l'impérialisme, pouvait envoyer ses fils à l'école et à l'Uni-
versité pour qu'ils deviennent officiers, professeurs, doua-
niers, postiers, cheminots, etc. Sans doute la perspective
d'un reclassement des chômeurs issus des classes moyennes
dans l'appareil étatique était-elle obstruée à court terme
parce que l'exploitation impérialiste d'une part et d'autre
part la population de ces classes s'accroissaient à un rythime
plus rapide que l'appareil administratif lui-même. Mais
précisément, en concentrant dans cet appareil les contra-
dictions issues du développement de l'impérialisme dans les
pays colonisés ce processus faisait de l'Etat lui-même le
point faible de la société coloniale. Car la crise qui attei-
gnait les classes moyennes et la paysannerie locales devait
atteindre nécessairement le personnel, issu de ces classes,
qui peuplait les bureaux, les casernes, les collèges, etc...
Il n'était pas dans l'intention de ' l'impérialisme d'offrir
indéfiniment, à la société qu'il était en train de détruire,
le remède d'un Etat-providence. La saturation de l'appareil
étatique portait à son comble la crise des classes moyennes:
compétition de plus en plus rude, corruption généralisée,
dégoût de plus en plus radical à l'égard de la classe diri-
geante associée à l'impérialisme. C'est alors que l'Etat offre,
par sa structure même, à ce profond mécontentement une
organisation qui favorise son expression et accélère sa
transformation en activité politique : de là le rôle détermi-
nant de l'armée dans les révolutions égyptienne, syrienne,
irakienne, etc.
En Algérie, rien de cela. L'appropriation directe des
terres et des échanges par l'impérialisme s'accompagnait
de l'occupation massive de tous les départements adminis-
tratifs par les Européens. L'origine sociale du personnel de
l'appareil étatique n'était pas, du reste, substantiellement
différente de son équivalent égyptien ou irakien : les
« petits blancs » qui y exercent les fonctions subalternes
sont pour une bonne parť les descendants d'anciens petits
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colons expropriés par les sociétés. Mais la compétition pour
les postes de fonctionnaire était inégale : les chômeurs
musulmans étaient handicapés par l'usage du français
comme langue officielle, par tout un ensemble de conduites
étrangères à leurs habitudes culturelles, et finalement par
la barrière raciale. Le pourcentage des Algériens occupės
dans l'administration est resté remarquablement faible.
C'est ainsi que les classes moyennes algériennes furent
condamnées aux carrières libérales, principale issue à leur
asphyxie, ce qui explique l'importance relative des étudiants
algériens en droit, médecine, pharmacie, etc., et aussi à
l'émigration. Dans les deux cas, et a fortiori quand ils se
combinaient, elles demeuraient pulvérisées, et leur natio-
nalisme ne pouvait guère dépasser l'étape des déclarations
d'intention, à supposer qu'il existât.
C'est un fait incontesté que le nationalisme, dans les
pays colonisés, est la réponse que la population finit par
donner à la désocialisation profonde que l'impérialisme y