et concertée, pour clamer qu'une « nouvelle période de gran-
des luttes revendicatives dans l'unité est commencée ». On
fourre pêle-mêle, cheminots, métro, bus, services publics, Air
France, Métallurgie (en fait, cela se localise ce jour-là, à
Rouen), batellerie, qu'ils le veuillent ou non, pour fabriquer
de toutes pièces « deux grandes journées de lutte ».
Un but a été atteint sûrement : si la C.G.T. n'est pas réintroduite
dans le circuit de discussion (elle est exclue de la commission pari-
taire), en peut dire que les syndicats réformistes et Mollet ont bien
mérité de la C.G.T. et du P.C.
Les ouvriers des chantiers navals faisaient quelque peu parler
d'eux : Dunkerque (21 mars), Le Havre, Saint-Nazaire, Lorient. Le
21 mars, les ouvriers des Ateliers et Chantiers de France à Dun-
kerque avaient pris, au cours de la lutte pour les salaires, une atti-
tude qui n'était pas sans rappeler celle des ouvriers de Saint-Nazaire
(5) Canard Enchainé, 17 ayril.
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en 1955; on sentait que c'était une lutte ouvrière authentique, la
réplique du patron, le lock-out, montrait bien que l'action était celle
de tous et non une « action syndicale ». Un récit succinct permet
bien de situer ainsi cette lutte (6) :
« Depuis le début de la semaine, des pourparlers étaient engagés
entre la direction et le personnel, portant notamment sur une aug-
mentation de salaire de l'ordre de 15 % et sur le paiement de la
prime du lancement du « Minnehoma », effectué en février sans
cérémonie officielle en raison de l'agitation sociale déjà existante.
« Les soudeurs, soit trois cents ouvriers sur deux mille, prati-
quaient depuis un certain temps, des débrayages pour appuyer leurs
revendications. La tension s'accentua lorsque la direction refusa de
participer à une réunion paritaire convoquée par l'inspection du
travail, en déclarant ne pouvoir rien changer à sa position. Treize
soudeurs appartenant à des firmes sous-traitantes ayant été remis
à la disposition de celles-ci, cette mesure détermina mercredi une
vive réaction de leurs camarades, qui envahirent les bureaux admi-
nistratifs, dont l'évacuation nécessita l'intervention de la police.
« Jeudi, trois cents soudeurs en grève s'étant rassemblés, vers
13 h. 30, à l'intérieur des chantiers, accueillirent la police avec les
jets des lances d'incendie. L'intervention de deux compagnies de
C.R.S. déclencha de violentes bagarres, Repliés sur les cales de cons-
truction et les poteaux en chantier, où leur nombre se grossit de
plusieurs centaines de métallurgistes, les grévistes repoussèrent un
premier assaut en prenant pour projectiles boulons et blocs de char-
bon. La lutte gagna ensuite les bâtiments administratifs, dont les
portes furent enfoncées à coups de madriers et de cornières. Un
certain nombre de bureaux furent saccagés. Le recours aux grenades
lacrimogènes accentua encore le désordre, le vent rabattant les
gaz sur les C.R.S. Le calme ne revint que vers 16 heures. En cor-
tège, les manifestants tentèrent de se rendre à la sous-préfecture et
tinrent un meeting au cours duquel ils décidèrent de ne reprendre
le travail qu'après le retrait des forces de l'ordre et le réembauchage
des treize soudeurs licenciés.
* Les Ateliers et Chantiers de France, qui possèdent un carnet
de commandes exceptionnellement garni, ont actuellement en cons-
truction un pétrolier de 52,000 tonnes, frère du « Minnehoma », des-