Pour des raisons géographiques et historiques, dues à l'absence
de restrictions féodales" aux Etats-Unis, au débouché que formalt
lá frontière occidentale et à l'approvisionnement constant en forcë
de travail par l'immigration, l'expansion du pays s'est faite sans
interruption par l'expansion des forces productives de l'homme. La
richessë naturelle du pays a été considérée comme une donnée.
Lt richesse sociale, le prestige et la force du pays ont été, et
reconDuš. comme étant, le résultat de l'industrie, laquelle, uñe fois
Boh enveloppe capitaliste enlevée, n'est rien d'autre que des forces
productivés humaines. Dans une région agricole appauvrie comme
l'Italie du Sud, ou dans une petite île comme l'Angleterre, qui
doit inaintenir son Empire par des alliances manoeuvrières, l'in.
tervention de Dieu ou le génie politique des hommes d'Etat ont pu
être considérés comme le facteur décisif de l'histoire de la nation.
Par contre les Etats-Unis, bien que la pensée sociale n'y ait pas été
développée, ont été dominés. pár l'idée que l'univers qui nous entoure
å été créé par l'énergie et la prévision de l'homme. Le résultat est
Cette conception qui domine l'esprit des ouvriers, selon laquelle le
travail à où doit avoir une valeur positive et créative:
Ce n'est pas le droit de vote qui a attaché l'ouvrier ameri.
cain à la «maniere américaine de vivre », mais la possibilité de
la liberté et de la mobilité individuelle. Le rêve démocratique, pro-
duit idéologique des Etats-Unis, n'a jamais été le rêve de la
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démocratie politique. Il a été la conviction, nourrie par les possi.
bilités réelles qui ont existé dans le pays pendant plus d'un siècle,
selon laquelle chaque individu, l'homme commun, pouvait mettre
de' plusieurs façons ses capacités à l'épreuve. Pour les ouvriers
américains, la liberté a été une force économique. Bien que se
réalisant de moins en moins fréquemment, c'était l'espoir toujours
présent, que chaque homme pouvait arriver à être a son propre
patron ». Ce qu'on entendait par là, ce n'était pas qu'il pouvait
devenir patron des autres, mais qu'il pouvait parvenir, dans son
propre petit atelier ou dans sa ferme, à réglementer ses heures de
travail et à mettre ses propres idées en application. Par le passé,
des millions d'ouvriers sont réellement devenus « leurs propres
patrons » dans une taverne, un café, une station d'essence, un
atelier de radio. Aujourd'hui à l'atelier, les ouvriers se torturent eux.
mêmes en pensant à l'impossibilité de jamais s'échapper de la
prison qu'est l'usine. Pour la grande' bourgeoisie, «liberté de
l'entreprise » signifiait le droit d'extorquer du surtravail aux
ouvriers; pour les ouvriers, « liberté de l'entreprise » signifiait se
libérer de la nécessité de vendre leur force de travail aux patrons,
se libérer du contrôle de leurs heures productives par le patron.
Les ouvriers aujourd'hui ont perdu le sens de la liberté éco.
nomique, et regardent leur travail comme une forme de servitude.
Pour eux, le travail est devenu simplement le « boulot » ; il n'est
ni l'expression de leur propre humanité, ni' un moyen pour le
développement de l'humanité en général, ni une préparation pour
une liberté éyentuelle. C'est simplement du boulot « pour la com,
La compagnie ne s'intéresse qu'à la production pour la produc-
pagnie», et ce sera toujours «pour là compagnie».
tion. L'ouvrier, créé par le développement des forces productives,
est intéressé à produire en tant qu'être humain. L'ouvrier se plaſt