La Deranapht exportait l'essence synthétique et avait pris en
même temps la place de la Standard Oil ; elle possédait des
pompes à distribuer l'essence. La Soyuspuschina possédait le
monopole de l'exportation de fourrures préparées à Leipzig,
capitale allemande de la fourrure. Il n'y avait pratiquement
entre 1946 et 1948 aucune branche qui ne soit pénétrée par les
sociétés commerciales soviétiques. Une partie des produits
exportés par celles-ci provenait des prélèvements au titre des
réparations. Mais une autre était achetée contre des marks, qui
avant la réforme monétaire avaient une valeur internationale très
réduite, et étaient vendus contre des devises. Souvent les mar-
chandises étaient vendues à l'étranger comme provenant de
l'U.R.S.S. Dans ce cas on leur apposait, pendant la fabrication :
en Allemagne, une marque commerciale soviétique.
La plus connue et sans doute la plus détestée par la
popu-
lation parmi les compagnies commerciales russes était la Rasno
Export. Celle-ci était la seule à avoir une activité éclectique :
porcelaine, verrerie, bas, vêtements, etc. Généralement des objets
d'usage courant. En même temps la Rasno Export avait la tâche
de drainer ce qui pouvait rester de richesse au sein des familles :
montres en or, alliances, bijoux, monnaies d'or et d'argent,
vieux tableaux, porcelaines d'art, etc, La Rasno Export, autant
que faire se pouvait, ne déboursait pas d'argent : en échange
des objets que les intermédiaires lui apportaient elle remettait
au prix du marché gris » des cigarettes qu'auparavant elle
avait acheté au prix de la taxe aux fabriques de Dresde. En même
temps elle faisait accorder par la S.M.A. à ses intermédiaires des
licences de commerce spéciales grâce auxquelles ceux-ci pou-
vaient vendre au public au prix noir les cigarettes obtenues.
Jusqu'à la mi-1948 il y eut dans toutes les villes de la zone
Tusse des magasins Rasno échappant au contrôle des autorités
allemandes où on vendait des cigarettes et parfois aussi des
chaussures et des articles 'textiles que la Rasno fournissait éga-
lement aux intermédiaires.
Les cigarettes d'un côté, l'alcool de l'autre eurent entre
1946 et 1948, toutes proportions gardées, le même rôle qu'eut
l'opium sur les marchés de Chine pendant les années 1860 et
1870. La comparaison pourrait être poussée plus loin car il se
forma autour des compagnies commerciales, et surtout autour
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de la Rasno, une couche d'intermédiaires allemands ou cosmo-
polites qui assumaient le même rôle par rapport aux compagnies
soviétiques que les compradores d'Extrême-Orient par rapport
aux grandes compagnies capitalistes. On pourrait placer dans
le même groupe de quasi compradores le corps des inspecteurs
de réparations formés de membres du S.E.D., qui était des-
tiné à choisir les marchandises de première qualité destinées
à être envoyées en U.R.S.S.
Parallèlement à la Rasno, et sur le même modèle, se déve-
loppèrent également entre 1946 et 1948 respectivement une com-
pagnie yougoslave, polonaise, tchèque et bulgare. Ces dernières
importaient des cigarettes ou de l'alimentation qu'elles reven-
daient au marché noir. En échange elles achetaient des ma-