gner les secondes et les agents des frais généraux, taillant dans
les kilos de peinture mais, surtout, recensant les manœuvres, les
O.S. et discutant l'utilité de chacun. Le résultat s'inscrit en
clair : production accrue, personnel restreint — (que la cause
des prix de revient élevés soit un appareil bureaucratique
très lourd, voilà ce qui est laissé de côté). Ces actions épiso-
diques et spectaculaires ne sont pas les seules. A longueur
d'année, il existe d'autres moyens que les descentes de chronos
pour peser sur les salariés : non-remplacement de licenciés ou
de démissionnaires, déclassement de personnel (un contremai-
tre quittant l'entreprise remplacé par un chef d'équipe, non
titularisé par la suite ou un chef d'équipe par un chef de
groupe, etc.), augmentation frauduleuse de la vitesse de rota-
tion des chaînes. C'est ainsi, pour la meilleure part, que la
fameuse PRODUCTIVITE, dont on rebat les oreilles aux
ouvriers depuis plusieurs années, est instaurée par le fait du
prince. Pour le reste, elle ne repose pas sur le système de
rémunération en vigueur. Le personnel dit «horaire » reçoit
un salaire de base fixe, c'est-à-dire calculé à l'heure et non
pas aux pièces, majoré conformément à la loi en cas de dépas-
sement des 40 heures, et mensuellement, un « boni » d'équipe
ainsi calculé : quotient du travail exécuté par l'équipe (x minu-
tes) par les temps de présence payés. Dans l'abstrait, ceci
signifierait que les bonis s'établiraient, suivant les équipes,
de 1,10 par exemple, à 1,35 ou 1,40. Pratiquement, le boni
s'établit pour toutes les équipes autour de 1,20 (de 1,18 à 1,22
par exemple). Cette négation du principe même du boni
d'équipe, non pas accidentellement mais régulièrement appli-
quée, s'explique aisément. D'une part, la presque totalité des
déclarations du travail « sorti » dans le mois par les contre-
maîtres et les chefs d'équipe sont truquées. Ainsi, il serait
absurde de s'attribuer une production représentant un boni de
1,40, aussi, avec la complicité de l'agent de contrôle chargé de
« pointer » les réalisations, tel contremaître, gardant pour
ainsi dire en réserve son excédent, sera crédité de 1,30 (cette
réserve non payée peut très bien être déjà livrée au client,
mais ceci est une autre histoire). A l'inverse, l'équipe ayant
travaillé à 1,10 s'arrangera pour déclarer 1,20, et d'une façon
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générale, le boni total réalisé étant plutôt fort que faible,
un jeu d'écritures du service Prix de Revient fera bénéfi-
cier les « retardataires » d'une partie de l' « excédent » des
autres équipes. Aussi, les variations du boni d'une équipe à
l'autre et d'un mois à l'autre sont très faibles. En l'absence
d'une pression ouvrière pour demander des comptes et exi-
ger une révision générale des cadences, y trouvent leur
compte : les contremaîtres, assurés d'un boni moyen, donc
insouciants d'avoir une tâche plus ardue si les chronos bais-
saient les temps (on douterait de la santé morale du contre-
maître qui exigerait «son > boni effectivement réalisé) ; les
chronos eux-mêmes et les agents du prix de revient, qui ne
tiennent pas non plus à être toujours sur la brèche, enfin la
Direction qui, bien sûr, n'est pas ignorante du fait mais ferme
les yeux car elle donne en boni moins qu'elle ne reçoit. En