que soient leur nom et le drapeau qu'ils brandissent. Le pre-
mier pas dans cette voie est justement d'analyser les réactions
instinctives du prolétariat face à la guerre et de montrer les
germes révolutionnaires qui s'y cachent.
En défendant cette attitude, nous ne faisons que continuer
sur ce plan ce qui a été l'essentiel du marxisme. De même que
Marx ne s'est pas limité à analyser l'exploitation dans la pro-
duction capitaliste, ni à présenter le programme de son aboli-
tion, mais qu'il a attaché une importance égale à la manière
dont les ouvriers sont modelés par l'exploitation capitaliste et
réagissent à elle, de même il nous faut analyser, d'un point de
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vue général, la guerre moderne et examiner l'attitude réelle des
ouvriers et des combattants face à celle-ci.
II. – LE PROLETARIAT DANS LA PRODUCTION
1. PROLÉTARIAT ET CULTURE INDUSTRIELLE.
Les sociétés de classe sont basées sur l'exploitation du tra-
vail de la majorité de la société par une petite minorité. Cette
exploitation n'a jamais été une exploitation simplement écono-
mique : elle a toujours eu un aspect universel, car elle a signifié
pour la classe exploitée, non seulement la misère mais l'oppres-
sion, la privation de loisirs et de culture, l'abrutissement, en défi-
nitive la transformation des exploités en objets, en moyens pour
la satisfaction des besoins et des buts des classes dominantes.
C'est ce caractère généralisé, universel, de l'exploitation que
Marx a appelé « aliénation du travail exploité ».
La constitution du prolétariat moderne a eu pour effet de
libérer potentiellement pour la première fois dans l'histoire la
force de travail aliéné sur laquelle s'est toujours basé la pro-
duction sociale. Le prolétaire n'est pas un agent passif de la
production comme l'étaient le serf ou l'esclave. Placé dans des
conditions constamment changeantes de travail, travaillant dans
un cadre collectif, utilisant des machines complexes et perfec-
tionnées, l'ouvrier moderne se forme, s'éduque et acquière une
culture industrielle, non seulement dans sa spécialité, mais à
travers l'évolution constante des techniques et des méthodes,
sur un plan qui tend de plus en plus à se généraliser.
Cette constatation est aussi valable pour l'armée croissante
et de plus en plus prolétarisée des « techniciens » industriels.
Il ne sert ici à rien de dire que le travail industriel moderne,
divisé, spécialisé, abrutit l'ouvrier, lui fait perdre ces qualifi-
cations artisanales d'antan. En fait, le niveau technologique de
la classe ouvrière, prise dans son ensemble, collectivement, en
tant que potentiel culturel accumulé, est sans comparaison avec
tout ce qui a existé jusqu'ici. L'interdépendance des tâches,
dans la production, est telle que le dernier des maneuvres obéit
à des règles, des précautions et des impératifs dans son travail
quotidien qui ont tous un caractère techrologique et scientifique.
Le monde moderne est baigné dans une atmosphère de culture
industrielle; c'est la masse prolétarienne qui en est le porteur
essentiel.
2. LUTTE DE CLASSE ET PROGRÈS TECHNIQUE.
Le prolétariat, cependant, n'est pas seulement le dépositaire
de cette culture industrielle; il en est encore l'agent, le promo-