établie sur deux points fondamentaux, et ceci nous permettra
en même temps d'écarter les conceptions erronées sur cette
question qui ont eu cours dans le mouvement révolutionnaire.
Pour que l'évolution de la paysannerie se fasse dans le sens
que nous avons indiqué, c'est-à-dire dans un sens révolution-
naire, il faut tout d'abord que le caractère ineluctable de sa
situation lui soit irrefutablement démontré; il faut qu'une
expérience suffisamment longue et pertinente lui prouve le
caractère illusoire de toute tentative de retour en arrière, et
ceci n'aura lieu que dans la mesure où un tel retour est réelle-
ment impossible, c'est-à-dire où la restauration d'un capita-
lisme « privé » est exclue. Il faut ensuite qu'une autre solution,
la solution révolutionnaire, lui apparaisse comme possible. Ceci
implique, d'une part, que le progrès technique et le développe-
ment des forces productives continuent, d'autre part, que le
caractère parasitaire et inutile de la classe dominante appa-
raisse en clair.
On sera rès bref en ce qui concerne ce deuxième aspect de
la question. Les forces productives continuent toujours à se
développer, c'est un fait, et non moins dans l'agriculture que,
dans les autres branches de la production. Aussi longtemps
que la lutte entre les différentes classes dominantes continuera,
celles-ci seront obligées de poursuivre l'application du progrès
technique dans la production - certes d'une manière contra-
dictoire, irrationnelle, avec un gaspillage énorme, mais avec
des résultats réels, car il y va de leur existence même. Et au
fur et à mesure de ce développement, le caractère parasitaire
de la classe dominante peut apparaître de plus en plus claire-
ment aux yeux des producteurs.
Par contre, il nous faut insister beaucoup plus sur l'autre
aspect du problème, c'est-à-dire la démonstration pratique aux
yeux de la paysannerie de l'impossibilité de tout retour en
arrière, de toute restauration du mode traditionnel privé d'ex-
ploitation de la terre. On sait que Staline a procédé à trois
reprises à une démonstration spectaculaire de cette proposi-
tion : lors de la première bataille sanglante de la « collectivi-
sation » (1929), lors de l'instauration du travail forcé dans les
kolkhoz (1939), lors de l'expropriation des couches paysannes
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aisées de l'épargne qu'elles avaient constituée pendant la guerre
par le moyen de la « réforme monétaire » (1947). A chaque fois,
la fameuse « lutte entre les tendances privées et l'économie
étatique » s'est résolue à l'avantage écrasant de cette dernière.
Il ne pouvait pas en être autrement. Dans sa lutte contre
les réactions « individualistes » des paysans, la bureaucratie
étatique dispose, sur le plan économique, politique et social,
d'armes redoutables qui mettent le petit producteur à sa merci.
Plus même, c'est toute la dynamique de l'économie moderne
qui garantit à la bureaucratie, personnification du capital cen-
tralisé, une victoire inéluctable sur la petite exploitation indi-
viduelle.
Ceci paraît évident pour un marxiste. Cependant, dès les
premières années de la Révolution russe, Lénine développa sur
ce point une position fausse, qui, reprise ensuite par Trotsky