POUR UNE ORGANISATION PROLETARIENNE REVOLUTIONNAIRE
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NOS TACHES ACTUELLES
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I. - INTRODUCTION -
·"Il est indeniable que le groupe se trouve actuellement devant
un tournant de son existence, et qu'il doit repondre au dilemne
radical devant lequel il est place. Ce dilemne est defini par
l'ambiguite objective aussi bien du groupe dans son etat actuel
que du premier nwnero de la revue. Le groupa peut former le
point de depart aussi bien pour la formation d'une organisation
proletarienne revolutionnaire que d'un amas d 1iudividus servant
de Comi te de redaction a une revue plus ou moins aoademique."
(Resolu:ti-on sur le Parti revcHutionnaire, 11S. ou B. 11 n°2)
Quinze ans ont passe. Nous ne sorrunes pas une organisation proletarienne
revolutionnaire.
Pendant ces quinze annees, 1 1 antagonisme entre ·le proletariat et le.
clas:5e
dirigeante s'est exprime par des luttes incessentes dans lea pays
industrials. Au
niveau de 1 1 entrep~js e~ au niveau de branches entieres de la
production ou au niveau
national, des milJlcrs de greves, de conflits, de manifestations au sujet
des salaires, des condit i ons de travail, des droits des travailleurs
ont eu lieu. De la
simple resistance quotidienne dans l'atelier jusqu•au:x: mouvements
generalises com:m.e
en Belgique, le~ travailleurs ont lutte continuelleinent contre leur
situation dans
la production. Les premiers echos du m~me combat sont arrives des pays de
l'Est.
Les si tu&tions revolutionnaires d 1
.Allem.agne de l 1Est, de Pologne, de Hongrie n I ont
pas seulement mis a jour la violence des conflits de classes dans les
pays de capitalisme bureaucratique ; la formation de conseils ouvriers,
leur activite gestionnaire ont axprime une fois de plus la tendance
profonde du proletariat a revendiqu~r
la direction de la societe, a s'organiser et a combattre - y compris par
les armes - pour realiser son propre pouvoir.
Cependant, dans l'Occident capitaliste, la classe ouvriere n'est arrivee
nulle
purt a se manifester com.me une force revolutionnaire.
D~ point .de vue politique, les travailleurs des pays occidentaux sont
restea
sou,nis a l 'influence des organisations "ouvrieres" b'ureaucratisees ou
bien -£e sont
refugies dans l'indifference.
Cette situation ne tient ni a une plus grande stabilite politique du
monde
capitaliste ni a la disparition des c~nditions permettant une prise de
conscience
revolutionnaire : la bureaucratisation de la: societe, l'expa.nsion du
.mode de production ,et de vie capitali.stea developpent, au contraire, .
ces conditions.
Cetta situation - l'ecart entre l'intense activite revendicative des:
travailleurs
dans la production et leur faible activit e sur le plan politique ~ est
la consequence
directe du processus de d~generescence de leurs propres organisations ~
partis et
syndice.ts ..
- 2 -
Le developpement de la classc travailleuse - comme classe qui porte en
elle la
possibilite d' u.ne nouvelle soci&te - ne Sllit pas U:!':.1. c;0u.rb,1
to;.ij ()u:r'A ascendante , ·
Les travailleurs ne peuvent pas contes.ter en perrilB.nence le regime .
En l 'absence d 1une
issue revolutionnaire, apres la fin d'une periode de grands combats
politiques, leurs
propres creations - partis et s,yndicr,ts - finissent par tomber sous l
1influence et
le contr8le du systeme. PoL1r qui un noL1veau illouvement revolutionnaire
puisse se consti tuer, il faut que le proletariat fasse 1 1 experience de
la nouvelle phase et qu~
ses elements les plus actifs parviennent a une comprehension de cette
experience sur
un 'double plan: celui de la societe globale et de la situation de la
classe dans
cette societe, et celui de l'organisation, des buts et des mo1ens de la
lutt~,
Dans la phase du capitalisrll9 bureaucratique, la t~che des minorites qui
se pro- posent de construire un nouveau mouvement revolutionnaire a done
pour obj et 1
1) de· comprendre et d' expliquer la nouvellt3 etape , ·la position de la
classe exploi tee
danS: la societe ett en particulier, face a la bureaucratie ; 2) d 1
aider les travailleurs ~ progresser sur le chemin de leur organisation,
dans la definition de~ buts
et des moyens de leur lutte .
Depuis quinze ana ces winorites tournent en rond toujours enfermees dans
la
m@me contradiction: il ya ceux qui ne voient pas la portee des
changements, qui
repetent inlassablement les schemas d ' il y a qua.rante ans et s '
epuisent en v.aina
efforts pour s 1 inserer dans les luttes -ouvrieres armes de ces schemas
; il ya ceux
qui pex-goivent l •importance des change111ents, qui te:r..tent de les
analyser, qi.µ cri tiquent ],es conceptions pe_rirnees , qui disent des
choses fort justes dans certa,ins domaines , mais dont la comp:rehension
est gravement mutilee du f ait qu 1ils ne participent pas aux luttes . qu
1ils se trouvent separes de la vie productive et des problemes __ x..eels
des travailleLtrG~
Nous a.ppartenons indiscutablement a cette deuxierne categorie.
Il ne s 1 agit pas maintenant de decider dans l'abstrait si la
constitution d ' une
"organisation proletarienne revollltionnaire" etait possible ou non au
cours des 15
dernieres annees . Il s ' agit de savoir ce que nous avons fait pour qu1
elle se constitue et ce que n~us comptons faire pour aider a sa creation.
Nous etions un groupe d 1 intellectu.els en 1948. Nous sommes toujours un
groupe
d 1 intellectuels en 1963 .
II.- LES QUATRE DERNIERES Al\TNEES
A aucun I:10ment de son existence - que ce so;i.t pendant la phase
"Socialisme ou
Ba.rbarie" nu, a pres 1958, pendant la phase 110rganisat;Lon Pouvoir
Ot1vrier" - notre
groupe n ' a cen~re son activite en direction des ouvriers et des
employes.
Le bilan de notre activite en ce sens depuis 1958 est bien mince. :
quelques
tracts produits sporadiquement et diffuses dans une ou deux entreprises;
quelques
ventes de PoO • depuis deux ans ; quelques contacts vite delaisses.
Les decisions for.melles n'ont pourta.nt pas manque. Il suffit de citer,
par exemple, les dernieres decisions prises en ce qui concerne 1 1
elaboration d ' un materiel
diffusable a des travailleurs, celles du C . Ro elargi du 19 novembre
1961 : 1 brochure
de 16 pages sur nos positions generales (pour fin decembre 1961); l
brochure sur la
hierarchie (pow debllt 62); 1 brochure sur le stalinisme (pour fin
decembre 61) .
En ju.in 1963 1 rien de tout cela n'est paru. Pourquoi '? A quoi avons-
nous passe
notre temps ? En dehors du PoO., 1aensuel, nous avons sorti un seul
nu.mero de la revue
(p.0 34) (le n°.J3 citait deja presque entierement redige le 19 novembre
1961).
- 3
Compte tenu de nos forces reduites, la production de ces brochures
necessitait un gros effort de tout le groupet exigeait de se concentrer
la-dessus pendant
qu.elque temps. Cela n'a pas ete fait. ·
Ce n'est pas un hasard. Depuis quatre ans environ, nous n'avons accompli
aucun progres dans les domaines ou ce progres aurait constitue le support
indispensable
de notre activite en direction des travailleurs : transformations au
niveau de la
production et revendications .face ~ ces transformations; critique des
organisations
"ouvrieres 11 bureaucratisees; bureaucratisation de la classe dirigeante
et ses consequences pour la population travailleuse. Mo the a publie deux
articles dans la revue : "Les ouvriers et la culture" (n°30)
et "Les jewies generations ouvrieres" (n°.33), mais ils n 1 abordaient
pas de front lea
problemes qui se posent dans ces doma,ines~ Il est evident que Mothe ne
pouve.it pas
les aborder tout seuJ..
En tant qu'organisation, l ' essentiel de notre activite theorique depuis
quatre
ans a reside dans les discussions autour de la "nouvelle theorie" du
camarade Barjot
(sous sea differentes editions I textes roneotest articles de la revue,
textes de
la Tendance). Ou en somraes-nous aujourd'hui? Le travail devant servir de
support a notre
action dans le milieu salarie n'a pas ete fait. "P.O." est paru tant bien
que rnal
gr~ce a l'entet~ent d'un certain nombre de camarades, mais sea
insuffisances sont
evidentes et son contenu et son orientation sont contestes par lea
camarades de la
Tendance de.puis l'ete dernier.,
III.- L 10RIEUTATIO:;J DtLA TENDAiifCE ET LES TRAVAILLEURS
Le dilemne cl ~ 1948 est toujours la : agir en vue de cons ti tuer une
•"organi.-
sation proletari~"1
.:D revolutionnaire" ou subsister comma "comi te de redaction d •une ·
revue plus OU moi~~k~ academique" .
Il n'y a pau d 1 organisation proletarienne sans proletaires. Il est
clair que
l ' orientation proposee par la Tendance tourne resolument le dos aux
proletaires.
1) L'activite proposee par la Tendance ne se basepl·us sur la lutte de
classe
des travailleurs contra la c:Lasae des capitalistea/bureaucratea , m@rne
si oette lutte n ' est pas niee ; l'activite proposee par la Tendance se
base sur une pretendue
revolte de presque tous lea hommes contre un systeme irrationnel et
alienant dirige
par "une petite rninori te". · _ , 2) Les luttes des travailleurs contre
l'exploitation sont vues par la ~endance
comma des "luttes institutionnalisees" faisant partie du mecanisme du
sy~teme capitaliste dans la mesure ou elles portent su.r l ' augmentation
des salaires et se derou- lent dans le cadre syndical. Seules lea "graves
informelles ou sauvages" sont reconnues comma mouvements positifs par la
Tendance . Mais encore elles ne sont considereee
que coriune un des aspects d •une lutte plus large menee par "lea hommes"
contre
l ' alienation du systeme. 3) Les grands themes d'elaboration et de
propaganda proposes par la Tendance
ne s ' appuient plus sur l ' idee que le proletariat est la seule claase
revolutionnaire
de la societe moderne ; ils ne visent paa a condenser l'experience de
cette classe , a exprimer ses besoins et ses aspirations. Ces grd'nds
themes visent a "exprimer les
aspirations veritables des hommes" , a montrer "le positif" dans la vie
de gens qui
"tentent de construire un sens a leur vie", sens qui est "recherche par
les horrunes
dans un monde ou rien n•est certain".
4) L'activite du groupe est vue par la Tendance essentillement comme
deve- l•ppement aes themes qu'elle propose. C1 ast 1 1 activite type
d'une revue . Deja ace
niveau toute adhesi6n d ' ouvriers et d'employes est a peu pres exclue .
Mais sl.ll'tout
- 4 -
les themes proposes ne peuvent ai&er en rien des travailleurs dans leur
resistance
a l'exploitation ni dans leur vie quotidienne en general ; ils peuvent
encore moins
les aider a s'engager dans une activite illilitante.
A l ' ('rientation 11 a-clas~iste", 11 humaniste 11 de la Tendance , nous
opposona une
orientation vers les travai1leurs. . Nous ne visons pas a exprimer les 11
aspirations des ham.mes" en general. ;Les hemmes se divisent en classes :
dans la mesure oa "aspiration" signifie autre chose
q1.+ ' "etat d 1 fun.e" , les dirigeants "aspirent" a conserver la
societe actuelle et leur
r8le de dirigeants, les proletaires "aspirent" a supprimer la d, mination
des dirigeants. Certes, en tant qu' ~tres hum.a.ins ils ont des besoins
co.aumms : manger et.' dormi~ normalement , faire 1 1 amour, avoir des
enfants, vivre vieux ••• ; et m~e ~es aspira~ions communes : gtre
respecte et reconnu utile; coffii.lluniquer avec les autres;
trouver un centre a sa vie , participer aux progres de l 1humani te ,
etc~ Ma.is no·~ ne
cherchons pas a expr:i..rner ce qui est commun aux unset aux autres ;
nous voulons·
exp~imer ce gui diff erencie et oppose les travailleurs aux dirigeants.
C1 es~ pourquoi nous ne proposons pas une activite en direction de "la
population" , "lis gens" ,
mais'. en direction de la classe travailleuse, exploi tee et asservie par
la c;Lasse des . t capitalistes-bu.reaucrates. Nous repoussons la
nouvelle theorie selon laquelle le monde se peuple d'individus q_ui
seraient a l a fois dirigeants et exec utan ts - "presque la moi tie de
1~
population" (1) - et qui affirme que "la seule differenciation qui a une
importance
pratique veritable est celle qui existe a presgue tousles niveaux de la
pyraraide ,
sauf evidemment les sommets, entre ceux qui acceptent le s ysteme et ceux
qui' , dans
la realite quotidionne de la production, le combattent" (2) . Nous
rejettons': l ' idee
que "la grande maj :. :·i te des individus, quelle que soi t leur
qualification ou leur
remuneration • • • t encont a se revolter contre le systeme" (3) . Il n
1y a pas de syste111e abstrai t, i,11personnel. Le systeme c ' est les
classes
social~s et leurs rapports en ce qui concerne le travail et la gestion.
La bureaucratisation de la societe n 1 entrafne pas la redt1ction de la
clas-se exploi teuse a une
"petite minorite11 tout en haut de la soi- disant pyramide ; elle se
traduit , au contraire , par l 1 extension des couches bureaucratiques
chargees de gerer le travail,
d 1 assurer :J_ 1 expl!hitation au niveau de l'entreprise et au niveau de
l ' appareil d 1Etat.
De mgme que nous avons demoli la conception selon laquelle le socialisme
ex.iste en
URSS parce ce qu 1 il n 1 y a pas de patrons prives, en montrant la
constitution et la
croissance de la classe bu.reaucratique , nous devons montrer comment, en
Occident , les
nouvelles couches chargees de la gestion .du travail n•ont pas de
fonctions neutres
o.u- arnbi valent8s mais sont en reali te des co11ches exploi teuses qui
, ensemble avec les
capitalistes prives, constituent la classe des dirigeants. Nous devons
egalement
montrer comment l'opposition larvee de ces couches aux capitalistes
prives. ne represente nulleme.nt une revol te contre le regira.e d I
exploitation mais 1 1 "aspiration"
- consciente ou non - a un regime d •exploitation plus perfectionne cu
lea dirigeants
bureaucrates assum.eraient la totalite du pouvoir politique et de la
gestion de
1 1 eco:q.omie .. Notre activi te ne doi t done p8.s viser a rendre
revolutionnaires les bureaucrat es ,
les organisateurs, en leur montrant les "irrationali tes" du systems
actuel. Elle
doit viser a nous enraciner dans0 le proletariat d'une part, a·fournir
des reponses
aux questions que se posent les militants devant la crise des
organisations traditionnelles d ' autre part.
g~
(3)
Platefarme de la Tendance, page 11.
II II II II 11 11 et 12 , so~ligne par nous. 11 11 11 11 " 22 , point 43
.
- 5 -
IV.- DIRECTION DE NOTRE TRAVAIL THEORIQUE
Pour rejoindre ces deux objectifs, il faut poursuivre l'effort en vue de
definir
une conception globale de l'epoque, de la place et du r81e actuels du
proletariat.
Sans cette comprehension globale de la phase actuelle, nous ne pourrions
obtenir
qu'une addition de critiques et de recherches individuelles se perdant
dans les
marais de la litterature sociologique. Sans cette conception~ l'activite
en direction
des travailleurs ne serait qu'une action empirique, fondee sur une somme
d 1 experiences lim.itees et partielles dont il serait impossible de
tirer des enseignements ayant
Ull8 valeur generale.
Cette comprehension globale, nous ne pouvons l'atteindre que sur la base
du
marJCiame ( 4) •
Les criteres fondaraentaux du marxisme ont ate adrn:i.rablement exposes
par le camarade Chaulieu dans le premier numero de la revue.
L'analyse du capitalisme, de la bureaucratie et du proletariat faite dans
l'editorial "Socialisme ou Barbaria" reste pour l'essentiel juste. Elle
est confirmee par
les faits. Certes, il ne s 1 agit pas de s 1 endormir dessus. Il faut la
developper,
l 1 approfondir, la rectifier. Mais cette tche, qui constitue
l'indispensable support
de toute action politique, ne peut pas ~tre accomplie en abandonnant ce
qui servait
de fondement a l' analyse : les positions fonda.men·tales du m.arxisme.
Bien entendu, le marxisme n'est pas eternel. Il n'est pas plus eternal
que le
proletariat et que le capi talisme. 1\fais tant que proletariat et capi
talisme existent,
il reste "la base de granite" (Chaulieu) sur laquelle doit s'appuyer la
theorie revolutionnaire du proletariat~ c'est-a-dire de la seule classe
qui peut detruire l'ordre
social actuel et ccnstrl.l.ire le socialisme.
Le travail theorique de notre groupe doit €tre oriente vers
l'eclaircissement
et l'approfondissement des questions su.ivantes
a) L'evolution du canitalisme a 1 1 echelle mondiale
- Quel est le r8le actuel de la concurrence entre entreprisea et entre
nations
dans le developpement d~ la production? quel est le r81e de la pression
des salaries
dans 1 1expansion actuelle? y a-t-il un mecanisme economique qui rendrait
ineluctables l'augmentation du salaire reel et la diminution de la
journee de travail?
- ~uelle est l'influence du developpement des armements sur l'expansion
de
l'economie? quelles sont les consequences, actuelles et previsibles, de
ce developpement des armements sur le sort materiel des travailleurs?
- Y a-t-il une contradiction entre la croissance des forces productives
(instruments de production et producteurs) et les rapp-orts capitalistes
de production
(division en classes, exploitation, gestion par une classe)? si oui,
comment s•exprime-t-elle?
- Dans quelle mesure ces questions - et lea reponses - peuvent-elles s 1
appliquer aux pays de capitalisme bu.reaucratique?
- Y a-t-il des difficultes propres a l'economie etatisee et plan:f:fiee
des
pays bureaucratiques?
- La bol.ll'geoisie peut-elle planifier a l'echelle du Bloc occidental?
la bureaucratie peut-elle le faire a l'echelle de son Bloc?
- Quelles sont les causes de la rivalite entre les deux Blocs? quelles
sont
les consequences de cette rivalite et de la division du monde pour les
travailleurs?
- Quelles sont les consequences, actuelles et previsibles, de 1
1inegalite
croissante de developpeuent entre pays sous-developpes et pays avancea?
(4) Voir notre te:x:te i "Marxisme et theorie revolutionnaire".
- 6 -
b) Transformation de la classe dirigeante et c~angements dans le
proletariat
en Occident
, Nouvelles couches exploiteuses dans 1 1 entreprise et dans lee
administrations
de l'Etat. - Nouvelles methodes d 1 exploitation: travail et salaire .
~ L'industrialisation des bureaux. ~ Perspectives et consequences de
l'automation.
- Revendications des travailleurs face aux transformations en cours.
c) Le r8le de 1 1Etat en France
- Gestion des secteurs-cles_, contrBle et planification. La
bl.l.reaucratie
etatique, son poids social et politique.
- ·1 1Etat et l'education.
d) ~es rapports entre les organisations "ouvrieres". et la proletariat
- Les syndice.ts sous le capi talisme moderne.
- Les syndicats a l'usine, a l'entreprise.
Ideologie re~ormiste et ideologie bureaucratique (l'ancien reformislllf3
ne peut exister desormais que cornme conception bureaucratique) .
_~)Le proletariat et le socialisme
- Le rapport entre la concentra tion capitaliste, la transformation du
travail, le developpement de la technique et les possibilites objectives
d'organisation socialiste de la societe. - Les experiences de gestion
ouvriere dans le passe. Le r8le des ticonseils 11
- en Yougoslavie, en Pologne, des 11 c01nites d'-usine" en URSSo
- Le soc:i.alisrn.e et le travail ; travail qualifie et non qualifie en
societe
socialiste; travail productif et "travail social" en societe socialiste.
Dans tous ces domaines ou bien nous n'avons encore rien entrepris
jusqu'ici
ou bien ce qui a ete fait est soit insuffisant soit contradictoire. Cela.
est particulierement vrai pour 1 1 evolution du capi talisme: ·il y a une
rupture complete entre
l'analyse co:mmencee dans les premiers :numeros de la revue (n°1
"Socialisme ou Barbarie"; n°3 "Consolidation temporaire du capitalisme
mondialn; n°14 11S:ttuation de
l'imper:ialisme et perspectives du proletari3.t", et m~me n°20 "La
revolution proletarienne contre la bureaucratie 11 et n°27 "Les classes
sooiales et M. Touraine")
et les positions definies dans 11Le mouve,n.ent revolutionnaire sous le
ca.pi talisme
moderne l' (n°31,32,33), positions qui apparaissent plut8t sous for me d
1affirmations
que coo.me ie resultat d'une etude approfondie du capitalisme mondial et
d 'une critique des ' positions precedentes.
La direction de travail theorique que nous venons d 'indiq•.1er c0nsti
tue une
tache de longue haleine qui peut seulement ~tre ebauchee avec nos forces
actµelles;
la progression de l'organisation danE ce sens est liee a son propre
developpement ,
au recrutement de nouveaux camarades, ainsi qll 1 a la collaboration avec
des militants
ne se trouvant pas necessairement dans nos re.ngs.
L'elaboration d'une theorie revolutionnaire n 1a d 1 autre .but que 1 1
action
revolutionnaire. Dans la periode actuelle, une partie iraportante de
cette elaboration
doit viser a creer le support qui nous perrn.ettra d'intervenir dans les
luttes
ouvrieres aveo une attitude a la fois critique et positive, c 1 est-a-
dire en proposant
des objectifs et des methodes pour faire progresser les mouvements et la
conscience
- 7 -
des travailleurs. Bien entendu cela ne signifie pas qQ' Lffie brochure
sur la hierarchie, sur l'apprentissage ou sur les syndicats, S: l'usine,
nous donnera , du jour au
lendemain , la possibilite d ' influencer une greve. Mais il est certain
que des brochu- res de ce type - elaborees en collaborati~m avec des
travailleurs - constituent ,
tout aut ant que 1 ' ameliorati on et l ' impression de "Pouvoir Ouvrier"
, l' une des con- diti ons de notre enracinement dans la classe
ouvriere.-
V .- L ' ACTIVITE EN DIREC·rron DE3 TRAVAILLEURS
1 - Participation a la lutte centre l ' exploitation
L' ext·ension de notre rayonnement , la formation d'une organisation
proletarienne
revolutionnaire , passent p~r la participation au.~ luttes.
Il est illusoire de croire que nous convaincrons des ouvriera , des empl
oyes ,
a force de repeter des critiques justes de la societe actuelle et de
propager un
autre modele de societe.
Un groupe qui se limiterait a pr~cher le socialisme , m.ais ne
participerait
pas a la lutte quotidie:rme contre l'exploitation, n ' aurait pas la
moindre chance
de s'enraciner dans le milieu salarie.
Dans les mouvements revendica tifs actuals, corom,e dans tout mouvement
de resistance a l ' exploitation - et tel est le sens des greves de cette
periode , m~me de
celles qui concernent exclusivement les salaires - nous avons des
positions a affirmer, des propositions a defendre , aussi bien sur les
revendications que sur 1 1 organisation et les bt..ts dGs mouvements (5)
. Certes, nous ne pourrons pas nous delimiter
a tout moment - et aux yeux de tout le monde - des appareils syndicaux et
m~me des
partis. Mais notre objectif actuel n •est ·pas de nous delimiter a tout
moment aux
yeux de tous , nous ne somrn.es pas pour l'origina.lite a tout prix.
Notre objectif est
d i~tre reconnus - que nos roili tants et sympathisants soient
reconnt.l.S sur les lieux
de travail - comme des gens qui defendent des positions justes, qui font
des criti- ques mais aussi des propositions positives. Cette
"reconnaissance11 nous l'obtiendrons
seulement par un travail long et suivi. Les choses que nous dirons et
proposerons
seront d 1 autant plus frappantes , auront une portee d ' autant plus
grande qu1 elles seront pens~es , dites et proposees par des travailleurs
qui "sont dans le coup".
Dans la periode actuelle , noua ne visons done pas a faire de l '
agitation en general,
a inflechir le caractere'des 1nouvements. Nous visons a nous attirer
la·sympathie·et
a obtenir la c'ollaboration d •une minorite de travailleurs. '
Pour pouvoir participer a . la lutte permanente cont re 1' exploitation,
i-1 faut
que nous rejettions d 1abord et definitivement,la position qui consiste a
affirmer:
a) les greves actuelles pour les salaires, encadrees par les syndicats ,
sont des
mouvements "institutionalises" (6) ;
b) l es syndicate sont de simples rouages de 1 1Etat capitaliste ;
c) seuls les mouvements s'effectuant hors du cadre syndical et dont les
revendications concernent les conditions et le sens du travail permettent
une intervention
positive.
' '
(5) Voir "P.O. " n°50 "Apres la greve des mineurs" .
(6) La grev:e des mineurs est considere.e par la T,endance corrune un
m.ouveme;nt de
, ce type : voir point 5 du texte de la Tendance sur les "Activi tes
exterieures".
- 8 - ..
On sait que pour les camarades de la T~ndance les luttes actuelles
"s, inserent parfai te,11ent dans le fonc.tionnement de la societe
etabJ.ie" du fai t que
+es augmentations de salaire "font partie du fonctionnement regulier du
capitalisms
cont~mporain"; d.' apres eux "nous ne pouvons pas relier ces greves a nos
positions
gener.ales", "nous ne pouvons rien proposer qui nous soit specifique et
qui embray!3 aur tine action reelle possible" (?), et, en consequence, il
nous faut attendre des
mouvements d 'un type nouveau (du genre "mou.vements pour les droits des
noirs au,:; ·
Etat~ Unis" Otl "greves informelles ou sauvages") pour pouvoir faire
quelque qhose . . ' '
Cette position est par essence sterile : elle nous condamne a rester en
dehors
du processus reel de la lutte de classes dans 1 1attente d 1 une
situation qui esf bne
pqxe utopie. En effet1 si demain- des greves sauvages eclataient en
France , elles
auraient lieu en m~me temps que des mouvements organises par lea
syndicats, la pure~ucratie syndicale s 1 efforcerait de reprendre 1~
contr8le des mouvements sauvages
et' y parviendrait dans bien des cas; les revendications ne
concerneraient p~s s~ulement lea conditions de travail mais seraient
m~lees a des questions touchant le ·salai:re; d'autre part , une
extension des greves sauvages aurait inevitablement ~e
grande repercussion sur la base des syndicats, des conflits, des
scissions m~me se
produiraient, etc. ·
Cependant , a l'heure actuelle aucun signe ne nous permet de penser que ,
dans
un pro.che avenir, les travailleurs frangais vont emprunter pour leurs
luttes d ' autre
canal que le syndicat ni qu ' ils vont creer des organismes de lutte
independants.
Il nous faut done clarifier notre appreciation du r81e des syndicats et
preciser
notre attitude pratique a cet egard.
2 - R8le actuel des syndicats en France
La fonction actuelle du syndicat est double
- defendre contre le patronat et 1 1Etat les inter~ts immediats des
salaries;
- defendre la sooiete capitalists, dont il accepte les bases, centre
toute
init-iative ouvriere qui pou.rrait la mettre en difficulte.
Les syndicats ne sont pas des compagrties d ' assurances. Leur action
s·•exerce
dens las conflits entre exploites et exploiteurs ; ils se trouvent places
au coeur
de la lutte. Il serait absurde de pretendre que la foriction actuelle des
syndicats
est "d ' emp~cher les greves" en echange de ceci ou de ceia,. Les
syndicats, ne seraitce que pour continuer a exister, sont forges d
'.organiser de$ greves.
D' autre part les syndicats ne sont pas seul~ment des appareils
bureaucratiques:
- une minorite de travailleurs, souvent la plus active, milite dans les
syndicats ;
une majorite suit le syndicat lorsque certaines conditions sont reunies
(revendications, accord entre les differentes centrales, etc. ) .
La double fonction du syndicat explique l ' attitude du patronat et de l
' Etat
a son egard, ambivalente elle aussi. Patronat et Etat reconnaissent la
necessite
du syndicat comme moyen d'encadrer et , s ' il le faut , de freiner las
travailleurs. Mais dans la mesure ou le ·syndicat est force d 1 exprimer
des besoins des salaries
qui provoquent un conflit avec le patronat ou 1 1Etat, ces derniers s '
opposent au •
syndicat.
(?) Voir points 5 et 6 du texte de la Tendance SUJ;' les "Activites
exterieures" .
- 9 -
L'integration des syndicats a l'Etat et a l'entreprise voudrait dire ou
bien
qu•on est arrive ~ussi a integrer lea travail~eurs ou bien qu'on s 1est
resigne aux
risques d'une extension continuel~e des greves sauvages.
De t0utes· fa~ona nous n 1en sormnes pas la en France et 1,'integration
ne depend
ni d'un deer.et de de Gaulle ni m~me d'une "politique intelligente" de
_la bourgeoisie.
Elle depend a la fois de l'attitude des travailleurs et des inter~ts des
bureaucrat:ies syndicales, qui sont lqin de co1ncider avec ceu:x: du
patronat.
La .fonction ambivalente des syndicats actuels constitue d 1ailleurs la
seule
explication de la tentative pennanente de grandee entreprises tres
modernes
(Citroen, S:i,mca, par exemple) decreer des syndicats-maison. Elle
explique aussi
la repression patronale centre lea militants et lee delegues syndicaux.
Il est vraisemblable que les syndicats exerceront cette double fonction
pendant
une longue periode dont nous ne pouvons pas fixer aujourd'hui le terme. -
·
La denonciati.on de la bureaucratie syndicale, l 'explication du r6le
reel des
syndicats sont plus necessaires que jamais. Elles seront d'autant plus
comprehensibles pour lea travailleurs que nous lee ferons en partant
d'experiences concretes.
Mais cela ne doit pas nous emp~cher d'avoir une attitude corrects vis-a-
vis des
organismes de base et des militants syndicaux~ Cette attitude devrait
$tre definie
ainsi 1 · ·
1) Nous travaillons de.ns lea syndicats partout ou. cela ne nous est pas
prati"."
quement interdit.
2) -Nous ne reconnaissons aux syndiques aucun droit special par rapport
aux
non syndiques dans l'entreprise · (decisions assemblees, comit es de
greve, etc).
3) Nous acceptons et defendons le systeme de representation des salaries
face
au patron par des delegues du personnel.
' 4) Nous cri tiquons le syste1ne de presentation de listes de
candide.ts-delegues
par les syndicate et defendons le principe de l'election libre des
delegues par
ateliers·ou services de 1 1 entreprise.
5) Nous ne. cri tiquons pas systematiquement lea delegues parce qutila
font des
compromie - tout delegue, tout oomite de_greve, tout travailleur doit
obligatoirement fairs des compromis •
. Il est indeniable qu'une attitude correcte dans ce dornaine rendrait
plus difficiles les accusations d'utopism.e.~ d 1inefficacite,
d'anarchiame, et permettrait des
meilleurs contacts avec la minorite de travailleurs qui a une activite
syndicale.
3 - Notre organisation et lea travai11eurs politises
Une minorite de travailleurs milite soit dans les syndicats soit au PC ou
au
PSU, dans des organisations de jeunes. Qu'est-ce que cela signifie?
L1 inactivite politique de la majorite des travailleurs n 1 est pas un
phenomena
simple et a sens unique : la participation d1une majorite de salaries a
la politique
ne a I est jamais produi·ce que pendant de co·urtes period es ·; et
la."poli tisation" ellem&le peut avoir des significations sensiblement
differentes : qui oserait identifier
la politisation de 1944-45 a celle de 1936?
La bureaucratisation des organisations ouvrieres, la 9-egenerescence de
leur
ideologie sont lea principaux facteurs de l'inactivite·actuelle. Mais
l'exploitation
reste un facteur pennanent de politisation.
- 10 -
En 1 1 absence d'autres organisations, des ouvriers, des employes, des
enseignants rejoignent les syndicats, le PCs et y militent. Quel est le
sens de cet
engagement ? 1,ucQil 1 Pouit'quoi ne · rej oignent- ils pas le li'IRP ou
l'UNR '; ··
Il y a plusieurs reponses fausses a cette question. La premiere, la plu,s
simple , est d'ignorer la question elle-m~me, de faire "com.me si11 les
syndicats et le
PC etaient µniquem.ent composes de permanents, de bureaucrates. La
deuxieme c test
de tout reduire a une 11mystification11 : a.es travailleurs seraient
"sedui ts'' par la
propagande politique tout conu~e ils le sont par la publicite commerciale
. La ' trois;em.e est d 1 affirmer que ceux qui m.:ilitent dans les
syndicate ou le PC sont des
res:i.dus d'une autre epoque •••. des gens arrieres en sornme .
Mais lorsque les quelques camarades ou sympathisants qui travaillent dans
des
entreprises OU dans l'enseignement veulent organiser quelque chose : un
mo~vement
revendicatif, une protestation, la solidarite avec les algeriens ou avec
les.mineur~ •• • avec qui a.oivent- ils compter, que ce soit pour s 1
engueuler ou pour se mettre d ' accord? Avec la minorite qui a une
activite syndicaie ou politique .
:La depolitisation ne peut pas gtre un phenomene total, car si la
bur~aucratisation de la societe , e:o. provoquant celle des organisations
"ouvrieres" tr.adi tionnelles, rejette les salaries vers l ' inactivite
politique , cette m~me bureaucratisation, en renforgant 1 1 exploitation
et 1ralienation, pousse toujours une :minorite
vers la cont.estation du regime et done vers une activi te mili tante .
Cet engagement
militant , pour des travaillet:.rs, traduit d'abord la volonte de lutter
centre l'ex-
.ploi~ation; il constitue aussi , dans la plupart des cas , W1e tentative
d foeuvrer
pour 1 1 aven~ment d 1 une autre s0ciete ou il n ' y aurait plus d 1
exploitation1 ou
la vie serait diff~fQ!_lteo Il faut avoir ·la suffisance deformante de
certains intellectuels pou:c s · imaginer que le militant communiste est
simplement le"partisan
de Maurice Thorez", tout comme i l pourrait ~tre celui de Pompidou ou de
Brigitte
Bardot , qu 1 il ne se pose aucune question au sujet de 1 1URSS et que ,
pour lui, le
COiTununisme n' est qu 1 une simple augmentation du n.iveau de vie e
Les travailleurs po~i'Gises ne sont pas seulement les militants
cegetistes,
co~unistes, PSU , FO ou CFTC qui suivent la ligne officielle.
Dans toutes les centrales syndicales, il ya a la base des minorites qui
defendant des positions de classe et qui, au slljet des revendica.tions
par exemple ,
se retrouvent avec nous ; certaines de ces minorites font une critique de
la so-
. ciete et du mouver.<1ent ouvrier qui part des m~mes preoccupations que
lea n8tres;
les travailleurs qui appartie1ment aces ad.norites sont souvent des
militants
eprouves, il ya parrni ewe des ce.marades dont la contribution sous forme
d 1articles, de livres, a une reelle valeur. Ces minorites ne sont pas
simplement, des
residua du passe~ Il faut se sortir de la tgte l'idee (produit de notre i
~olement)
que seul notre groupe recrute des jeunes (sans compter que les jewies ne
font que
passer chez nous !) : "L1Ecole Emancipee 11 , par exemple , recrute
surtout des jeunes enseignants.
Quel a ete notre travail en direction de ces minorites pendant ces
dernieres
annees? Inexistant.
L' orientation de la Tendance - aussi bien .. sur les questions les plus
generales que sur les revendications et les luttes actuelles_ - rendrait
impossible
toute activite en ce sens.
Une de nos principales t~ches est de fournir aces minorites le support
theorique de leur activite, d 1 etablir avec elles des liens de travail ,
de recevoir
aussi de ces rn.ilit1
ants ce qutils sont capables de nous apporter conune experience
et connaissance des problemes concrets des travailleurs.
- 11 -
4 -"Pouvoir Ouvrier"
Notre seul moyen d 1 expression en direction des travailleurs est
actuellement
"Pouvoir Ouvrier".
Ce bulletin n 1 est ni le "journal ouvrier" ni le "journal redige par les
lecteurs
eux-m.Ames" qu 1 on avait propose autrefois.
Cette idee a ete pratiquement abandonnee et nous avons maintenant un
bulletin
mensuel exprima.nt lea positions d 1un groupe politique.
Pourquoi? Pour trois raisons essentielleillent : 1) le mode d 1activite
d'un
ouvrier, m~me sy1npa.thisant , n'est pas l'ecriture ; d'autre part,
eorire est toujours difficile pour un tre.vailleur m~me s 1il conna1t
parfaitement "son sujet"f
2) un journal ne peut exister que su.r la base d'un ensemble d'idees,
d'un cadre
theorique qui n'est pas une simple somme d'experiences quotidiennes ; 3)
un journal
repose sur le travail d'une equipe qui assume en permanence des taches
redactionnelles et pratiques.
"Tribune Ouvriere", bulletin edi te pendant plusieurs a.nnees par un
groupe d 'ouvriers de chez Renault, n'a pu exister que dans la mesure ou
ces deux dernieres
conditions etaient reunies et il s'est toujours heurte a la difficulte d
1une participation ouvriere sous forme eorite.
La participation de travailleurs a P.O. reste cependant la condition de
eon
developpement. Elle peut aller de la simple diff-usion dans le milieu de
travail
a la collaboration episodique ou reguliere et a 1 1 adhesion a l 1
organisation. Elle
n ' est pas independante de la situation generale de la classe ouvriere.
Mais cette
situation ne doit pas ~tre invoquee pour justifier ltabsence de toute
initiative
en vue d'elargir la participation.
P.O. ne peut pas s 1 adresser act~ellement aux travailleurs en general ,
encore
moins "aux gens" s a "la population". Il doit ~tre redige de maniere que
tout le
monde puisse le lire, mais il ne peut pas @tre une espece de "France-
Soir" assimilable par n 1 importe qui. Il faut ~tre conscient du fa.it
qu'a.ujourd'hui seule une
minorite est susceptible d 1assimiler nos idees, ou une partie de nos
idees, que
seule une minorite peut essayer de lutter sur les objectifs que nous
proposons.
Gette minorite - ce "public" - ne se reduit ni a.ux "politises 11 ni aux
11depolitises",
nous n'avons pas de choix a faire. Les trav~illeurs politises ne sont pas
separes
de la classe : ils travaillent et vivent oonune lea a.utres ; a leur
tour, les depolitises ne sont pas par definition fennes aux idees
generales ou aux problemes concrets que la politigue - celle .de 1 1Etat,
du patronat ou des syndicats - pose quotidiennement aux salaries.
Le contenu de P.O. c'est d 1abord les problemes du travailleur dans son
entreprise et dans sa vie. Il ne s'agit pas seulement de les decrire,
mais ae les interpreter et d'aider le lecteur a y trouver des reponses
pour agir.
Le contenu de P.O. c 1 est done aussi bien la lutte contre
l'e:xploitation que la
critique des partis et des syndicats qui interviennent dans cette lutte,
l'explioation de la politique de l'Etat au s~jet d3s logements que la
critique des conditions
et des methodes relatives a 1 1 ecole publique , la critique de films ou
d 1 emissions
de tele que la diffusion d'initiatives positives, sur l'eduoation des
enfants ou
lea loisirs par example .
Mais le travailleur ne se trouve pas seulement aux prises avec des
problemes
"quctidiens" . Le m.ecanisme complexe et de plus en plus contraignant du
capitalisme
rend sa vie identique a celle de 1nillions d'autres travailleurs, la
regle et la
contr6le de plus en plus etroitement. Ce processus est rendu plus
perceptible par
le developpement des moyens d 1 information et de communication, par les
deplacements
- 12 -
plus frequents . Il 1 1 est encore par la poli tique m~me du Pouvoir qui
expose de plus
en plus frequemment des problemes globaux (salaires , pri:x;, expansion
de l ' economie ,
politique internationale) a la population travailleuse et sollicite son
approbation.
"Polit{se" OU "depolitise" , le travailleur ne peut pas ne pas voir que
toutes les
questions touchant sa vie quotidienne se posent au moins a une echelle
nationale :
salaires , duree du travail~ lcgement , instruction, loisirs, etc . , que
toute tentative
d 1 intervention dans ces questions renoontrera des forces au moins
·nationales :
patrona-t , gouvernern.ent , syndicats , partis. On pellt m~me ajouter
que c 1 est la conscience du caractere national et international des
forces qui determinent 1e sort de
la classe ouvriere, ainsi que le sentiment de son impuissance a s 1y
opposer; qµi est
responsable en grande partie de 1 1 inactivite de beaucotlp de
travailleurs.
L'explication et la critique de la societe, des institutions et des
forces politiques nationales et internationales correspond done a une
riecessite reelle , non a
une manie de "specialiste" .
Le r$le de 11P.0 . 11 doit E3tre egalement la demystification, 1 1
information et
la form.a tion.
Demystification : les idees dominantes sent quotidiennement repandues par
tous
les mfuyens;-nous- pouvons aider des travailleurs ales combattre · en
leur fournissant
des arguments et des exemples .
Information: notls pouvons faire connaftre les exemples les plus
significatifs
de 1 1 activi te de la_ classe ouvriere et des groupes d tavant- garde
dans tous les pays.
Forrna tion •: nous pouvons aider dos travailleurs a c·omprendre le r8le
du proletariat dans la societe comxne classe revolutionnaire en
expliquant quelles ont ete
s es grand es luttes; ses revolutions, en H1ontrant oe que pourrai t ~tre
le socialisme ,
dans quelle mestlre 1 1 evolution du monde cree elle-mfu11e les premisses
d I une societe
socialiste , pourquoi la gestion ouvr.iere est possible, comment les
travailleurs ont
tente de la realiser all cours des . mouvements revolutionnair.es .
11Pouvoir Ouvrier" ne peut pas @tre, a 1 1 etape aGtuelle 1 wi journal d
t agitation.
Il doit ~tre un journal d ' explication, d 1orientation et de formation s
1adressant a
une minor ite de travailleurs. De son c8te , cette minorite ne se sentina
liee a "P.O. "
que dans la. mesllre ou elle s 1apercevra que ce journal est aussi une.
organisation.
Cela ne signifie pas qtle les lecteurs adhereront a bref delai, mais que
leur participation - informations, ecrits, diffusion, argent - s '
elargira peu a peu s'ils
voient a travers le journal que cette organisation existe et ag~t .
- 13 -
VI.- L'ORGANISATION
La conscience revolutionnaire n'est pas automatiquement engendree par
l'exploitation, elle peut se former seulement par la lutte. Mais cette
lutte elle-meme n'est
pas en permanence une contestation du regirn.e ; en "periode normale", le
proletariat
doit accepter ce regime, c 1 est lui qui le fait fonctionner. Les idees,
les prejuges,
les valeurs, les habitudes, la maniere de vivre capitalistes penetrent
continuellement la classe ouvriere. A 1 1heure actuelle, le proletariat
ne dispose d 1aucun moyen
propre d'information et de formation; il est divise en categories
professionnelles,
cloisohne localement, separe par des frontieres. La classe dominante
s'emploie constanunent a lui masquer sa . situation dans la societe, a
lui dissimuler l 'antagonisme
des classes, a lui presenter une image de lui-m~me tendant a le reduire a
une somme
d 1 individus - de citoyens - fais.a.nt partie d'une co!Il!11unaute
nationale, a le persuader
que la societe offre a chacun sa chance de promotion et a presenter le
systeme d'exploitation comme une pyramide ou chacun trouve sa place selon
sa competence professionnelle. ·
La condition reelle des travailleurs dans la production cree sans cease .
la possibilite d'une critique de l a societe et de 1 1 image qu'en
donnent les dirigeants;
cette critique, qui s'exprime d 1abord par l'action eevendicative, se
traduit egalement par l'attitude negative de l'ouvrier ou de 1 1 employe
vis-a-vis de son travail,
par l'hostilite a l'egard des chefs, par la mefiance vis-a-vis des
infoz,nationa
officielles.
Cependant, le poids de l'ordre social actuel, l'action des appareils
syndicaux
et politiques font que, le plus souvent, les reactions contre 1
1exploitati~n· et
l'asservissement ne mettent pas en question le cadre capitaliste.
Cette situation n•est pas statique : la societe capitaliste ne reste pas
identique a elle-m.~me, l'exploitation et l'alienation ne sont pas des
donnees fixes,
immuables, les appareils syndicaux et politiques ne sont pas des rochers.
Le processu..s de bureaucratisation de la societe cree les conditions
objectives
du depassement de cette situation. Il ya d'abord l 1 aggravation de 1 1
exploitation
(8) et de 1 1asservissement au travail; il ya ensuit~ et surtout la
fonction sociale
que la bureaucratie exerce .de plus en plus clairement et dont les
travailleurs font
1 1 exper~ence a tousles niveaux.
Au niveau de 1 1 economie et de 1 1Etat, la nationalisation, la
planification,
l'extens,ion des nouvelles couches gestionnaires du travail detruisent
lea illusions
reform.i~tes et decouvrent peu a peu le contenu des ideologies
bureaucratiques.
Au niveau des partis et des syndicats, le vrai r8le social de la
bureaucratie va en
s 1affinnant. Ce r8le est evident dans les pays de l'Est ou elle
constitue la classe
exploiteuse. En Occident, ou la bureaucratie "ouvriere" n 1 est pas
totalement integree a 1 1Etat, ou les syndicat~ servent encore de canal
awe luttes revendicatives,
l'opposition entre les trav~illeurs et les bureaucrates ne s•exprime pas
toujours
ouvertement, mais elle apparaft des que les luttes ouvrieres atteignent
une certaine
ampleur ou une certaine intensite.
La degeneres9ence du mouvement ouvrier traditionnel n'est pas le resultat
de
la disparition des conditions permettant la fonnation d 1 une conscience
revolutionnaire e~ la lutte pour le socialisme. Ces conditions subsistent
et se renforcent
dans la nouvelle phase du capitalisme que nous vivons. C'est sur cette
base que
s 1appuie la possibilite de construire un nouveau mouvement
revolutionnaire qui•
(8) Il ne s 1agit ni de baisse ni de stagnation du salaire, mais d'une
augmentation
de la productivite du travail proportionnellement plus rapide que 1
1augmentation
du salaire.
- 14 -
s'il pa:rvient a se constituer a une echelle interna,ionale, deviendra a
son tour un
puissan~ agent de transformation du rapport de forces actuel entre
exploiteurs et
exploit es.
La formation d'une organisation proletarienne revolutionnaire implique la
critique et le rejet de la "theorie" et de la pratique des partis
traditionnels, l'effort
permanent pour atteindre une comprehension globale qui eclaire le sens
des actions
ouvrieres, la formulation d 1une perspective socialiste fondee a la fois
sur l'activite du proletariat et sur la croissance des instruments de
production et de la technique. Ces t~ches theoriques sont indispensables
mais non suffisantes pour creer un
nouveau mouvement revolutionnaire. La condition fondamentale pour que
cette creation
ait lieu c'est que la nouvelle organisation soit capable d'exprimer 1 1
experience et
les besoins actuels de la classe travailleuse, qu'elle ne soit pas
seulement un
centre de diffllSion d'idees mais un instrument utilisable par les
travailleurs.
C1est seulement dans la mesure ou la nouvelle organisation deviendra cet
instrument
qu'elle pourra combattre efficacement les conceptions, les valeurs, las
habitudes
capitalistes qui envahissent les travailleurs, qu'elle pourra les aider a
developper
leur critique et leur conscience.
Nous ne pretendons pas que l 1 orientation que nous defendons nous
permettra des
maintenant d 1@tre cet instrument. Nous disons simplement que cette
orientation ne
tardera pas a avoir les effets suivants :
1) susciter la participation de travailleurs a nos activites ;
2) perm.ettre aux militants et synipathisants qui sont salaries d 1aider
leurs
camarades de travail dans la lutte contre l'exploitation;
3) donner au groupe actuel un autre centre d 1 inter@t que lea
sempiternelles
discussions dites "theoriques"; creer une atmosphere, un rythme d 1
activite
et des methodes convenables pour les travailleurs qui voudraient adherer;
4) permettre de recommencer un veritable travail theorique en fonction de
cette orientation.
L'organisat1on que nous voulons 0onstituer doit ~tre, des le depart, 1 1
endroit
ou l'echange entre travailleurs manuels et intellectuels se fait dans
l'accomplissement de t~ches communes. Cat ·echange ne doit pas seulement
aboutir a 1 1 elargissement de la comprehension de chaque militant ;
l'apport re0iproque doit permettre
aux unset aux autres de mieu.x lutter a l'exterieur, c'est-a-dire de
poser correctement les problemes, de mieux saisir la realite, de fournir
des arguments et de
proposer des solutions dans tousles domaines ou apparaft le conflit avec
la classe
dominante et son Etat.
Il serait faux de s 1imaginer que cette collaboration "va de soi" des
qu'on a.
adhere a l'organisation: les differences de milieu, de travail, de
salaire, de
formation personnelle subsisteront toujours, les besoins pratiques et
politiciues
des una et des autres seront souvent differents et m~e opposes ; ils
creeront inevitablement des tensions et des desaccords. Les differences
et les desaccords ne
pourront ~tre surmontes que dans 1 1action vers le monde exterieur.
Une organisation tournee vers l 1 exterieur ne veut pas dire une
organisation
qui saorifie la reflexion et la democratie a l'efficacite. Se tourner
vers l'exterieur ne signifie nullement "militariser" l'organisation et
eliminer la discussion.
Nous n'avons pas a revenir sur la critique que nous avons faite de la
specialisation
et de la separation entre sommet et base dans lea partis traditionnels,
critique
qui, pour l'essentiel, est profondement juste.
.. - 1 5 -
Mais nous nions l a fo rmule : discussion= democra tie . La vraie, l a
seule democratie c 'est la par~J.cipa t:i.on des militants. L:-1
discussion comme m.r,de d I activite
est une des def ormations les pl us attrlistantes des i ntell ect uels.
La discussion a
une vale ur corn.me !l}~Jyen pour crri ver a un res ul t a t j vue comme
mode d I ao ti vi t e' e lle
est sterile et ~}i - de"11ocra tigue, car elle r ed.uit la participation
- et le poids
dans l es dec isions - des travailleurs w.anuels et des salaries ayant Wl
niveau
d 1 instfn.lction moyen et assure l:?. predominance des intellec-tuels
possedant "la. cultur~" ; elle repr odui t sous cette for me, a l
1interieur de l 1organisation •. UJl des
traits essentials de la societe capitaliste . ·
L'action vers l ' exterieur n 1exclut pas , au contraire , la discussi~n
necessaire ,
mais celle- ci passe alors de l ' abstrait au concret; ce type de
discussion permet
aux trcvaillet1rs manuels, aux salaries "moyens" , de s ' exprimer sur la
base de leur
propre experience, d.e sowaettre a la critique des fni ts la t h eorie et
la ligne politique j dans le mesure ou elle est liee a 1 1 ection, ln
discussion permet leur participa tion, mais c 1 est dans l'action elle-
m~me que cette participation prend tout
son sens, se rec.lise pleinement .
LI organise.ti on que nous vot,;.::..0ns frmner devra done c.ssurer la
participation de
1tensemble des militants en a idant chaque militant a developper son mode
de participation et d 1 activite propres, non en lui imposant une fausse
participation et un
semblant d 1 activite fondes sur 11 1a culture" et "la parole" .
Liorganisation d ' avant- garde nc peut pas @tre une prefigura tion de la
societe
socialiste. La soci et e ~ocialiste ce sont les masses qui la
construiront apres
avoir detruit 1 1 ancien monde. C'est a u cours du bouleversement
revolutionnaire que
les anciens r apport s entre les ho.mmes com.menceront a €tre remplo.ces
par des rapports
socialistes. Inst 2~r ation de r apports socialistes, c0la veut dire
changement radical de la situation des honlllles (jusque la di vises en
exploi teurs et exploites) en
ce qui concerne l a production, la c onsommation, la gestion des.
affaires publiques,
la famille , etc . C1 est parce que la cla sse driminante a ura ete
renversee , 1 1 exploitation supprimee , l'activite et la creativite des
masses multiplieES par mille a
mesu.:te que tomberont les vie:ill.es entr2.ves, que des rapports
socialistes se developperont et que cha cun commencera 11 agir co1Ilffie
un "hero.me nouveau" .
Sous le capitalisme , des rapports socialistes, m~rne comme
"prefiguration", ne
peuvent pas exister entre les hommes , y compris entre militants
revolutionnaires.
Ce qui doit exister entre militants est une communication d 1
experiences, une communaute de pensee et d 1action poli tique , une
solidarite dans la lutte . Dans la mesure ou cela existe 1 la camaraderie
existe aussi. Ce qui n ' est pas la m~me chose
que la recherche volontaire - et combien vaine - d 1Wle parcelle de
s~cialisme dans
le monde actuel.
-
- 16 -
VII. - LE RECRUTEMENT
Nous sommes actuellement un groupe de 41 indiv.idus dont la composition
sociale
est la suivante :
19 etudiants
8 enaeignants (3 profo de Lycee, 2 surveillants d 1 externat ,
1 prof. de Centre d 1Apprentissage , 1 prof.
d ' education physique , 1 assistant a la Sorbonne)
2 economistes
1 organisateur
1 psychotechnicien
1 medecin
1 journe.liste
2 ex- employees
1 comedien
1 ouvrier P2
1 representant
1 danseuse
1 geographe
1 profession liberale .
A Paris, les quelques truvailleurs qui ont adhere ces dernieres annees
sont
partis au bout de quelque temps : Imbert (instituteur), Marcel (typo) ,
Jean (menuisier), Roland (pastier) , .Mao (relieur) . Cependant , taus
sont restes abonnes a "P. O. " ,
deux d 1 entre eux nous ont aide cette annee a organiser le Cercle d
'Etudes. D' autres
travailleurs qui se declaraient d ' accord avec nous ont finalement
renonce a adherer.
Ceux qui sont partis, pourquoi l'ont-ils fait? Paree que nctre
orientation,
nos discussions , nos reunions ne leur convenaient pas. Cela a-t-il une
signification?
Si oui, laquelle?
La Tendance nous propose maintenant de sortir pour la enieme fois des
tiroirs
les listes de "contacts ouvriers", elle nous recoromande de "choiair une
ou deux
entreprises" , d 1y vendre P. O. (ce que nous faisons deja) et m~me , "si
possible"(?),
de "frequenter les cafes avoisinants" ! (9)
. Aller revoir les "contacts"? pour quoi faire? pour leur proposer quoi?
Les tr1:vailleurs qui viennent ne restent- pas , d'autres qui nous
connaissent ne veulent pas adherer.
Ce n'est pas en vendant P.O. a la porte de deux entreprises, ni m~me en
frequentant les bistrots populaires que nous changerons d 1 un pouce
cette situation.
Cette situation nous la changerons en chang~ant nous-m@mes , c 'est- a-
dire en
modifiant notre axe de travail et le type d ' activite de nos mil itants.
Les travailleurs ne sont pas des martiens. Nul besoin d ' aller les
decouvrir.
Premier exemple : a chaque reunion du Cercle d 1Etudes il ya une dizaine
de
jeunes travailleu.rs. Ce Cercle , ore;anise par quelques militants de P.
O., fonctionne
depuis janvier ; programme (a la demande des participants) : l 'histoire
du mouvement
ouvrier. Results.t : un debut de collaboration a "Pouvoir Ouvrier" et, au
minimum,
(9) Voir texte n°7 de la Tendance , point 13 .