il y a quarante ans, s'effectue à un rythme accéléré, et Lénine
lui-même n'échappe pas au sort commun. Le « socialisme >
semble être réalisé dans des pays qui englobent quatre cents
millions d'habitants, et ce « socialisme »-là apparaît comme
inséparable des camps de concentration, de l'exploitation
sociale la plus intense, de la dictature la plus atroce, du
crétinisme le plus étendu. Dans le reste du monde, la classe
ouvrière se trouve devant une détérioration lourde et cons-
tante de son niveau de vie depuis bientôt vingt ans; ses
libertés et ses droits élémentaires, arrachés au prix de longues
luttes à l'Etat capitaliste, sont abolis ou gravement menacés.
On comprend de plus en plus clairement qu'on n'est sorti de
la guerre qui vient de finir que pour en commencer une
nouvelle, qui sera de l'avis commun la plus catastrophique
et la plus terrible qu'on ait jamais vu. La classe ouvrière
est organisée, dans la plupart des pays, dans des syndicats
et des partis gigantesques, groupant des dizaines de millions
d'adhérents; mais ces syndicats et ces partis jouent, toujours
plus ouvertement et toujours plus cyniquement le rôle
d'agents directs du patronat et de l'Etat capitaliste, ou du
capitalisme bureaucratique qui règne en Russie.
Seules semblent surnager dans ce naufrage universel des
faibles organisations telles que la « IVe Internationale », les
Fédérations Anarchistes et les quelques groupements dits
« ultra-gauches » (bordiguistes, spartakistes, communistes des
conseils). Organisations faibles non pas à cause de leur mai-
greur numérique qui en soi ne signifie rien et n'est pas
un critère, mais avant tout par leur manque de contenu
politique et idéologique. Relents du passé beaucoup plus qu'an-
ticipations de l'avenir, ces organisations se sont prouvées
absolument incapables déjà de comprendre le développement
social du xxe siècle, et encore moins de s'orienter positivement
face à celui-ci. La pseudofidélité à la lettre du marxisme que
proſesse la « IVe Internationale » lui permet, croit-elle, d'évi-
ter de répondre à tout a qui est important aujourd'hui. Si
dans ses rangs on rencontre quelques-uns des ouvriers
d'avant-garde qui existent actuellement, ces ouvriers y sont
constamment déformés et démoralisés, épuisés par un acti-
visme sans base et sans contenu politique et rejettés après
consommation. En mettant en avant des mots d'ordre de col-
laboration de classe, comme la « défense de l'U.R.S.S. » et le
gouvernement stalinoréformiste, plus généralement, en mas-
quant par ses conceptions vides et surannées la réalité actuelle,
la « IVe Internationale » joue, dans la mesure de ses faibles
forces, elle aussi son petit rôle comique dans la grande tra-
gédie de mystification du prolétariat. Les Fédérations Anar
chistes continuent à réunir des ouvriers d'un sain instinct
de classe, mais parmi les plus arriérés politiquement et dont
elles cultivent à plaisir la confusion. Le refus constant des
anarchistes à dépasser leur soi-disant « apolitisme » et leur
athéorisme contribue à répandre un peu plus de confusion
dans les milieux qu'ils touchent et en fait une voie de garage
supplémentaire pour les ouvriers qui s'y perdent. Enfin, les
groupements « ultra-gauches » soit cultivent avec passion