nouvelle conception du processus révolutionnaire, comme
aussi de l'organisation et de la politique révolutionnaires.
Il n'est pas difficile de voir que ces idées vraies ou
fausses, peu importe pour le moment -- ne représentent
ni des « additions » ni des révisions partielles, mais les
éléments d'une reconstruction théorique d'ensemble.
8. - Mais il faut également comprendre que cette recons-
truction n'affecte pas seulement le contenu des idées, mais
le type même de la conception théorique. De même qu'il
est vain de rechercher actuellement un type d'organisation
qui pourrait être dans la nouvelle période le « substitut >
du syndicat, qui en reprendrait le rôle autrefois positif sans
les traits négatifs en somme de chercher à inventer un
type d'organisation qui serait un syndicat sans l'être tout
en l'étant de même il est illusoire de croire qu'il pourra
désormais exister un « autre marxisme » qui ne serait pas
le marxisme. La ruine du marxisme n'est pas seulement
la ruinę d'un certain nombre d'idées précises (ruine à
travers laquelle, faut-il le dire, subsistent nombre de décou-
vertes fondamentales et une manière d'envisager l'histoire
et la société que personne ne pourra plus ignorer). C'est
aussi la ruine d'un certain type de liaison entre les idées,
comme entre les idées et la réalité ou l'action. En bref, c'est
la ruine de la conception d'une théorie (et plus même, d'un
système théorico-pratique) fermée, qui a pu croire enclore
la vérité, rien que la vérité et toute la vérité de la période
historique en cours dans un certain nombre de schémas pré-
tendûment «scientifiques ». Avec cette ruine, c'est une phase
de l'histoire du mouvement ouvrier, et, il faut ajouter, de
l'histoire de l'humanité, qui s'achève. On peut l'appeler la
phase théologique, étant entendu qu'il peut y avoir et il y a
une théologie de la « science » qui n'est pas meilleure mais
plutôt pire que l'autre (pour autant qu'elle fournit à ses par-
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tisans la fausse certitude que leur foi est « rationnelle »).
C'est la phase de la foi, soit en un Etre Suprême, soit à un
homme ou un groupe d'hommes « exceptionnels », soit à
une vérité impersonnelle établie une fois pour toutes et
consignée dans une doctrine. C'est la phase pendant laquelle
l'homme s'aliène à ses propres créations, imaginaires ou
réelles, théoriques ou pratiques. Il n'y aura jamais plus
de théorie complète qui nécessiterait simplement des
« mises à jour ». Il n'y en a d'ailleurs jamais eu en réalité,
car toutes les grandes découvertes théoriques ont viré du
côté de l'imaginaire dès qu'elles ont voulu se convertir en
système, le marxisme non moins que les autres. Il y a eu,
et il y en aura un processus théorique vivant, au sein duquel
émergent des moments de vérité destinés à être dépassés
(ne serait-ce que par leur intégration dans un autre ensem-
ble, dans lequel ils n'ont plus le même sens). Cela n'est
pas du scepticisme : il y a, à chaque instant et pour un
état donné de notre expérience, des vérités et des erreurs,
et il y a la nécessité d'effectuer toujours une totalisation
provisoire, toujours mouvante et ouverte, du vrai. Mais