prendre l'ampleur du mouvement engagé. Ils s'empêtrent le 9 et le 10,
dans des discussions et réunions avec leurs « amis politiques » de la
S.F.I.O., ou du M.R.P. et entre eux (F.O., C.F.T.C., Cadres), Pendant
ce temps, la grève s'est étendue dans l'unité et en bousculant parfois
quelques bureaucrates subalternes de F.O. ou de la C.F.T.C. qui hési-
taient à prendre position sans ordre de leur fédération. Le mouve-
ment est tel que la C.G.T. peut lancer le 10, l'ordre fédéral de grève
illimitée des cheminots. Les coups de téléphone se succèdent à F.0. ;
les responsables locaux ne peuvent plus reculer dans leurs services,
ils veulent être couverts par un ordre de grève fédéral. Cet ordre
est donné pour le 11 à 0 heure, la Fédération Générale Autonome des
Mécaniciens et Chauffeurs donne également l'ordre de grève pour le
11 à 0 heure, et les cadres autonomes suivent le 12. La C.F.T.C. a
des difficultés avec ses tuteurs du M.R.P. et ne pourra donner l'ordre
de grève que le 13 août, mais dans la plupart des centres, ses militants
était en grève depuis plusieurs jours.
Le mouvement d'avertissement du 7, était dirigé contre les décrets-
lois dont la teneur était connue des organisations. Il comprenait
des revendications vagues : refus du recul d'âge de la retraite, arrêt
du démembrement de la S.C.N.F., reprise du recrutement, défense du
régime particulier de Sécurité sociale et, d'une manière générale,
critique de la politique réactionnaire du gouvernement. Le 10, les
ordres de grève des fédérations demandaient l'abolition du décret
53711, qui venait d'être publié au « Journal officiel », et le maintien
de
la législation de 1911 relative aux retraites. Le maintien du statu-quo
en matière de retraite, resta pratiquement jusqu'à la fin de la grève,
le seul mot d'ordre. Les autres revendications (salaire minimum, etc.)
vinrent simplement s'y ajouter d'une manière artificielle, sans expli-
cations. Aucune volonté de changer le cours de la grève n'apparut
dans les tracts des organisations syndicales. Or, on peut estimer, que
plus de 80 % des cheminots dépassent effectivement l'âge d'ouverture
du droit à pension de retraite (c'est-à-dire, par exemple, que dans la
plupart des cas, un cheminot de service sédentaire ayant 55 ans
d'âge, et 25 ans de versement à la Caisse des Retraites condition
requise dans le statut de 1911 qui donc pourrait prendre inmé-
diatement sa retraite, attendra deux ou trois ans, parfois même
beaucoup plus s'il est de grade élevé avant de demander à partir
en retraite). Les spécialistes du gouvernement qui connaissent bien
ces faits et qui comptaient dessus pour la réussite de leur opération,
ne sont pas encore revenus de leur surprise. Le décalage entre les
revendications mises en avant, et l'extension de la lutte, n'est cepen-
dant pas sans signification.
1° Les revendications formulées par les syndicats expriment rare-
ment la totalité des aspirations des travailleurs. Ce qui était surtout
sensible aux cheminots en août, c'était l'intervention de l'Etat dans
un statut acquis depuis de longues années, la porte ouverte à d'autres
mesures. Ils ont su unir leurs forces, et refermer cette porte.
2° La dynamique même de la lutte entraîne dès le début les tra-
vailleurs à se poser tout le problème des rapports avec les exploiteurs.
En août, les cheminots se posaient le problème du renversement de
Laniel, ils discutaient entre eux de juin 36. Bien sûr, comme il ne
suffisait pas de se poser le problème, ils n'ont pas su dépasser les
organisations syndicales sur ce terrain.