette conteatation devienne radicale.
L'idee qui d0ro..ine les conceptions du marxisme depuis 1871 est que la
bataille
revolutionne.ire ger:frale ne peut t!tre gagnee avant quo le capita.lisme
lui-m~me a.it
cree le potentiel revolutionnaire neoessaire a sa des~ruction. En
consequence, dans
toute l'Europe, l ze p~rtis social-democrates introduisent une
distinction entre le
programme minim.um q1u doit permettre a la olasse ouvriere d'occuper en
toute occasion de meilleures prsitions .et le programm.e maximum, c 1est-
p-dire la revolution
socialiste, qui demeure le but final. Marx et Engels n'ont pas, il est
vrai, completement neglige a cette epoque lee bouleversements que
l'irruption du capitalisme
dans lee pays arrieres pouvait provoquer dans la dynamique historique
mondiale, et
plusieurs de leurs ecrits montrent que l'idee que le theme de la
revolution pennanente pouvait Stre transpose hors d'Europe ne leu.r e~ait
pas etrangere. Il est cer~
tain cependant que, dans 1 'ensemble, les marxistes s 'a·:t;cr:.daien-l;
a ce CJl e 1 1 explosi0n revnluti('Jnnaire se produise dans lee pays
:i.es plus indu.st::-ia:lises, et qu'en
tous cas aucune conception du devel0ppement revolutionnaire mondial ne
fut alors
olairement et correctement formulee.
c•est :f'aute de. se placer du -p.oint de vue de la totalite m.ondiale du
capital1sme et de la lutte des classes que les _sociaux-democrates furent
inexorablement
entra1nes vers des eon.ceptions et une pratique qui constituerent u.n
contra-sens
complet ·sur leur epoque. Marx et Engels, dans la derniere partie de leur
vie, avaient
ete amenes a estimer, par l'observation de la realite,~que la perspective
d'un effondrement du capitalisme ne pouvait pas ~tre con9ue comme une
eventualite prochaine.
:Les sociaux-democrates, s 1 enfermant dans cet enseignement de Marx,
passerent peu a
peu de l'idee que le capitalisme etait en train de se consolider a 1
1idee que cette
consolidation ~elative etait en quelque sorta permanente. Sans doute la
plupart de
- 7 -
sociaux-democrates ne formulerent-ils pas explicitement une theorie de la
stabilisation croiesante du capitalisme et de_ l'attenuation graduelle de
ses contradictions. Certains d'entre eux contesterent m~e eette theorie
et combatirent lea revisionnistes qui avangaient que la dialectique
n'etait qu'une vision metaphysique et
pretendaient se placer du point de vue de la science et de la seule
observation de
la realite pour demontrer que le processus capitaliste ne se developpait
pas a travers des contradictions conduisant a une crise generale du
systeme. La defense de
:i.a dialectique par les sociaux--democrates ne fut pourtapt qu'une
defense foxmelle.
Aucun d 1 entre ewe ne parvint en realite a comprendre la periode qu 1ils
vivaient d 1 un
p~int de vue dialectique• c'est-~-dire a s 1apercevoir que la
consolidation relative
du eapitalisme dans chac~ des pays avances et l'attenuation de ses
crises, s•accompagnai t d 'une aggravation des eontradic tions· du
systeme a l' echelle mondiale, que
lea rivalites des imperialismes · traduisaient l'incapacite a long terme
du capita~
lism.e a fonctionner pacifiquement et que les inegalites du developpement
mondial
conduisaient a des oontradietione economiques et sociales dont 1 1
explosion etait de
nature a ebranler tout le systeme. Etroitement bornes a des horizons
purement europeens, retranches derriere lea textes de Marx et d 'Engels
sur la caracterisation de
la periode comm.encee apres la Commune, trahissant 1 1 espr~t du marxisme
vivant a force d' en respecter la lettre, ils continuerent
impertu:i:•bablement a a ttendre que la
croiesance des forces de production matte en place lea premisses du
aocJalisme. Ils
le f'aisaient encore lorsque le capitalisme parvint vers -1914 au seuil d
•une perlodo.
de developpement chaotique, qui allait faire alterner des phases de
croissance de
·1a production et des ecroulem.ents d 1une ampleur sans precedent.
La social-democratie fit aill8i la pr~uve de son incapacite a depasser
lee· dernie~es analyses de Marx et d 1Engels et a comprendre la realite
mondiale du devel~ppement capitaliste, sa dynam.ique et son
aboutissement. Perclue
de oitations, 1 1 orthodoxie marxiste des sociaux-dem.ocrates resta
obsedee par le sort
re_serve awe revolutions qui, conu:;i.e la Commune de Paris,
inter:venaierit dans des conditions prematurees. Ile s 1enfermcerent dans
l'idee qu'il fallait continuer d'attendre que le capitalisme developpe
partout les conditions du socialisme. Leur conception de 1•hist~ire
devint celle d 1une sorte de processus vegetal : la croissance du
capitalisme faisait pousser partout les bourgeons du socialisme et il
fallait attendre l'epoque des floraisons. Non seulement ils furent ainsi
amenes a des conceptions
qui consistaient finalement a laisser faire la revolution par 1 1
automatisme de
1 1histoire, mais ils con9urent le developpement de tousles pays comme
une repetition, avec quelques decades de retard, des phases qu1avaient
effectivem.ent parcourues les Etats europeens.L•apparition du bolchevisme
et la revolution de 1905 ne
leur apprirent rien. Ile affeoterent de considerer le bolohevisme comme
une meladie
de jeunesse du mouvement ouvrier russe, oomme la repetition dans un pays
attnrde
d'Wletat d 1 esprit insurrectionnaoiste, jacobin, blanquiste dont le -
mouvel!lent marxiste europeen avait deja fait 1 1 experience en son
temps. L'ecrasemeni de 1905 lea
confirma seulement dans leur idee que lea revolutions intervenant trop
tat etaient
vouees a d'inevitables deeastres, l'experience se chargers.it en Russie,
comma elle
1 1avait fait en Europe, de corriger cruellement le ro~ntisme de l
1insur:rection.
Le renversement du oapitalisme en Octobre 1917 signifia une fois encore
que le
processus historique reel s 1 etait deroule en se moqua.nt des
conceptions elaborees
par las marxietes orthodoxes pour comprendre leur epoque.
L'entree en scene du bolehevisme comme courant politique international
innugura
une phase radioalement nouvelle de l'orientation de la pensee marxiste.
P~ur la premiere fois, le processus historique fut serieusement ~onsidere
comme u.ne
realite mondiale deorivant un mouvement global.
- 8 -
Le bolchevisme reje~a la conception selon laquelle le socialisme etait le
produit automatique de la maturation du capitalisme, pour remettre au
centre de tout
l'idee que le sccialism.e ne pouvait ~tre que le resultat de l'activite
combattante
du proletariat et que l'histoire etait produite par la praxis des
honnnes. Il brisa
la conception pasae-partout des etapes historiques necessaires et
reintroduisit
1 1 idee de la revolution perm.anente, c 1 est-a-dire d 1un processus
historique s'operant
par bonds qui enjamberait lee etapes historiques dans les Etats arrieres.
Il s'eff~r9a de comprendre lea connexions exi.stant entre les Etats
avances et les pays sous~
developpes, de saisir l'histoire mondiale c~mm.e une totalite, et la
revolution comme
un mouvement universel destine a vaincre bU a perir dans l'arene mondiale
de la lutte
des classes.
Cette vision de 1•histoire et de la revolution ne put elle-m~e ~tre
foI'l!lulee
que parce que les theoriciens du bolchevisme avaient depasse lea
conceptions de
Marx et d'Engels sur le devel~pperoent du capitalisms z Marx et Engels,
tributaires
de la realite=qui leur etait contemporaine, avaient pense en foncti~n d
1un capitalismo concurrentiel qui existait seule~ent dans quelques
nations europeennes. Toutes lea conceptions de Lenine et se Trotsky,
lorsqu'elles furent systematisees,
s'appuyerent sur 1 1 idee que le capitalisme ne fonctionnait plus comme
celui qu'avait
decrit Marx, parce que la concurrence engendrait son c~ntraire, les
mon~poles, et
que le developpement des m•nopGles avait a son tour transfnnne le
capitaliame en
systeme imperialiste enserrant le :m.onde entier. En devenant mondial, le
capitalisme
avait a la fois arrache chaque Etat a la singularite d1une tragedie
historique is•-
l~e pour l'introduire dans un univers deorivant un processus global, et
institue
.des inegalites et des particularites de developpement interdisant de
considerer la
totalite historique comme une simple juxtaposition de m.ouvements
identiques en tous
lieux et s~ulement decales dans le temps.
La c•mprehension de l'histoire po~see comme ensemble de connexions
dialectiques universelles signifiait, au niveau de la strategie de la
revolution, que le
deroulement des luttes de classes dans les pays im.perialistes et dans
les pays nsservis a 1 1imperialisme, se situait dans des rapports d
1interaction incessants, et
plus coneretement·que les revolutions anti-imperialistes etaient de
nature a decupler lea forces revolutionnaires dans les pays avances,
tandis qu1 en retour les
revolutions proletariennes dans lea pays avances fourniraient les
conditions objectives de 1 1 integration des pays sous-developpes au
processus mondial de transition
vers le socialisme.
Lorsque Lenine caracterisait 1•1mperialisme comme le staie supr~ae du
capiQa•
lisme, il pla9ait a la base de toutes ses conceptions l'idee qu~ le
capitalisme
abordait maintenant sa phase de declin historique. De m~~e que les traits
particuliers de l 1 ideologie et de ia pratique de la social-democratie,
sa tendance a l'attentisme et a la passivite, avaient procede d•une
appreciation de la periode historique comme etant celle du capitalisme
ascendant et stable, les traits sAillants ~e
l'ide•l~gie ~t de la p~atique d~s bolcheviks, leur souci decreer des
fnrmations re~
volutionnaires c•m.battantes, capables d 1arracher par la violence le
socialisme du
sein de l'ancien monde, les tendances au volontarisme (qui caracterisent
parfois
leur prati~ue) procederent de l'estimation que la phase ascendants du
capitalisme
etait terminee et que la crise generale du systeme commen9ait.
Cela ne signifie pourtant pas que les bolcheviks avaient pour perspective
un
ecroulement automatique du capitalisme, conservant par la la conception
que les sooiaux-democrates se faisaient du processus historique et
.modifiant simplement l'ima•
ge de sa trajectoire. Rien ne fut plus etranger au bolchevisme 4ue cette
conception
meoaniste et •bjectiviste et aucune deformati~n simplif'icatrice du
materialisme
historique ne fut Cl')mbattue par ewe avec plus· de vigueur. La
perspective des bol-
<-heviks rep-,sait sur l'ideP- qu 1a -partir du m.-ment ,:,u il eta.it
devenu un systeme mnndial, 1 1 im.perialisme ne p~uvai t plus deve1~·pper
.les f,,;rces productives de fai;;.,n cnntinue ~t general" dana le cadre
de .see prC'pres structures. Les br,lcheviks n 1attendaient pas que le
declin du capitalisme aboutisse a un recul gradual et regulier
des fl'!rces de production, ma.is a une accentuati"n int~·1erable des
inegali tes de develnppement des d1£ferent-s pays, et a un fonctionnement
general de l 1 economie imperialiste selon des rythmes vinlcmment
syncepes. Le declin du capitalisme n'excluait
pas que d ans tel Etat •u groupe d 'Eta ts la production ne puisse
enct'\re c-,nna1:tre
des. phases aacenda.ntes ; il excluait que 1 1 economie de la phase
imperialiste puisse
se developper dans son ensemble, c 1 est-a-dire de fag•n similaire, et
durable~ dans
taus les Etats. Les contradictions ontre les puissances imperiali:>stes
d'une part,
lea t"ontradictions entre les Etatl!l im.perialietes et les pays c,-,
loniaux et ee_mi-c,11~-
niaux d'autre part, devaient aboutir a une situati~n telle que chaque
poussee de la
pr~du~tion dans une region du globe nntratnerait le re.cul de cette m~me
production
ailleurs, si bien que le syst~,me capitaliste entrerait dans une periode
ou il se
trouverait c~nstamment ebranle par des cris?s qui se determineraient
reciproquement
et ne seraie_nt surmontees ici que pour reparaftre ailleurs.
Pas plus que les precedentes, cette concepti~n m0rxiste du dev~l~ppement
du
· capitalisme et de la revolution n 1 a: resiste entH,rement a 1 1
epreuve de l 1 histcire
et elle ne perm.et plus de comprendre le m.onde qui e.. pris form.e
depuis la deu.xieme
guerre mondiale.
Faute d'avnir ete brise par les rev~luti•na ouvrieres, le capitalisme a
reussj
dans les Etats ·avances a surmonter la crise qu'il subissait depuis 1930,
le develop- "pement de 11;). pr..,duction suit de Iil'luveau une courbe
o.scendante et les fluctuations
~ycliques de l' econ,,mie ne persistent que sous des formes atlenueeEI. I
- • •
La cons">lide.tion du napite.lisme dans les pays avances e. pa-r v~iP de
conse.quence
m"difie lA cours des revolutions coloniales- Celle~-ci, ayant cctncide a
la,fois
avec un affaiblissement de la lutte d~s classes dans les pays
imperialistes et ave~
une phase d'expansion du capitalisme, se ·sl'lnt tr~uvees circonscrites
dans des cadres
essentielle:ment ·natirma~, leur tri•mphe n 'a prt"Vl'lque aucune
perturbation decisive
dans l'~con•mie des Etats avance~, et il est peu prnbable que le
parachevement des
revol~til'lns Cl'lloniales actuellement en c~urs suffise a declencher une
crise serieuse
en Eur~pe et All Amerique •.
L'experience hist~rique estr en train de dem(')ntrer que le capitalisme
pl'luvait
survivr«' a la phase imperialiste et que sa d•minati•n sur les
territ(')ires coloniaux
"U semi-c•l•niaux n 1 etait plus indispensable a son f•nctil'lnnemcnt.
D'ab,1rd parce
que son delabrement ec0nomique et son instabili~e pilitique le lui
interdisaient
dans lea :Pt' emi?--,res annees de l 'apres-guerre; e.nsui te parce qu 1
_il fut conduit a c"mprendre que la p•ssessi.•n d 1 emp:i:res coloniau.x
n 1 etait plus une necessite vi tale,
l 'imperialism.e n'a pas jete t•utes ses f•rces dans 1a· bataille cr-ntre
les revolutions c"ll•niales. La plupart des pays vassalises r,nt pu
acceder a 1-'i'ndependance
nationale sans que leurs h~urge~isies snient contraintes de mobiliser
contre l'im.-
perialisme tout le . P'-tentiel ievo·lutihnnaire des masses, et la
perspective d 'un depassement de la revolution nationale~bourgeoise ne s
1 est m~e pas d~ssine (Inde,
Afrique Noire, Tunj,sie, Maree.) o-u n, a pas pu parvenir a se realise:r,
(Indonesie,
Birmanie, Malaisie). La •u, par contre;.l'im.pe'rialism£ ne~s 1 est
retire que sous la
pressi~n d 1 insurrecti~11s natinnales et tu les masses, ont dft
l~nguement ccmbattre
par les arm.es,la domination de la bourie•isie a succ~mbe en m&le temps
que 1 1 imperialisme (Chine, N~rd Viet-Nam, Cuba) •u a ete fnrtement
ebranlee (Algerie). Il . est vrai q,u1aucun pays n'a •pere ' un_,saut du
stade colcmial au stade de pouvcir .-,uvrier et paysan et que le
depassement de la phase nationale-r~urgeoise de la revolu-
- 10 -
ti("ln s 'est eff~ctue nl'ln pas a travers une transcrnissance de la
revolutio:-i bourgeoise en revelution socialiste, mais a travers une
elimination ou une abs('rption
de la br,urgeoisie par une bureaucratie qui a etabli sa dnmination sans
partage sur
la naticm (Chine, Viet-Nam:) ou ten~ a etablir cette domination
(Algeria), ce .qui ne
signifio pas qu' elle y parviendra ne_cessairement.
La theorie de la revolution permanente s•est ainsi trouvee partiellement
confirmee puisqu'urt certain nom.bre d 1Etats ont enjam.be la phase
bourgeoise_ et que la
lutte dee masses a echappe au contr81e boQrgeois, et infirme~puisque ce
deb~rdement a abouti n•n pas a la dictature du pr"letariat, mais a la
dictature d 1u.n appareil politico-militaire qui s~etait forme a _la t@te
de la guerilla paysanne.
L'experience a done mC\ntre que les inegalites de develt"ppement du
capitalisme
de 1' epoque imperialis t3 7 au lieu de con.duire a la renJ:;_sr.tion
graduelle du processus mondial de .la rev,lution socialiste , pouvaient
~boutir, au contraire, a une
dislocation · ~ · de le dynruruque mond°k' : e de cette m~me revolution.
Les conceptions dl)l: bnlchevisme d'une convergence socinliste de la
lutte des
classes dans les pays colnniaux et .dans les pays imperio..listes ne
correspondent
presentement a nucune realite. Cette fois encore le developpr.ment
historique ccncret n' a pas cr"11ncide avec les conceptions g_u' nvaient
elat.•n:ces les marxistee pour
c,,mprendre leur. epoque. Une phase du developpement cnpitaliste , comme
de ln pensee
et de la pelitique revolutionnaires, a pris fin. Ce qui est en questi-,n
c 1 est l'interpretatir,n que les bolcheviks avaient donne de la periode
historique. Non pas l n
methode marxiste de comprehension du pr~cessus historique elle -m~e.
Il suffi t aujourd 'hui de montrer"que l'idee que se f Af:t la i ~an<Ye
du developpement du marxisme est entierem.ent im.aginaire et que la
conclusion qu'elle pretend.
llln tirer - la faillite actuellc du mE"..rxisme - est insoutenable,
pa.rce qu 1 en realiten
Si on s'autorise a •perer une confusion ent ·sme comm.e metht"de de com
h ir,n de 1 1 • str,ire et les inter retations oncretes des perindes
histC1ri ues e
les marxis~ on successivement faites 1 il faut aller jusqu1au bout des
c~nsequencesde"ce nrmfusionnisme et carrem.ent dire que le mar~~!_Jai t
fa.illi te non pas
une f~is, mais bien trois fois~ Les fossnyeurs d(tla ~~ creusent une
tombe
pour ensevelir "le cadavre du mar:xisme 11 .·Mais ctest trop·ou tr<"p
peu. Ils ont trois
f',adavres sur lea bras eu bien ils n' en ont aucun.
Il est eertain que considerer 1 1histoire du marxism~ cnmme une serie de
failli~
tes et de brisures ne traduit qu 1 un c8te de la realite. En m.~e temps
qu'il ya eu
eassure et desintegration a chaci.ue phase de la connaissance ,que le
marxisme avait
du monde, i~ ya eu un processu!l d 1int~gration de cette c~nnaissance
historiqueinent
relative dans une accumulatio1r·generale de savoir, elle-meme
historique~e~t cbnditionnee. . •
Le marxiSIDA de la peri,.,do qui c•mm.ence en 1871 ruine des conceptions
anterieurement bien affirmees. Mais il se developpe en mfune temps
c~rmn.e appropriation de
1 1 experience pr1tdui te par les evenements. ·i.Ja revoluti10n de 1848
et la Colllmu.ne confi:rm.ent 1 1idee que la contradiction du Capital et
du Travail est le resso~t de l'histoire de la s•ciete bourgeoise, que le
capitalisme pr~duit effectivement une classe
destinee a le detruire, et que cette classe est f~i·ce~ de savoi.r qu 1
elle ne peut
briser see cha.fnes qu'en brisant l'Etat• capitaliste. Apres 1871, le
marxisme et le
mouvem.ent revolutionnaire ne repa.rtent pas de rien,• leur passe n' est
pas absent de
leur present, il est seulement compris autrement qu 1il avait pu l'~tre
l~rsqu'il
etai t le present, et il m•difie la represemation que les
rev,,lutirmnaires se font
de la n~uvelle epoque. • ~
L~rsque, a son tour, la social-dem.~crat?~ se petrifie dans l'immobilisme
theorique, le bolchevisme s'elabore en fonction de toutes tes donnees
passees du marxisme
- 11 -
et du mouvement nuvrier, y compris celui de la IIeme . Inter nationale .
La conception
de "L' imperialisme" depasse le contenu du "Capital" , mais ell e est
construite en
utilisaa t lee categories de l'economie cont enues dans"1e Capita l " ;
elle n ' est pas
le r ejet sommair e de la dialectique du ~api talisme mise a jour par
Marx, mais l'e- panouissement de cette dialectique dans des prolongements
imprevisibl es pnur ce
dernier. Les bol cheviks combattent la conception mecaniste dans laquelle
~nt som- br e lea aociaux- democrates , repr ennent la theorie de la
revolution permanente a
peu pres tombee dans l ' oubli en Europe , pul verisent l a concepti on d
'un devel oppement
a ' operant selon, des phases passe-part out , restaurent 1 1idee que l '
hist~ire r evolutionnaire surgit de 1 1action revolutionnaire ; mais la
cnnception selon laquelle.
le soci alisme ne peut 3tr e oonstruit qu ' a partir des conditions
economiques et cul- tu.relles creees par la croissance du oapitalisme le
plus avance demeure le fonde- ment m@me de toute leur strat egie de l a
revolution inter nat ionale. Le bo.lchevisme
n ' eet ni un retour pu.r et simple a Marx - quoi qu'on en ait dit
parfoie - ni une
liquidation tntale des conceptions de base de le soci al- democratie sur
l ea pr esuppositions necessaires du sooialisme. Il fut une puissante
synthese de la total ite
dee elements produi ts par la theorie et 1 1 experience des phases
anterieuree , r·ealis ee en vue de comprendre le monde capitaliste
parvenu a une phase nouvelle e t
d'ordonner une pratique revolutionnaire correspondant a cette phase .
. Cela si non s d' eloppe unc plurali te de'
cnn_ten11s bi storl qi~s, maie que ce developpement s I est effec ue e e
e cee- cheminement dial ecti e - cha_g_ue moment de ).a pensee mar.xiste
e._. ...... ,__.,.__ ~ement condi onne et comm.e tel relatif, expos6
aaubir ! ' erosion <[e
1 ' histoire , de a er. Mais chac depassemen ts ne laisse pas
derriere lui les decombr es d'une ruine sans vie , car si l 1histoire est
mouvement,
elle ne peut pas 3tre et n ' a jamais ete une discontinuite totale .
En m&le temps que la pensee marxiste desintegre ses prcpres repreeentat
ione ,
critique ses fausses ~rthodoxies , com.bat see glissements vers le
dogmatisme , elle
reprend son propre passe , le confronte avec les transformations et
produit dee
conceptions qualitativement differentes de celles qui ont precede , mais
au sein
desquelles celles-ci se trouvent conservees en m~e temps que r
elativisees.
Chacune des mutations internee qu1 opere tout au long de son
developpement la
pensee marxiste , se realise en reoontrant lee m3mes inevitables
obstacles. D' un c8te ; dogmatistes et pseudo- orthodoxes , abandonnant
la conception centrale
du marxisme comme pensee dialectique , s ' ent~tent a projeter sur la
realite des
categories, des schemas perim.es qui deviennent des abstr act ions st
eriles, Tant 6t
i ls deform.ant la realite pour la faire cadrer avec une theorie qui n '
a plus que
l a coher ence d ' un rationalisme fonnel - et c 1 est actuellement le
cas des epigones
du t r ot skysme . Tant6t ils constatent que lea evenements ne se
deroulent pas selon
leurs conceptiens , mais ils considerent ce decollement de la theorie et
de la rea~
l ite comme depourvu de signification profonde parce qu 1ils se
persuadent qu 1i l
n'a qu' un caractere transitoire et que , finalement , l ' histoire
empruntera t ou t de
m@me des cheminements qui leur paraissent une necessite. Le marxisme se
trouve
a l ors transforme en une sorte de millenarisme . Tel est present ement
le cas des
bordighi stes, qui attendent avec un orgueil morose et une foi
imperturbabl e le
r etour des temps qui doi vent leur donner rais~n. D1un autre c6te , il
ya l ea no•
vateu.rs a tout prix, qui se gauasent volontiers des conservateurs sans s
' apercevoi r
que s 1i ls s e si tuent eux-m@mes dans une position tout a fait opposee,
c ' est en fin
- 12 -
de compte parce qu'ils commettent sur la nature du marxisme un contre-
sens absolument identique. Les conservateurs sont sourds et aveugles aux
le9ons des evenements
pour que leurs beaux schemas restent intacts. Les novateurs a tout prix
jettent le
marxiame par-dessus bord parce que, pour ewe aussi• le marxisme est un
dogm.e petrifie. A I?artir de cette conception theologique de la pensee
marxiste, il est inevitable qu'ils decouvrent a tout instant et apropos
de tout que Marx a'est trompe,
ce qui est souvent vrai. Mais rompre avec le marxisme parce que Marx
s'est tr~~pe,
ce n 1est aprOs tout q11'.t•1:::~~, .. ~:tt~ulcOrO qui se met a
blasphelller.
f_ Nous pensons que~~-f~beaucoup d'illusions sur l'originalite de
~ositions en face du marxisme. Tout .au long de 1 1histoire du mouvement
revo~utionnaire ceux qui ont pretendu depa.sser le m.arxisme sont legion.
Ils sont tou~j"¢1p::s
partis de cet confusion entre lea conten s historicµement transitoi~
la gensee ma,~te et les conceptions generales de la dia ectique
revolutionnaire.
Ils ont toujou.rs, les unset les autres, mis en avant la mgme necessite
<le se delivrer d'un dogmatisme petrifie afin de pouvoir comprendre la
realite sans faux a
prioris. Mais, ce faisant, ils n•ont jamais fait que projeter sur la
theorie leur
panique devant les t~ches de la pratique revolutionnair~, que chercher
des issues
illusoires aux difficultes reelles dans les illusions de l'ideologie, et
leur volonte de se liberer du pretendu carcan Jil.8,rxiste n'a ete qu'une
maniere de se liberer
(
des
~
du.res necessi tes de la poli tique revolutionnaire. de ~a Tentle&lbe
El D.PE~V--e' du fill§,-J;lJl~~.jja • e s~~~nt
que 1 1 espri 'U•)""'.,J,r~ st ' orien · rr-...
serait l'enterr
- 13 •
II.- SUR LES RAPPORTS DE LA THEORIE ET DE LA PRATIQUE
Ls~~± born~ 1t traveatir le marrisml!J en ,m sy.j,ti,w, fermO et S
falsifier la .realite de son developpement hiatorique. ~ trich~u.r les
rapports
de la theorie marxiste et du mouvement ouvrier, aussi bien dans lea
phases passees
que dans la situation present·e. · · J..a.}14-J~
Le · marxisme, orvi t devoir rappeler l&½Te:ae.s.l'lc:e7 n' est pas wie
philosophie speculative, mais une philosophie de la praxis, et pour ~tre
telle la critique theorique
doit non aeulement partir de la critique pratique cµe lea ouvriers font
du capitaliame,
maia en m@me temps ~tre reprise par le proletariat comma expression
genera.le de sa
situation et de see actes. A partir de la, 1~ pretenc!H"aire appara~tre
une
, epp..sition absolue entre la realite passee et la~tuation act.uelle du
marxisme. Dans
le paase, assur~ la theorie marxiste etait conetamment reprise par la
praxis proletarienne et verifiee par la lutte des classes, de sorte que
tandis que la
pensee tendait vers sa realisation, la realite tendait a s'incon,orer la
pensee, comma
dit Marx dans "Critique de la Philosephie du Droit de Hegel". Mais cet
~ge d 1or est
termine, dit ~f~~~el de nos joura, une dissociation totale s'est operee
entre le
marxisme et la~u ~vaille'urs ; s 1il persiste a s •affirmel:' cornme
theqrie de
la revolution, le marxisme n 1 est plus reconnu comme tel nulle part par
la clasae ouvriere; il n 1 exis.te plus que comme Ideologie de quelques
sectes qui sont vouees a rester en marge du developpem.ent historique et
dispara1tront a la longue ~epuiaement et
et solerose. Si au contraire le marxisme trouve des insertions reelles
dans le processus social, ce n'est que dana la mesure ou son projet
fondamental et sa signification
de claese se trouvent radicalement pe:t;Vertis, et ou il sert de
couverture aux entreprises de la bureaucratie - et non plus d'expression
theorique du mouvement de la
revolution s•c~,:_1~:!~ca Or, dit 1 - , pretendre que le marxisme de la
bureaucratie n'est pas le
vrai marxisme et que celu.i-ci subsiste intact, separement de sea avatars
hietoriques,
c'est tom.bar dans un idealisme inconsequent~ C1 est poser qu1il exiate
une essence du
marxisme independante de 1 1existence reelle des courante marxiates et,
par ia m3me,
se placer d•un p•int de vue qui ne peut pas @tre celui du marxisme;
reduite a une essence separee des pratiques aociales, la theorie marxiste
se trouvera confondue avec
une quelo.enque philosophie et du m&ne coup mutilee de son originalite,
de ea signifi- cation specifique,
Il va de soi qua la critique mar:xiste de la societe capitaliste ne peut
pas @tre
separee de la ·critique pratique que la societe fait d 1 elle· m~me et
qu'une theorie revolutionnaire qui demeu,rarait perpetuellement dans la
sphere des idees et ne convergerait jamais avec les luttes concretes de
la classe revolutionnaire deviendrait en effet une simple ideologie.
Mais cette fois encore, c'est au moyen d 1une simplification abusive du
probleme
des rapports de la theorie et de la praxis rh.~olutionnaires, et au prix
d'une distorsion des realites historiques,que 1-,!t~b'fr"parvient a faire
appara1tre 1topposition
radicale entre la situation passee et la situation pt'esente du
mar:xisme.
En premier lieu, il est faux qu~il y ait eu, et qu'il puisse y avoirt une
reconnaissance continuelle et universelle de la theorie marxi.ate par la
classe ouvriere et
qua, de son c8te, la critique marxiste ait ete, et puiase ~tre, la
comprehension conetante et totale de la lut·te dee classes et de ea
signification~ En realite; la. critique theorique et la critique pratique
ne parviennent a fusionner completement que dans
lea phases de crise de la societe, loraque ee developpe un proceasus
revolutionnaire,
et cette fusion elle-m&ne ne ee realise concretement qu'a travers une
transformation,
reciproquement conditionnee, de la theorie et de la pmtique.
... 14 -
C'est parce quc la societe capitalisto est uno societe d.ivisee d'avec
cllc
m~mc, habitee par une crisc pcrmanento, la lutto do classc~, qu'oristc la
possibilite d'unc critique revolutionnairo distincto d'uno simple
eritiquo philosophique.
La critique revolutionnairo n'opposo pas a la realite doshumanisec uno
ideo do
l'homme, mais la praxis du pr9letariat on tant quo collo-ci ~st negation
ct dissolution do l'ordro oxistant, ct en rn6mc temps affirmn.tion ot
er.ea.ti.on, deja virtuollemcnt on voie do devcloppcmon~ dans le present,
d'un autro futur do la societe
depassant sa division on classes antaioniquos. La critique theoriquo so
fonde sur
la porspoctivo d'un devoloppomcnt de la :tutto des travaillours oommo
negation
totalo de la soeiete de cla.sao, d'un app·i.•onfmndisscrr.:on·t do la
oon.tcstation pormanentc do 1 1 ordro ca.pi talisto par l os pro<1,1:::t
~.~;:,:s ot d 1 uno mutation do cottc contestation on unc lutto rad.ioalo
contro ~oi, CJ~"d.:<•o. Les armcE! do la cri t.iquo anticipcnt
la oritiquo par lcs armos ot la. prepa:ccnt ot 1 on momo temps, attondont
d'ollo, ct
lc"LUr legitimation ct lour ajuskmor1,+,. plus e i;:roi +, e.. l,:1.
reali te. Le rapport cntr<l l'a
eri tiquc theoriquo ot la ori tiquo p:c~ati quo n 1 est :?,-'ll'l
cor:stammcnt id0ntiquc a luim6mo, ot no pout pas 1 1 6tro. I l est an c
o;1 t:1~::,,:i ::-o 'l.rsr':1'.'i t cl.ans un mouvomont historiquo, ou
plut8t, il ost lui-mcmc ua :pr ,)c ..J ss us i:.·i ::::d,o:ri.q uo. :0 1
uno par.t, on dohors
d0s periodos revolutionnairos, c I ost-2-•··'h.::.·•v :1 l 3,
JJ·;,x..:,e,:ct clu t omps, l 0s travaillcurs
sont con train ts do supporter la domin?. ~i •:,~, :1,1 N~;J:· ~o.l ct
sou. cxploi ta.ti on., ot cellos
ci so mainticnnont justcmcnt parco qu.:: l os ouv:I:iu:es n0 :p.3.rvio:r
... >i,.mt pas a surmontor
l'alienation. Cortas 9 la critique pratiquc &o la sooiete p~rP-isto,
aussi bicn dans
la :prodilction quo dans le. vie socin.le , mair:i sou(J des fomcs
elemontairus ct
partiollos qui no parvicnncnt pas a s'elcv0r jusqu'a unc conception
systematiquo
ct cxplicito. La critique radicalo n'ost pas alors dans lcs faits. Ello
dem0uro
circonsoritc dans la theorio slaborec par des groupos d'int0llcctucls ot
d'ouvricrs
minoritairos, operant necoss8'1:-~mont dans uno situation d'isolomont
rolatif ot sans
aprehonsion possible immediate de la totalite de l'oxperionco ouvriero
qui, domcu~
rant informuleo, n 1 est quo parti~llomont saisissablo ot intelligible
'pr l'avantgardc revolutionnairo. Los elaborations t.heoriqucs do
l'avant-gard·o ont par suite
un contonu ct un sons contradictoiros. D'u:~ cote la theorio s'cfforcc do
decouvrir
ot de comprondro lo devoloppcmont dos contradictions du capitalismo ot
lcs modifi.-
oations qui on resultont dans lcs rapports on·cr o l os classos ~n lutt0
. tan~is quo
l I organisation revolutionnairo so donno uo"'.r tcich·:.:: cl.I Eitablir
dc,s liaisons ontrc
l' experience quotidi<mno des ouvrior s c t· 1a comyr ehens',.on generalo
d0s t§.chos revolutionnairos do la periodo. Do cc point du vuo , l a cr i
t iquo radioalo anti.ci:pc sur
la realite du devoloppemcnt du la c0ns0icnco prole t ~ri0nnc ct par suite
cllo no
pout ni 6tro rooonnuo parr.J,' onsomblo du prolc t a r.jai ni momo pl"Lr
unc proportion
import::mte de oette classif1 mSme tem:ps que p;:,.r oe:t?t:ain cotes la
th6orie est en
avanoe sur la conscience de la classe re-rclution:'lR,ire, elle est par
certains autres
de ses aspects en retard,et en tous oas a cote de la conscience
proletarienne,
:pa.roe que celle-ci part d I un contact direct c1vec l ", reali te
changeante de 1 1 exploitation et que la theorie ne peut la saiei:r pt, P
1.i1ter pre"berque d'une fagon relativement exterieure, pal'.'tielle et
in'ldequate. La cr i·tiq_ue rfvolutionnaire presente
presque inevi tablement et constamment des ooten qu:iparo:issent
etrangers aux tra--
vailleurs. dans la mesure meme ou elle est contrainte de s'elaborer
separernment de
la totalite - de la prtique et de l' ezperience proletariennes - et il
est exclu
que les ouvriers puissent la reconnaitre a tout moment. oomme la
formulation g.:'.:nsrale de leur propre point de vue.
Lorsque, par contre, la pratique des travailleurs devient la critique
radicale
de la societe, c'est-a-dire en periode revolutionnaire, les ouvriers
combatten~ la
classe dirigeante en se pla9ant a 1 1 echelle de sa domina tion reelle, a
la mesure
des structures dans lesquelles s'inoarne l'exploitation et l'oppression,
et leur
lutte, en m~me temps qu'elle cherche ales detruire, deoouvre oes
structures d'une
fa9on beaucoup plus immedi~te, profonde et avancee que n'avait pule faire
latheorie.
;
- 15 -
La thel'lrie revolutionnaire subi t elle-meme. la critique de la praxis
revolutionnaire des ouvriera et ne conserve son sens revolutionnaire que
si elle s'ouvre
a cette critique, l'accepte et se rectifie elle-meme.
En fait a travers toute les phases du mouvement, ouvrier, les rapports de
la
theorie et. de la pratique proletarienne ont ete changeants et
contradictoires
et le marxisme n'a jamais e~e reaonnu continuellemen_tcomme la
philosophie en
actes du proletariat.
De I848 a I87I, la theorie marxiste n 1 est connue et relativement
comprise
que d I un nombre insignifiant .. de revolutionnaires et d' ouvriers. Ui
les emeutiers
des jou+nees de juin 48, ni les bataillons de la Commune de Faris pe
compronnent
leu:r combat - ni dans leur majorite ni meme dans une minorite aussi
reduite soitelle - comrne la mise en action des conceptions
revolutionnaires elaborees par
Marx et Engels. Ce sont les conceptions de Louis Blanc, de Proudhon et de
Blanqui, c'est-a- dire des courants de pensee encore mal detaches des
conceptions
democratiques radicales, qui _fournissent tant bien qu0 mal une
expression idfologique a un ·proletariat encore incompletement dissocie
des couches :pGti t-llourgeoises pre-capitalistes. En fait, les
conditions sociales necessaires pour quo
le marxisme puisse s'enracinor dans les masses n'avait pas encore surgi
de l'evolution historique. L' ideologie du mouvement ouvrior restai t
pour ainsi dire a. ·michernin entre le socialisme et le radicalisme
petit- bourgeois parce qu.0 l e proletariat lui-rn6me prese~tait un type
social historiquement int~rmediair0.
Mais alors meme que,,te, mor.vement revolut.ionnaire conscrvai t de
nombrcux
traits ideologiques qui8 _aien en deya du marxisme, la pratiquc
revolutionnairo
allait soudain, en I87I,~arvenir au-dela de la theorio marx1ste.tello qu1
ello
existait alors. La Commune creait un type d'Etat qui donnait au concept
de dictature du proletariat un cont0nu concret beaucoup plus avance que n
1 avaicnt pu
l'entrevoir Marx ct Engels, qui avaient forcernontraia~nne on fonction
d'oxperiuncos
historig_ues appartenant en r.eali te au cycle des revolutions
bourgeoiaos, ci t
avaient cru en la dictature du proletariat sous des formes as:;=;oz peu
differontes
de la dernocratie radicalo. Marx et Engels rectifieront apres I_87I lour
conception
de la dictature du proletariat on fonction de la critique que -lour avait
infii~ee
l'action dps masses. ·
A partir de I87I, la croissance rapide de la grande-industrio on Europe,
la
concentration du capital, l o rassomblomcnt de masses ouvrieros dans l os
regions
industrielles, l'acceleration dos rythmcs do la decomposition d(., l a s
ociete precapitaliste modificnt la physionomie socialo du monde du
~ravail, ot los presuppositions d'une liquidation des courants
premarxistcs dans l e mouvcmont 01.i.vrior
se developpent , bion quo de maniero inegalo suivant les pays
(l'anarchismo ct
des courants utopistcs restcnt importants dans les Etats ou l'ossor du ca
pitalisme est moins .rapide, comme l'Espagne, I 'Italie, la Russie). Le
marxisme t end
a devenir l ' ideologie predominante du moiwement ouvrier, hormis
cependant aux
U.S. A. et en Angleterre. ·
Cette large diffusion du marxisme ne signifie pourtant pas que la thcorie
revolutionnaire soi t en train de converger, et de fusionner avec un
mouvament
revolutionnaire ·et que la critique theorique radicale soi t en train de
s I incor- porer a une critique pratique radicale. Le capitalisme
traverse alors une perioie
de developpement :pacifig_ue et aucune crise revolutionnaire ne secouera
les Etats
avances entre I87I et I9I8. En realite; le marxisme en tant que thJorie
revolutionnaire ne se trouve pas ouvertement verifie, ·rnais au contraire
constamment
deforme, abatardi et vide de son contenu radical. Les partis de la IIerne
Inter-
__ nationale cul ti vent la fideli te formelle au rnarxisme et en
trahissent l' e sprit;
ils sont, suivant une expression de Lenine, "marxistes en paroles et
social- ,
traitres en pratique11 • A cet egard, il n'y a auc.une difference
fondamentale
entre la nature du moiwernent ouvrier officiel en Europe et dans les pays
anglosaxons. Les anglo- saxons sont m~me, a tout prendre, plus
consequents ~ ils rejettent le marxisme en theorie et en pratique, mais
ce faisant leur absence de
theorie revolutionnaire est au fond concordante avec leur absence de
pratique
- 16 -
revolutionnaire. Sur le continent europeen on cultive la phraseologie
marxiste
dans les discours du dimanche et on pratique l 1 opportunisme le plus
court tout
les autres jours de la semaine. Cette discordance entre la theorie et la
p~atique finira par devenir si manifeste q_u' elle s u.sci tera deux
reactions r:~G 8ons
oppose mais procedant d I un m~me etat de fai t. D1 un cote les
"rfvisj_o,1:1,_:-; ~8fl11 ,
considerant a juste titre que la theorie mar:x:iste n I est pas adequat~
2,, :I.lJ. .Jolitique de la social-democratie , vont entrer;rendre de
reajuster J.a the,,-.::~, 8 en
fonction de la pra tique, c- 1 est-a-dire de liquider le marxisme. De l
11:1
.u-J. re" J.es
elements revoiutionnaires, partant du point de vue que le marxisme s c
c0rlondait avec l'opportu.11isme politique le plus plat 1 chercheront une
exp:r< sf1L,m de
leur pratique revolutionnaire en dehors du marxisme, dans les concep-ti
')ll::l anarcho-syndicalistes.
Le marxisme ne se trouvai t en somme nulle part confirme par lu pr
a1,J.que du
mouvement ouvrier. La ou le mouvement ouvrie:r s e reclamai t du
marxisme, e,,dui-ci
recouvrait d 1 une phraseologie :pseudo-revolut i.onn-':l.ire u..<1e
pratiq_ue q·c.i n ·a ··,a,it
aucun contenu revolutionnaire. La ou, au con·~r ;;;,i :::0, la classe
ouvrie :-~E1 ·•~ ,-,r.J.3,it
a une pratique revolutionnaire elle rompai t e:x:plici tement avec le
marx ::.sme
officiel.
La reaction contra l 1 ab§.tardissement du mar:-dsme s'opera, il est
vra:i. , dans
certains pays, sous la forme d'u.."le rcstaura t io::-1. du sens
revolutionnaire des
conceptions de Marx et Engels. r.fais les theor:Lcicns qui o:pererc.nt
contr" la
social-democratie cette sorte de netoyage du ma:::xi sme ne reussircmt n
u:~ \_e part
avant I9I7 a avoir une influence t ant soi t peu :pr ofonJ.e sur le
mou;rer.er,.{; ou·;rier.
La ou des groupes marxistes revolutionnaire s se cons ti tueren t, i l s
ll!J ·. ~.:<:::-i-~ ~en
Europe_ comme en Amerique,que des petites :ni :n oT.ite s isoJ.ees du
proleta,::-;::.,::,, et
pour tout dire, parfaitement ignorees et inc o:-uprises des gros b-:-,tai
l l uc:; els la
classe t>uvriere. M~me en Russie ou cependan t l e s condi tioJ'1 s obj
0ct;;.v e s c~ 1 •;n- enlisement du mouvement ouvrier dans le reformisme
n' e:x:istaJ ,:;·.'._._ :_-.s..s, l os ~':---.,anisations bolcheviks
etaient largement minori taires dans le proleta riat. E-;_ '.-80 ,
n'avaient joue qu1 un r8le mineur en 1905, et par la suite l eurs liaism;
2 ·w ee
la classe ouvriere s I etaient distendues. En I9I4 les organisations b
oL.b•-, 1 !ks
vivaient repliees sur elles-m~mes et leur influence sur le comportem8:n-
:; c ·,1 i,roletariat etai t extremement redui te. La periode commenceo
en 1871 se t e=·c ~1, ·:l.i t
par une dissociation a peu pres totale de la critique revolutionnaire eT.
de la
pratique des ouvriers.
Pendant cette m~me periode la theorie marxiste n'eta it d'ailleurs pas
paI"renue a comprendre entierement la lutte de classe lorsque celle-ci s'
e t ai ·: ;,=:_dicalisee. Rappelons seulement que la revolution de 1905
n' a~rai t pas co:cf i ".T)3 la
conception de Lenine sur la 11 dictature democ1-atique des ouvr i ers et
:le s p ,ysans 11 ,
que Lenine mit plusieurij annees a comprendre que ses vuos sur le
mecanisi1e interne ~e la revolution etaient etrangeres au developpemont
reel du proccssus
revolutionnaire en Russie et que l'importance de l'app~rition des Sovie
ts,
comme organes de base de 1~ dictature du proletariat 9 ne lui etait pas
davant a ge
immediatement apparue. La critique theorique ava it cette fois encore sut
i l a
critique de la pra tique revol utionnaire aussi tot q_u e celle-ci, s'
etai t manifesteo.
Les choses sont-elles fondamentalement · dif:fe:centes entre I917 et I
~JJO ?
En tant qu'expression d 1une _politique revolutionnD,i:re le bolC'hevisme
11 '0-~~t, en
realite d'enracinement dans la classe ouvrier e que dans les pays ou :i_e
e,,:-,; ~talisme so trouvai t en etat de crise aigue, et cet enracinement
ne fu~ d_u.r tble
que dans les limi tes de cette crise .. Dans tous lea ' pays ou l e
syste:nci ca"::,i t a liste
parvint a su.rmonter rapidement ses difficultes, les partis communisto3
rvnterent
tres largement minori taires ou m~me a peu pres inexistants. Tel fut le
cas d·ea
- 17 -
'-',.. ;.,~ ,. -: ,: ( ( ·~ ;,, .. , . . :·.4·• .c,_ :-.•: :• ,.,: _ ..
,- ., •• ? ~ ~~
partis: ccroinunistes d 'Angleterre, des Eta ts Unis, de Belgique~ ae
He1l~riQ.E{, de Scandinavia · et d'Autriche. En France, le P.C.F.,
majoritaire au Congres de To1:1-l"s, vit _ dans les: annees qui sui
virent decliner rapidement son influence ' su.r la " ciaase oinrrilere,
dem'3uree dans des proportions ecrasan~ e~ ·, soua. la houlette de la S
.F .I. o ~ et de
la C.G.T. refo:rnli.ste. Si a partir de 19~6, -19.·,P·,c,~., ct"lmmen¢a
adey~nir. l(oz.-ga.piJJE!,~ , .
tion la plus fortement Uiplantee dans le prol~~~~at; il le dut
en·r~~lit1f, , toµt·:au. ·
tant qu'a la poussee ouvriere de 1936, au fait 'que ·sa theorio et sa
·pratique ~taien~.
retr,mbees au niveau du reformieme, du progressisme vulgaire et du
ohauvinisme/ ttad;i.•
tionnels du mouvement ouvrier franoais. En Allemagne ,- les
·~rg$.llisations · mar;x:±~tes ·. ·
revolutionnairee trouvant un repondant effeotif dans la lutte des
travailleurs n•ex:t.sterent que dane la mesure eu le capitalisme allemand
subiseait une eerie de orl~es
reeurrentes. En Espagne enfin, pour autant que le POUU. puisse 9.~r, __
~o~i~',:-e c9~, un_ parti indie?utablem.~nt revoluJ+9.~aiftt, · e~n _
;nt.'l~8i~C~ :~~,.le ·p~lf~e.~e! J .qui r~st• ·
to~O\U,'l3- ~reff.t lun;,:y~e~ .. ~~'.- ~~v.~l~ppa. ~u 9~urs,,::;.d&S.\
E\.~~~S;.-~~3~/3.€f- cJ,~,~a~dire en p;e1r
~e er,+~e,_~e _la societe espa.gnr.ile et en pleine ·o:tfensi.ve des
,uvriers et des paysans.·
. '.~ ~an:·: c~t-~~ : pe1:;od~ moi~:. ~ue . ~~ : toute\ ai;.J~ft
1~··q9·~~,;t{~~ ~t~~ th~Qrle ;mai-~ :
ate .eonstamment v.~rifi~~ par la l)Pa~s p~ oo:z:r~~pon~ ~ r+en, · ,"
_··, ... _ ' _· .· ~. ·:· .... - .... · : :_ ,_. . . ,·. __ :-· ·._- .;_-
_;:i,.. :_·_ ·.· ,: :· ·/'. . . :, ,•, ~-. '•. .
Il est vrai que pendant toutes ces a~ees _la-o~; ~iquf' gue l!l,
prat~q~~. p6vp}~tionnaire a inflige a la theol'ie n'a pu_ ~tre,
compr.1.se ·~ 'fn~es;r~t -P~P :J.,$ minf~t.e~:Jr'a"." . v"4'lt;garde
qu•avec bea\1-00UP. de ' dift:icultes. et d !h~sita.ti9NJ et . q\u~. c
•e~t·-~e_uljmient
~e~_ ~a dewd.~ ~~fr(m~rid~~~e ._ quh.1n'ra~ ci~o~s7~ a·'p4· ~tre .?P~;re!
, · .. ··_- .· '•> ·. ·.
,Une des raisons en est que .. ~c:,ur, . la premi~~e ~oifJ ~a;~ . l
!~i,toir,~, la ~evpl~tiop
proletarienne ayant reussi a prt~er, ~n RUS$1o, ·1a d(?~t;o.n
4u,:oep1t,iis~e,: la:·:
theorie, la taotique • les method es d !i:Sr$ani!,latt~n. d~a
revqltl.~i~~ir~fl! ~13es 4~vin ... rent pour lee revolu~io~air~s 4u
InQnde entie~ ,des mQdele~ inta~gibie~! +,rtdf~cµ!ablement~.
le_bolchevieme representait par t~pp~rt -~~-pha~e~. pr~c~d~nt~~ '. µn
e~~~ -~as ·
en avant, a·uss1 bien dans le do~i11~ · de la· ~h,c,tie · gq.e de -la
pratique ~ '.L !~~te~t1/,!;-
naie Communiste eut. l 'imlµ.ense .qi.er:i,:~e d •ir.toul.qU:$:r; aux :;-
evoluti~~naire~ :J.e mepris .qµ., pa;-le~nt~ri~ 'et' d~-- ohauvinism.e' .
ae leur erise:lgner ie';,deg~t de -l 1j.;id.i~d~l~s~ C '
petit ... bourgeois, la. neoessi t e de la discipline· dans le ol)mbat
revolutionnaire, · d$ · •.•,
trancher en un m:et tous lee fils que 1 1 eppertunisme avait tissee entre
le mouvement
~uyri~r et le democratieme radical - ievenu parfaitement creux. Kais le
developpe~
mep.t du _bolcqeyi~n.ie oo.tµme ,p~en~mene international preeenta .. d~s.
le : ~e"?ut. !i~a . o6tes , .·
eg~leX!l8rit ·neg~tifs. 'L'internationalisme eut tendanoe a ee d6grader
t~es v+te_ en u.ne
subordination ideoiogique des sections de l'I.C. au parti bolchevik, et
ii en .. r4~ulta
une inoapacite des jeunes partis communistea a analyser et a "theorisern
l'experience
produite par ~a classe ouvriere de pays plus avanoee que la Russia.
Le bond en avant realise par la theorie et la pratique en Russia resta
fige
et l'I.c. ne parvint pas a e'integrer ies creations du proletariat
realisees au cours
deE! revo~ut:i,o~ qui e~vireb1; ~a 1 premiere _guerre l!).•ndiale.et dont
< ll;l-_ pprtee d~pas~ -, sait J.argement - 'tels les .conse!ls·ouvriere
·c1•°A1iemagne et d•Italie ~:'lea-_ 4~rinees :.·'
de l'experienoe russe. · · -: ',.· - · '_. '. ' , ·- . ' · · ' ' ' ·
En m&le t-.mps, le souci qu'avaient lee boloheviks de debarrasser les
partis
e~mmunistes europeens de survivances ~pportunistea et parf~is anarcho-
s~icalistes
condu.isit souvent Kosoou a pratiquer a leu.r egard une politique so~ire
qui consistait a leur im.p•ser de fa~on plus ou moine autoritaire 1
1adhesion a 1•~rthodox:t.e
bolchevik. La liquidation de l'etat d 1 esprit social-democrate et des
conceptions
incoherentes ·de l 1 anarcho-syndicalisme eut a~nsi pour contre-partie un
etouffement
de la pe~see creatrice dans les partis communistes et une propension au
confonnis~
K -IB-
. dOologique qui emp8ch0rent l' ane.J.ys e et la c ompre);ension de l'
enseign-nt des
olutions europeennes et de leurs ·defaites.
reAvec la montee de la bureaucratie stalinienne et la·. fabrication d
'une orthodoxie
leniniste par les com.pilateurs des Inst.i tuts de l 'Etat sovietique,
les tendances a
la sclerose theorique qui se manifestaient deja dans le bolchevisme
s•aggraverent
rapidem.ent et l'ideologie des partis du Komintern devint Wl.dogmatisme
sourd et aveugle a toutes les experiences nouvelles. Les partis
c0Il'.JJ11um.stes, transfo.rmes en "gardes
frontieres de l'URSS11 , se bornerent desormais a reprodui~s aveo
docilite les analyses que Sta.line faisait fabriquer pour couvrir lea
cherni.i.icm.ents hasardeux de sa poli tique de l'autorite intangible
d'un "leninism.e11 qui n 1 etait plus qu1un systeme
d 'aphorism.es cons trui ts a l 'aide· d' extrai ta de 1 1 oeuvre de
Lenine tant bien que ma.l
mis bout a bout. Tout ce qui etait conditionnel, relatif et dialectique
dans la pensee de Lenine devint affirma.tif, absolu et categorique. En
·quelquea annees, le "leninisme stalinien" etait devenu exactement le
contraire de ce qu'avait voulu ~tre et
avait effectivement ete le leninisme de Lenine.
Cetta permutation en leur propre · contra.ire du contenu et du sens des
principes
leninistes recouvrait·et traduisait, bien entendu, un developpement de la
societe 'ru.sse comme contraire d' une societe aocialiste, et en m~me
temps une transformation
des partis du Komintern, qui a.pres avoir rassemble lea fractions lea
plus avanceea
du proletaria~, devenaient une des. forces composantes de la centre-
revolution internationale. De la m~e maniere que la phrase manciste de la
social••de,mocratie avai t,
en l'absence d 1une radicalisation du proletariat, masque une adaptation
des organi~
sationa ouvrierea a la .societe et a l'Etat capitalistes, la phraseologie
dite marxiste-leniniste du Komintern stalinise servit, dans les
conditions 1cl. 1 un reflux des
forces proletariennes et d'une consolida~ion de la societe sovietfque
comma sooiete
divisee en classes, a habiller une pratique qui n'avait plus aucun
rapport avec la
politique belchevik de renJersel'.Il8nt mondial de 1 1imperialisme.
Si la degenerescence contre-revolutionnaire de la IIIeme. Internationale
avait
cependant par rapport a la politique revolutionnaire le m@lne sens que 1~
degenerescence de la IIeme. Internationale, le passage des partis du
K•;mintern dans le ca."!lp
de la centre-revolution n'etait en aucune fa~on une simple repetition du
passage de
la social-dem~cratie dans le camp de la bourgeoisie. Au dela de leurs
analcgies, oes
phenomenas presentaient la singularite irreductible de tousles phenomenes
historiques.
Les developpements recants de la situation internationale et 1 1
evolution qui
se manifeste dans lea partis stalinien.s actuals d'Europe, peuvent donner
a penser
que, dans le cas ou la stabilisation du capitalisme et l'attenuation
relative des
antagonismes internationaux se prolongeraient, ce.s partis pourraient
finir par assumer des fonctions sensiblem.e~t peu differentes des partis-
issua de la social-democratie • M i t 1 ' . ' ' ' as e n•eta~t pas le cas
pendant la longue periods qui, commencee avec l'avenement de Stalin_e.,
semble maintenant en train de prendre fin.
Alers m~e que les critiques marxistes du stalinism.e, et en premier lieu
Trotsky, parvenaient a montrer quenn Chine, en Allemagne, en Espagne et
ailleurs,
les staliniens etaient les organisateurs des defaites ouvrieres et
soulignaient
1 1 ecart croissant entre l'evolution economique, soci~le et oulturelle
de 1 1URSS et
le aocialisme, ils n'arrivaient pas a assigner au stalinisme une
signification rendant compte de 1a tote.lite de sea aspects
contradictoires.
Definissant lea staliniens comma une "deuxieme couvee de reformistea" ,_
Trotsky 'passa la derniere partie de sa vie a·proposer la strategie
correcte des luttes de
19
classe qui ee deroulaient dans le monde et a prophetiser les desastres
auxquels
aboutirait la 11 strategie centriste 11 du Komintern. Pendant toute cette
periode, dans
ce domaine du mains, les evenements ne lui donnerent pas tort et d~
_:defai te en de:f'aie. la pcli tique stalinienne · aboutit au
d·eferlement de 1a· cont re-revolution fasciste
q~ put un moment _ s 1etendre· aur toute 1 1Europe.
L'assimilation que Trotsky faisait entre le cours stalinien du Komint'ern
et la
politique des partis refonnistes se heurta.:i.t •ependant a des
contradictions qui al- ·
laient a la longue rendre intenables quelques unes des conceptions
fondamentales du
trotskysme. En tn.@me temps qu'il expliquait, en effet, que la politique
des partis
staliniens tendait a se confondre avec oelle des reformistes et
convergeait vers l~
m&rle bilan de catastrophes, Trotsky devait tenir compte d 1 une autre
face de la realite, c'eat-a-dire de l 1 antagonisme qui continua.it a
exister erttre 1 1URSS et les im•
perialismes, et a 1 1 exterieur de l 1URSS entre les partis communistes
et la bourgeoisie, qui ne confondait jamais stalinisme et reformisme. On
sait comment le trotskysme
parvenait a llintegrer" ces donnees contradictoires dans un systeme
coherent : en
depit de la bureaucratisation, les rapports de production crees en
Ru.ssie par la
revolution reataient des rapports socialistes et comma tels
necessairement exposes
a subir l 1assaut des imperialismes ; q.uant aux partis communistes ,.
ils restaient ci,pposes a la bourgeoisie dans la mesure ou ils etaient
toujours des partis ouvriers et
ou la bureaucra.tie. lee utilisait pour paralyser lea attaques contre
l'URSS.
M.-ais l'architecture complexe de 1 1ideologie trotskyste allait se
trouver completement ebranlee par lea evenements qui,a l 1 issue de la
deuxieme guerre mondiale,
devaient se derouler en Europe et en Asia. ,., L'etranglement ~e la
bourgeoisie dans les Democraties Populaires d'Europe, 1t ';
renversement du regini.e•de Tchang-Kai-Sheck et la lutte acharnee centre
l'imperialisme
au Viet-Nam prouverent ju.squ'a 1 1evid~nce que les partis staliniens ne
pouvaient en
aucune facon 8tre assimiles a une "deuxieme couvee de reformistes" et qua
lea deter--
m.inations et le sens de leur politique n'avaient pa.s ete reellement
compris par
Trotsky. A la m~me epoq·ue, la fonnation des Republiques Populaires d
1Eu.rope et d'Asie
et l'evolution de oea Etats vers des structures socialea et economiques
analogues a
celles de l'URSS 1 prouverent que la dflmination de la bureaucratie en
R•.l.SSie n'etait
pas un phenomene episodique et que cettebu.reauor~tie ne pouvait pas @tre
assimilee
a une simple oaste bonapartiate usurpant le pouvoir dans un Etat ouvrier.
Le trotskyeme en tant que tentative d I expl.ication de la degenerescence
de la
revolution proletarienne et de comprehension des problemes de, la
politique revoluti•nnaire, da.ns les conditions nees de oette
degenereecence, subissait a son tour
la critique de la realite, en mtiie temps du reste qu1un certain nombre
de conceptions
eommunes a l'ensemble de la pensee marx:i.ste.que Trotsky avait prls pour
points de
depart de sa theorle.
L'incapacite de Trotsky a comprendre le caractere de classe de la aociete
stalinienne, qui est a la base des erreu.rs qu'il :f'ut ainene a
commettre aussi bien sur
la signification historique du stalinisme que sur l 1appreciation de la
politique des
partis du Komintern, res d' abord du faj. t qu' · toute sa vie a
assimiler .'
1 1 etatisation de l'economie a la so . on pourvu que la i ete
renversee. 01! . ceite- assimilation E!tait alors comintuie-a tous lea
revolutionnairea,
et au dameurant conforme aux enseignements de Marx et d 1Engels eux-
m&.es. Elus enopre, elle etait historiquement conditionnee et comma te11e
impossible a depasser
tant que le processus historique n 1avait pas produit des experiences
faisant transarattre sea c8tes mystificateu.rs. La socialisation avait
ete comprise coIDlne etatisaion de la propriete alors qu1on se trouvait a
uncertain stade du developpement
- 20 ..
capitaliste ou le capital exer9ait effectivement sa domination par le
biais de le
propriete privee, de telle sorte que la negation etatique de la propriete
privee,
a~eo le renversement de la bou,rgeoisie,avait paru se confondre avec la
negation de
la domination du capital, cependant que, de leur c6te, les pratiques
proletariennes ·n'ava1ent encore nulle part fait appara1tre clairement
que le socialisme puisse
avoir un autre c,ntenu que l'etatisation operee par le pouvoir
revolutionnaire.
C'est seulement apres 1917 que les conseils de fabrique qui s 1 etaient
fonnes en
Russiet puis les conseils ouvriers d 1Allemagne et d'Italle, et ¢nfin et
surtout les
"collectivisations" realisees ·par les owriers et paysans espagn'ols, -
connnencerent a
montrer, quoique de m.aniere ephemere ~t dans des fonnes qui comportaient
parfois des
traits negatifs, que les pratiques par lesquelles les travailleurs
cherchaient a s-e
libere:i:- depassaient les conceptions qua les marxistes s•etaient faites
du socialisme.
Les conditions d'Wl changement fondamental de la peM.ee marxiste au sujet
du
eontenu du socialisme n'arriverent cependant a m.aturite qu'au lendemain
de la deuxieme guerre m~ndiale. Lorsque dans toute 1 1Europe Orientale et
en Chine, l'etatisation
de ia production fut substituee aux rapports bourgeois et semi-feodaux
sans que le
roletariat se soit W1 seul instant em.pare du pouvoir, et lorsque en m~ne
temps dans
as pays occidentaux la bourgeoisie proceda elle-m.~me, de concert avec
les staliniens
t les refom:i.stes, a 1 1 etatisation d~. certains secteurs de 1 1
economie, l~iAee com•
a s'im: oser que 1 1 etatisation n'avait aucun contenu sociali qie la
produc- - ion etatisee conservait le car e produc ion capi a 1.ste et que
finalement
1.etatisation cons ti tuai t seulement une metamorphose historique du
capi talisme inervenant a W1 certain stade de la concentration du
capital. La pensee revolutionnaie fut des lore am·enee a reconsiderer la
signification des pratiques ouvrieres duant les revolutions de Russie,
d'Allemagne et d'Espagna et ales c~mprendre autreent qu1 elle ne l'avait
fait au moment ou ces experiences s'etaient deroulees.
e qui avait paru ~tre seulement un aspect de l'activite des masses, ce
qui avait
'te ~•µj•M critique comma une tentative irrealiste s'inspirant d'un
anarchisme
elementaire; • co:mmen9a en:fin a r~tre compris comm.e affirmation encore
inachevee
u contenu fonda.mental du socialisme: l~on ~e la production par les
travaileurs eux-m.~es. / ~rr~
Les contradictions et les inegalites du developpement historique avaient
proui t, comme dans toutes les periodes anterieures, des dis torsions,
des insuffisanoes
t des retards dans le developpement de la theorie revolutionnaire, suivis
d'une
uto-critique et d 1un brusque saut en avant, operes qua.nd les conditions
his~riques
es rendirent a la fois possibles et necessaires. ·
En substituant 1 1an
il n'est qua trop eviden
la situation du marxi e d
contempo:rain, proc
de leur cause p
de la Tendance,
ion dans le monde
our les besoins
Le m.arxisme revolutionnaire, c 1 est ind n 1 est actuellement incarne
da.ns
aucW1e p:rati~ue des masses, il n'inspire pa le comportem.ent quotidien
des ouvriers,
et la •u des groupes marxistes revolutio aires existent ils sont toujours
isoles
dans le~ radicalisme. Il est vrai encor que pour l'immense majorite de
nos contemporains le marxisme Re conf'ond aveo le talinism.e, le
krouchtchevisme ou le maoism.e,
de la m@me maniere d 1ailleurs que le ocialisme se confond avec ce que
nous sommes
presque les seuls a appeler "capita isme bureaucratique". No tons a ce
propos que si
la Tendance etait un tant soit pe consequente, lorsqu'elle avance qu 1il
faut cesser
21 -
de se reclamer du marxisme paroe que pour le sens commun marxisme ct est
la theorie de Thorez, elle devrait aussi proposer de cesser de se
reclamer du socialisme,
parce que pour le m&le sens commun l ,e , socialisme o' e le regime russe
ou chinois
et rien d'autre.
Quelle est cependant la signification de 1 1 ctuelle phase de disjonction
entre
la critique revolutionnaire du monde contem in et la pratique quotidienne
du proletariat? Nous avona montre que de telle phases de disjonction ont
existe le plus
stuvent dans le passe, et que le compen' ration de la e◊rie
revolutionnaire et de
la praxis ne s'etait realisee que pen nt les tres cou.rtes periodes !'\U
le prooessus
hist<'rique devint un precessus revo tionnair e ., Cel a ee· ..:d.
su.:ffit a prouver que la
situation actuelle ne presente pas es par ticu.:..a.ri:t;ss
:i:.cred.:;.c-~i bl(~s que la Tendance
pretend lui at:bribuer et que les conclusions o:ll.'J: ;..1.,;;i_
p:1ra::i~t _:_,f~.'.time d'en tirer
decoulent en realite a la fois 'une erre'f.l;:- d~ l"'~1.;:1ri.:.:pf: ~,
l)X lcs .~·appc.-- rts de la. theorie et de la pratique et d'une
meconnaissa.ncc, _;'.l ::'i]_;: ·.,B :.o';:.:.ns e:·r•:.i . .:nan~e de
le. reali~e
· his.torique. ~r~i~e.u,v6 · . · J.-- .
Pour que de ~ !f&.t!d:2'?l.ce no::rB P"'"'f'111.10.A'e lA. :·ac,:rt du
marxisme, il
aurai t fallu d I autres arguments que cette conf uoi 0 /1 c :,e!'oe
erc.-:;:.•e la methodologie
marxiate et les analyses produi tes par le marxJ.smA 6.a:..--t.c, ,1ns
_;,,:: 1:::213s i:list oriques sue ...
cessives, que cette affirmation radicalement fauss i;, <i. •..,.._rvi e--
:>~:1;.:-:~,1.ence per.m.anente e:ptr~ la theorie marxiste et la pratique
des masses dans :.e passe e~opposant a une separation radicale de cette
theorie et de cette pratique.dans le present, et autre
chose enfin qua cette extravagante 11nouveaute11 qui consiste a
ass::_mila:r le marxisme
au.stalinisme - aprea avoir dem.cntre pendant des annees que le
stalinisme eta.it la
negation m.8me du marxisme.
Nous avons montre, en effet, - et d 1autres 1 1 avaient fait avant nous -
que le
stalinisme substitue un materialisme mecaniste a la dialectique
revolutionnaire,
fonde sa critique du capitalisme et sa conception du processus socialiste
sur un
economisme dogma.tique, aussi bien lorsqu'il prophetisait l'aggravation
constante de
la crise du capitalisme dans les derniers ecrits de StaJ.ine que
lorsqu'il reduit,
dans sa version krouchtohevienne, les problemes de la transition vers le
socialisme
a un processus automatique devant resulter de la suprematie economique du
systeme de
production sovietique. Il ya plus de trente ans qu1il a ete demontre que,
en theorie
comma en pratique, le stalinieme avait repudie l'idee que la lutte des
claaaee est
le moteur de l'histoire, et y avait eubstitue une conception specifi~ue_
e~visageant
le pr~ceesus historique c•mme le resuJ.tat de l 1 action d 1un appareil,
superieur aux
antagonismes de clasae, qui, ma.nipulai+t lee differentes forces
sociales, parvient
a imposer ea trajeotoire a l'ensemble de la societe .. Des dizaines de
livres ont ete
eorits pour montrer qua la politique des partie communistes en Espagne,
en Europe
Orientale, en Chine et ailleurs avai t eel!se d • lttrfl axee sur 1'
opposi·tir,n du proletariat et de la bourgeoisie et procedait
enti.erer~er..t de l.a concep·iaon selon laquelle
un appareil pouvai t, a f•rce de techniques p:->lj_ ti.qu.es o ~
polic::i.er!:1s ad equates, modifier la dynamique eociale et finalement
aoquerir J.a pr:.iss an-;e de a etenniner le cours
de 1 1 histoire. Nous avons montre qu'en passant d ' 1me pratique ax(fo
sur la lutte des
_classes a. une pratique sans axe de classe, en subati-tuant la
ma:n:i..pu.lation bureaucratique des forces seciales aux dynamismes
revolutionna.:i..res des ~ssss exploi tees, le
etalizrl;sme avait ete conduit, fut-oe a son insu, a pr~dtu.re une t
heorie et une pratique qui traduisaient une rupture tetale avec le
marxj.,::_,nf, r.omme theorie et pratique
de la revolution proletarienne, et qui n 1 etaient rien d -autre que la
fonnulation
plus ou moins eoherente d'une nouvelle ideologie de classe, ·celle de la
bureaucratie.
Nous avons ~it, et nous oontinuons de penser, que le marxisme stalinien n
1 est rien
.. 22 - ' .
de plus aujourd'hui qu'un deguisement par lequel la bureaucratie masque
aux travailleurs et a elle-m&le sa realite aociale, que ce deguisement
n•est fait que de la.meau.x disparates arraches au marxisme, et que le
contenu intrinseque de l'ideologie
eaucratique - dans la mesure m~me ou elle liquide la lutte des classes
comme insrum.ent de comprehension et de transformation aussi bien de la
societe bureaucratique
ue des societes de l'Occident - est la negation totale du concept
fondamental de
oute la penaee marxiste.
Mais si le stalinisme a submerge le mouvement nuvrier cnmme negati~n du
marsma, le mt')nde n'en a pas pour autant fini avec la critique marxiste
des societes
'ex ploitatirm, parce que le. lutte des classes se poursuit a l'Est comma
a l'Ouest.
Dire que le ma.rxisme n'est pas le stalinism.e, pas plus d'ailleurs qu'il
n•etait
il y a 50 ans l 'ideologie social-democrate, c e n I os't: pas opposer au
rnarxisme · stalinien ou social-demncrate un marxisme sans tache, c0nune
la Ligue des Droits de l'Homme oppose la lettre du lireralisme bourgeois
a la pratique bourg0oise, ce n'est pas
traduire une nevrnse du retour aux textes sacres et exprim.er un purisme
morbide.
Ctest affi:rmer que les societes bureaucratiques continuant a ~tre
habitees par ,me
crise t qu.e la contes·tation de ces societes par les travailleurs se
poursui t sous des
fo:rm.es multiples, changeantes et complexes qui vont de la passivite
dans la prod~ction a la greve, et parfois de la greve au choc brutal avec
les forces repressives
de 1 1Etat ou au combat insurrectionnel (Hongrie), et que par suite, la
pratique revclutionnaire restant inscrite dans la structure m@me des
societes bureaucratiques,
c 1 est la realite elle-m@me qui precede a la critique du stalinisme et
lui assigns
sa aignificati0n sociale et politique, Ce sont les ouvriers de Berlin-Est
qui, en
juin 1953, font taire le ministre communiste Selbman en lui criant : "Tu
n 1es plus
oomm.uniste, les vrais communistes c'est nous l"• Ce sent les ouvriers
pol~nais en
octobre 1956, les prolet· aires hongrois en novembre et decembre de la
m&ne annee,
les travailleurs de Cant0n, les mineurs de +a Mandchouriet les jeunes
rev0luticnnaires de Pekin au printemps 1957 qui encadrent par leur
pratique le "marxisme" et le
"cOll'm.unis:me•• de la bureaucra tie aveo des gu.illeme:ts.
Dire que le marxisme n•est pas m~rt, mais que c 1est au contraire le
stalinisme
qui est en train de vieillir et de mourir, c 1 est apercevoir que la
realite continue
a se critiquer elle-~e y compris dans les pays recouverts par 1
1ideologie stalinienne, C'est du m~me coup affirm.er que le m.arxisme n 1
est pas une ideologie parce
que les luttes des travailleurs continuent a ·developper les possibilites
virtuelles
d'une integration de la praxis des ouvriers et de la critiq~e theorique,
Affirm.er que le marxismo n 1 est pas une ideologie et que le stalin{sme
n'est pas
son incarnation necessaire, c 1est comprendre que dans les societes
occidentales egaent la lutte des classes n'a pas pris fin paree que les
activites des travailleurs
1exprim.ent pas a tout moment un projet de destruction revolutionnaire du
capitalism, car la permanence d'un tel projet est inconcevable et n 1~ d
1 ailleurs jamais exist • C'est apercevoir que le declin et la
transformation des partis reformistes et
s aliniena prepare une nouvelle phase dans la lutte des classes,
Certes, les partis issue de la IIeme.Internationale et les synaicats qui
leur
s nt plus ou moins lies n'ont pas disparu de la plupart des pays avances.
Mais leur
f1Jnction historique a prr,fondement evol.ue depuis la premiere gue.n"e
mondiale. Lorsq~e des ouvriers belges, allemands ou anglais v0ten! pnur
les partis socialistes,
cm maintiennent leur adhesion aux syndicats, ils ne le font absolument
plus en esti-
~ant que ces organisations sont capables de modifier les rapports
capitalistes selon
les voies indolores prbmises par 1 1 ideologie ref0nniste. Les
travailleurs votent ou
demeurent affilies aux syndicats parce qu 1 ils savent par experience que
ces organisa-
\
.;
.. ... 23
tions sont contraintes, dans certainea limi.tes ,· lie defendre leurs
inter@ta immediate. Mais les euvriera belges, al~emands ou anglais n
1attendent auc'I..Ule m~dificatien radicale de la societe de 1 1action
des deputes et des dirigeants syndicaux,
et 11 ya beau temps du reste que ceux-ci ne jugent plus a propbs de faire
de te1les
pr~e.sa,es • . . , O_r, dans la presente phase de consolidation du capi
taliame et d tattenuation des
antagoniames internationaux, les partis staliniens d 1Europe se trouvent
pria dana
une situation qui lea conduit a s 1aligner en pratique sur les partis
"reformistes".
D'•res et deja les syndicate contr81es par les staliniens, et lea partis
crmmunistes eux-m~es en France et en ±talie, ne sont plus poµr lea
travailleurs qui continuent a leur accerd.er un appui que des organes· de
defense• efficaces dans certaines
limites, c~ntre l'Etat et le patronat. Cea organisations presentent
encore, il est
vrai, une certaine o.riginalite ideologique par rapport a celles qui sont
issues de
la IIeme. Internationale, ma.is cette particularite elle-m~e est en voie
d'efface~
m.ent. La critique que le sta1-inisme fait du capitalisrue est forcement
limitee,
superficielle et mystifiante parce que si elle doit exprimer 1 1
opposition entre la
hourgeoisie et la bureaucratie, elle doi t en m@me temps t-raduire, le
point de vue et
lea inter~ts antiproletariens de la nouvelle classe dominante du
capitalisme d1Etat.
Le etalinism.e se trouve contraint par sa nature sociale elle-m@me de
produire une
image du socialisme dans laquelle le proietariat des pays avances, qui
est en train
de faire l'experience de l'exploitation dans des societes en voie de
bureaucratisatien, reconnaftra de moins en moins l'anticipation de sa
liberte. Le progressisme
qui tient lieu de philosophie au stalinisme, sera dans les annees qui
viennent de
plus en plus eprouv~ par lea travailleurs comme une ideologie tout aussi
incapable
quecelles des autres courants ouvriers degeneres d 1 offrir U!l8
alternative radicale
·. a leur situati~n dana le monde capitalist~. La perlnde au cours de
laquelle le stalinisme po·uvai t mystifier, canaliser et utiliser les
aspirations revolutionnaires
du proletariat est en train de prendre fin en Europe. Quoique sous des
fonnes encore
purement negatives, la critique silencieuse .du stalinism.e par les
.ouvriers est en . train de' se realiser - dans la mesure m&ie ou l
'ideologie stalinienne ne parvient
plus quta faire re1;1sf'_rtir une opposition dogmatique et arbitraire
entre "la stagnatien et le declin du capitalisme11 et les dynamismes du
"systeme socialiste", sea
capacites superieures a developper lea forces de p~oduction et la
consororoation et
sea aptitudes a effrir a tcua des chances de promotion sociai"e en
fonction des me-
. ri tea. 1
Le progressisme stalinien exergait une attraction puissante sur lee
ouvriers,
·les petits bourgeois ruines et les intellectuels sans avenir dans lea
horizons de
la societe existante pendant· la phase historique eu la production
demeura effectivement stagnante dans le cadre d tune .crise qui paraissai
t avoir .pris des e.aracteree
chrl'>niqu<?s • Le pro·gressism.e de la bureaucra tie peut encore exercer
un attrai t tenace
sur les •uvriers, les paysans et les intellectuels des pays soua-
developpes livres
a la domination d'•ligarchies largement paraiitaires et incapables
d1arracher la
stciete a un insupportable immobilisme. .
Mais le spectacul:aire redressement qu'a opere dep.uis 1 1apres-guerre le
capitalisme des pays avances detru.it la situation dans laquelle le
stalinisme prenait raoine. Ce n 1 est pas un hasard. si le capitalisme-a
opere une reconversion de son ideol~gie, et s'il a substitue aux
Itllfthes tragiques et tenebreu:x: du fascism.a 1..Ul neoprogressisme
mettant au premier plan lea themes de l'expansion constante de la pro•
duction, de la oroissance reguliere et reglee de la consffilmation, et de
la "democratisation des 0ntreprisea11 • L'image ideale que le capitalisme
donne de lui-m~me est
en train de converger avec la conception du socialism.a qu'a accredite et
vulgarise
.,.,
- 24 - ... '
la bureaucratie russe et celle des PC. L'ideologie stalinienne et
l!ideologie capitaliste projettent desormais devant le proletariat des
visions aussi peu dissemblables que possible de 1 1avenir des tra~
illeurs.
:U:ftm.e en ce qui ooncerne lea ys sous-develop '• des signes d' gnement
se ma.-
nifestent entre les conceptio de la bureauc e russe et ce des dirigeants
occidentaux J les una et l autres invite ent volontiers es masses
miserables
tranquilles · qu'a ce qu1 on se du montant des credit~
en dollars, roubles, vres, etc., e pourraient@ e alloues aux pays qui
abordent
l'~tape du dema.r e eoonomique ne telle cone i~n ne constitue pas encore
le
point de vue o iciel de Mos u, m.ais elle nspire deja dans toute ' la
politique
internationale de la bur cratie russe elle se trouve inscrite dans la
logique
de la coexistence pacifique prenee pa
La bureaucratie se trouve ainsi am.enee a produire une representation du
monde,
qui deviant de plus en plus une ideologie critiquee comme telle par la
pt'atique des
masses a 1 1 echelle mondiale, Lorsque les PC des pays occidentaux
aubissent une lente
hem.orragie de militants, que leurs slogans et leur propagande tombent de
plus en
plus dans le vid·e, il n'en resulte pas que l'Europe soi:b engagee da.ns
une periode
historique condamnant la critique marxiste a ne plus jamaie trouver de
repondant
pa:rnrl. lea travailleura. Cela signifie, au contraire, que la phase
presente de depolitisation constitue le moment negatif ou la conscience
proletarienne se debarrasse ~
des conceptions qui ne correspondent plus a son experience de la societe
d'exploitation actuelle. Cela signifie du m&ie coup que les possibilites
commencent a s 1 entr'ouvrir pour qu 1une critique re.dicale se situant
au niveau de la real ite actuelle
de la societe et de 1 1 experience des travailleurs sorta de la sphere de
la pure
tl).e•rie. Lorsque dans lee pays du Tiers Mende lee luttes
revolutionnaires tendent
a se realiser independamm.ent des directives staliniennes, et m.@rae
contre elles,
m~e si lea combats centre 1 1 imperialisme n 1 ont abouti nu.lle part a
des revolutions
socialistes, J.a praxis des masses n 1 on constitue pas moins une
critique des conceptions que ca.pi talistes occidenta:ux et bureaucra tes
russes voudraient proj etter sur
le monde dana leur souci commun et illusoire d 1 organiser et de regler
le developpement historique.
Les situations respectives du marxisme et u stalinisme dans le monde
contemp~re.in sont en realite exactement a 1 1 oppose e la representation
qu1 en donne la
Tenda.nee, parce que la lutte des classes co inue a se developper comme
critique
aussi bien de 1 1 ideologie et de la.1realite apitalistes que de
l'ideologie et de la
realite bureaucratiques. Cette critique e pt'end pas, bien entendu, a
tout moment
des formes radicales, elle ne s*approf di:17 pas de ma.niere constante,
et son chemi~
ne~nt n•exclut ni des phases d 1arr~ ni des retou.rs en arriere. Mais le
mouvemeRt
revolutionnaire n'a jamais ave.nee e suivant une voie royale. Il suffit
d'apercevoir - et certains camarades de la Ten nee 1 1 apercevaient
naguere a merveille - que le
stalinisme subit partout et so aes formes qui sont, bien entendu,
pa.rticulieres
suivant qu'il s'agit d 1Etats a ances d 10ccident, de pays sous-
developpes ou d 'Etats
sournis a la dicta.ture de la eaucra.tie, la critique pratique des
travailleurs,
pour comprendre que c 1 est · ~ea.lite elle-m~e qui tend a reduire le
stalinisme au
rang d 1une 1deologie et q e par suite la critique marxiste de cette
ideologie conserve des fondem.ents legitimes.
Ce qui reste la base de la theorie revolutionnaire, c 1est que 1
1histoire es
l'histoirp, a:ea._~~wtte dea clasRes, que le proletariat est dans la
societe oapitaliste la~~ ~e revolutionnaire, qu'il ne peut arra.cher sa
victoire dans user
de la violence, ni la sauvegarder sans exercer sa dictature, et que le
socialisme
est la gestion de la production et de la societe par les travailleurs.
organises en
Conseils a telle est la conclusion des luttes des periodes anterieures,
tel est le
contenu actuel du marxisme.
- 25 -
Tout ccmpte fait, la Tendance a raison de ne plus se recle.mer du
marxisme,
car il est desormais certain qu'elle ne comprend plus ce qu'est le
marxisme et que
conserver la paille des mots lorsqu'on a perdu le grain des ch~ses n'a
pas de sens.
-:-:-: .... :-:-:- :-:~
LA DEUXIEME PARTIE DE CE TEXTE A POUR TITRE:
"SUR UNE IDEOLOGIE 11NOUVBLLE"
-:-:-:-:-:-:-:-:-