prise de position sans équivoque. L'expérience cruciale a eu lieu. Il
faut choisir. L'Opposition choisit en refusant de connaître le seul
mouvement réellement oppositionnel qui se soit produit au sein du
monde communiste; entre Kadar et les conseils de Csepel, elle choisit
Kadar, c'est-à-dire Kroutchev, c'est-à-dire Thorez. Elle rentre sous
terre,
mais elle reste orthodoxe.
Mais, dira-t-on, que peut-elle faire ensuite, ayant jeté toutes ses
armes? La question est hors de sens, car encore une fois il ne s'agit
pas de faire, mais d’être. Voici, toujours sous la plume d'Antoine Roger,
une définition assez rigoureuse de l'opposant: « L'opposant, c'est celui
qui reste et qui se bat pour le triomphe de son point de vue, en
mettant de son côté toutes les chances de succès. » Mettre de son côté
toutes les chances de succès, nous venons de voir ce que cela signifie.
L'opposant, c'est celui qui reste. Où donc? Au parti, bien sûr. Mais
le verbe est employé ici absolument, parce qu'en effet tout son sens
est ramassé en lui-même. L'opposant, c'est celui qui reste, en général,
dans l'absolu. Qui reste où il est. Et qui pourra dire, comme l'autre,
au jour du règlement: « J'ai vécu. » L'Opposition, c'est la force
d'inertie.
Pour certains, de telles concessions sont des ruses nécessaires. On
sait ce que valent en général ces habiletés, et comment l'appareil fait
son profit de la moindre « concession d tactique. Mais il faut voir sur
pièces combien pèse la contre-partie (c'est toujours Antoine Roger qui
parle): « Des camarades demandent une « plateforme ». La plateforme,
mais c'est le parti tout entier qui l'élaborera, et il s'agit moins de
chan-
ger de plateforme politique que de mours dans le parti... Nous vou-
lons que cessent les censures et les mensonges... Nous voulons en finir
avec la mise en tutelle des conférences réputées souveraines... Pour
vaincre la machine répressive, nous exigeons le vote secret. » On voit
que le bilan est plutôt maigre: Sur le plateau des « concessions »,
le reniement des ouvriers hongrois; sur le plateau des revendications, le
vote secret. En présence d'une telle balance, on comprend le mot prêté à
Laurent Casanova selon lequel l'existence de l'Opposition renforce le
parti plutôt qu'elle ne l'affaiblit. On peut en outre prévoir sans pessi.
misme qu'avec une telle tactique, le vote secret n'est pas pour demain.
Cependant, l'Opposition « progresse ». Au Quartier Latin, on parle
de 15 cellules dissidentes. Un comité clandestin de liaison avec l'oppo-
sition socialiste, qui a ses lettres de noblesse et quelques lustres
d'an-
cienneté, est en voie de formation. Les événements les plus décisifs sont
attendus pour les prochaines conférences de sections. Les opposants
communistes déploient une activité considérable, puisqu'ils militent au
moins deux fois : une fois comme communistes, et une fois comme oppo-
sants. Pour les élections du Premier secteur de Paris, certains ont mené
de front une campagne électorale officielle pour Monjauvis et une autre,
clandestine, pour Bourdet, voire pour Hervé. Après quoi, le secret de
l'isoloir a dû trancher de singuliers cas de conscience. En décembre 56
paraît le numéro 1 de l'organe officieux de l'Opposition:« L'ETIN-
CELLE, pour le redressement démocratique et révolutionnaire du
P.C.F. », qui engage le fer avec Thorez et Servin. Il serait fastidieux
d'analyser les thèmes de cette polémique qui ne contient rien de nou-
veau par rapport aux précédentes critiques de l'Opposition. L'inter-