POUR UNE ORGANISATION PROLETARIENNE REVOLUTIONNAIRE ------------------------------------------------------- NOS TACHES ACTUELLES ~===================== I. - INTRODUCTION - ·"Il est indeniable que le groupe se trouve actuellement devant un tournant de son existence, et qu'il doit repondre au dilemne radical devant lequel il est place. Ce dilemne est defini par l'ambiguite objective aussi bien du groupe dans son etat actuel que du premier nwnero de la revue. Le groupa peut former le point de depart aussi bien pour la formation d'une organisation proletarienne revolutionnaire que d'un amas d 1iudividus servant de Comi te de redaction a une revue plus ou moins aoademique." (Resolu:ti-on sur le Parti revcHutionnaire, 11S. ou B. 11 n°2) Quinze ans ont passe. Nous ne sorrunes pas une organisation proletarienne revolutionnaire. Pendant ces quinze annees, 1 1 antagonisme entre ·le proletariat et le. clas:5e dirigeante s'est exprime par des luttes incessentes dans lea pays industrials. Au niveau de 1 1 entrep~js e~ au niveau de branches entieres de la production ou au niveau national, des milJlcrs de greves, de conflits, de manifestations au sujet des salaires, des condit i ons de travail, des droits des travailleurs ont eu lieu. De la simple resistance quotidienne dans l'atelier jusqu•au:x: mouvements generalises com:m.e en Belgique, le~ travailleurs ont lutte continuelleinent contre leur situation dans la production. Les premiers echos du m~me combat sont arrives des pays de l'Est. Les si tu&tions revolutionnaires d 1 .Allem.agne de l 1Est, de Pologne, de Hongrie n I ont pas seulement mis a jour la violence des conflits de classes dans les pays de capitalisme bureaucratique ; la formation de conseils ouvriers, leur activite gestionnaire ont axprime une fois de plus la tendance profonde du proletariat a revendiqu~r la direction de la societe, a s'organiser et a combattre - y compris par les armes - pour realiser son propre pouvoir. Cependant, dans l'Occident capitaliste, la classe ouvriere n'est arrivee nulle purt a se manifester com.me une force revolutionnaire. D~ point .de vue politique, les travailleurs des pays occidentaux sont restea sou,nis a l 'influence des organisations "ouvrieres" b'ureaucratisees ou bien -£e sont refugies dans l'indifference. Cette situation ne tient ni a une plus grande stabilite politique du monde capitaliste ni a la disparition des c~nditions permettant une prise de conscience revolutionnaire : la bureaucratisation de la: societe, l'expa.nsion du .mode de production ,et de vie capitali.stea developpent, au contraire, . ces conditions. Cetta situation - l'ecart entre l'intense activite revendicative des: travailleurs dans la production et leur faible activit e sur le plan politique ~ est la consequence directe du processus de d~generescence de leurs propres organisations ~ partis et syndice.ts .. - 2 - Le developpement de la classc travailleuse - comme classe qui porte en elle la possibilite d' u.ne nouvelle soci&te - ne Sllit pas U:!':.1. c;0u.rb,1 to;.ij ()u:r'A ascendante , · Les travailleurs ne peuvent pas contes.ter en perrilB.nence le regime . En l 'absence d 1une issue revolutionnaire, apres la fin d'une periode de grands combats politiques, leurs propres creations - partis et s,yndicr,ts - finissent par tomber sous l 1influence et le contr8le du systeme. PoL1r qui un noL1veau illouvement revolutionnaire puisse se consti tuer, il faut que le proletariat fasse 1 1 experience de la nouvelle phase et qu~ ses elements les plus actifs parviennent a une comprehension de cette experience sur un 'double plan: celui de la societe globale et de la situation de la classe dans cette societe, et celui de l'organisation, des buts et des mo1ens de la lutt~, Dans la phase du capitalisrll9 bureaucratique, la t~che des minorites qui se pro- posent de construire un nouveau mouvement revolutionnaire a done pour obj et 1 1) de· comprendre et d' expliquer la nouvellt3 etape , ·la position de la classe exploi tee danS: la societe ett en particulier, face a la bureaucratie ; 2) d 1 aider les travailleurs ~ progresser sur le chemin de leur organisation, dans la definition de~ buts et des moyens de leur lutte . Depuis quinze ana ces winorites tournent en rond toujours enfermees dans la m@me contradiction: il ya ceux qui ne voient pas la portee des changements, qui repetent inlassablement les schemas d ' il y a qua.rante ans et s ' epuisent en v.aina efforts pour s 1 inserer dans les luttes -ouvrieres armes de ces schemas ; il ya ceux qui pex-goivent l •importance des change111ents, qui te:r..tent de les analyser, qi.µ cri tiquent ],es conceptions pe_rirnees , qui disent des choses fort justes dans certa,ins domaines , mais dont la comp:rehension est gravement mutilee du f ait qu 1ils ne participent pas aux luttes . qu 1ils se trouvent separes de la vie productive et des problemes __ x..eels des travailleLtrG~ Nous a.ppartenons indiscutablement a cette deuxierne categorie. Il ne s 1 agit pas maintenant de decider dans l'abstrait si la constitution d ' une "organisation proletarienne revollltionnaire" etait possible ou non au cours des 15 dernieres annees . Il s ' agit de savoir ce que nous avons fait pour qu1 elle se constitue et ce que n~us comptons faire pour aider a sa creation. Nous etions un groupe d 1 intellectu.els en 1948. Nous sommes toujours un groupe d 1 intellectuels en 1963 . II.- LES QUATRE DERNIERES Al\TNEES A aucun I:10ment de son existence - que ce so;i.t pendant la phase "Socialisme ou Ba.rbarie" nu, a pres 1958, pendant la phase 110rganisat;Lon Pouvoir Ot1vrier" - notre groupe n ' a cen~re son activite en direction des ouvriers et des employes. Le bilan de notre activite en ce sens depuis 1958 est bien mince. : quelques tracts produits sporadiquement et diffuses dans une ou deux entreprises; quelques ventes de PoO • depuis deux ans ; quelques contacts vite delaisses. Les decisions for.melles n'ont pourta.nt pas manque. Il suffit de citer, par exemple, les dernieres decisions prises en ce qui concerne 1 1 elaboration d ' un materiel diffusable a des travailleurs, celles du C . Ro elargi du 19 novembre 1961 : 1 brochure de 16 pages sur nos positions generales (pour fin decembre 1961); l brochure sur la hierarchie (pow debllt 62); 1 brochure sur le stalinisme (pour fin decembre 61) . En ju.in 1963 1 rien de tout cela n'est paru. Pourquoi '? A quoi avons- nous passe notre temps ? En dehors du PoO., 1aensuel, nous avons sorti un seul nu.mero de la revue (p.0 34) (le n°.J3 citait deja presque entierement redige le 19 novembre 1961). - 3 Compte tenu de nos forces reduites, la production de ces brochures necessitait un gros effort de tout le groupet exigeait de se concentrer la-dessus pendant qu.elque temps. Cela n'a pas ete fait. · Ce n'est pas un hasard. Depuis quatre ans environ, nous n'avons accompli aucun progres dans les domaines ou ce progres aurait constitue le support indispensable de notre activite en direction des travailleurs : transformations au niveau de la production et revendications .face ~ ces transformations; critique des organisations "ouvrieres 11 bureaucratisees; bureaucratisation de la classe dirigeante et ses consequences pour la population travailleuse. Mo the a publie deux articles dans la revue : "Les ouvriers et la culture" (n°30) et "Les jewies generations ouvrieres" (n°.33), mais ils n 1 abordaient pas de front lea problemes qui se posent dans ces doma,ines~ Il est evident que Mothe ne pouve.it pas les aborder tout seuJ.. En tant qu'organisation, l ' essentiel de notre activite theorique depuis quatre ans a reside dans les discussions autour de la "nouvelle theorie" du camarade Barjot (sous sea differentes editions I textes roneotest articles de la revue, textes de la Tendance). Ou en somraes-nous aujourd'hui? Le travail devant servir de support a notre action dans le milieu salarie n'a pas ete fait. "P.O." est paru tant bien que rnal gr~ce a l'entet~ent d'un certain nombre de camarades, mais sea insuffisances sont evidentes et son contenu et son orientation sont contestes par lea camarades de la Tendance de.puis l'ete dernier., III.- L 10RIEUTATIO:;J DtLA TENDAiifCE ET LES TRAVAILLEURS Le dilemne cl ~ 1948 est toujours la : agir en vue de cons ti tuer une •"organi.- sation proletari~"1 .:D revolutionnaire" ou subsister comma "comi te de redaction d •une · revue plus OU moi~~k~ academique" . Il n'y a pau d 1 organisation proletarienne sans proletaires. Il est clair que l ' orientation proposee par la Tendance tourne resolument le dos aux proletaires. 1) L'activite proposee par la Tendance ne se basepl·us sur la lutte de classe des travailleurs contra la c:Lasae des capitalistea/bureaucratea , m@rne si oette lutte n ' est pas niee ; l'activite proposee par la Tendance se base sur une pretendue revolte de presque tous lea hommes contre un systeme irrationnel et alienant dirige par "une petite rninori te". · _ , 2) Les luttes des travailleurs contre l'exploitation sont vues par la ~endance comma des "luttes institutionnalisees" faisant partie du mecanisme du sy~teme capitaliste dans la mesure ou elles portent su.r l ' augmentation des salaires et se derou- lent dans le cadre syndical. Seules lea "graves informelles ou sauvages" sont reconnues comma mouvements positifs par la Tendance . Mais encore elles ne sont considereee que coriune un des aspects d •une lutte plus large menee par "lea hommes" contre l ' alienation du systeme. 3) Les grands themes d'elaboration et de propaganda proposes par la Tendance ne s ' appuient plus sur l ' idee que le proletariat est la seule claase revolutionnaire de la societe moderne ; ils ne visent paa a condenser l'experience de cette classe , a exprimer ses besoins et ses aspirations. Ces grd'nds themes visent a "exprimer les aspirations veritables des hommes" , a montrer "le positif" dans la vie de gens qui "tentent de construire un sens a leur vie", sens qui est "recherche par les horrunes dans un monde ou rien n•est certain". 4) L'activite du groupe est vue par la Tendance essentillement comme deve- l•ppement aes themes qu'elle propose. C1 ast 1 1 activite type d'une revue . Deja ace niveau toute adhesi6n d ' ouvriers et d'employes est a peu pres exclue . Mais sl.ll'tout - 4 - les themes proposes ne peuvent ai&er en rien des travailleurs dans leur resistance a l'exploitation ni dans leur vie quotidienne en general ; ils peuvent encore moins les aider a s'engager dans une activite illilitante. A l ' ('rientation 11 a-clas~iste", 11 humaniste 11 de la Tendance , nous opposona une orientation vers les travai1leurs. . Nous ne visons pas a exprimer les 11 aspirations des ham.mes" en general. ;Les hemmes se divisent en classes : dans la mesure oa "aspiration" signifie autre chose q1.+ ' "etat d 1 fun.e" , les dirigeants "aspirent" a conserver la societe actuelle et leur r8le de dirigeants, les proletaires "aspirent" a supprimer la d, mination des dirigeants. Certes, en tant qu' ~tres hum.a.ins ils ont des besoins co.aumms : manger et.' dormi~ normalement , faire 1 1 amour, avoir des enfants, vivre vieux ••• ; et m~e ~es aspira~ions communes : gtre respecte et reconnu utile; coffii.lluniquer avec les autres; trouver un centre a sa vie , participer aux progres de l 1humani te , etc~ Ma.is no·~ ne cherchons pas a expr:i..rner ce qui est commun aux unset aux autres ; nous voulons· exp~imer ce gui diff erencie et oppose les travailleurs aux dirigeants. C1 es~ pourquoi nous ne proposons pas une activite en direction de "la population" , "lis gens" , mais'. en direction de la classe travailleuse, exploi tee et asservie par la c;Lasse des . t capitalistes-bu.reaucrates. Nous repoussons la nouvelle theorie selon laquelle le monde se peuple d'individus q_ui seraient a l a fois dirigeants et exec utan ts - "presque la moi tie de 1~ population" (1) - et qui affirme que "la seule differenciation qui a une importance pratique veritable est celle qui existe a presgue tousles niveaux de la pyraraide , sauf evidemment les sommets, entre ceux qui acceptent le s ysteme et ceux qui' , dans la realite quotidionne de la production, le combattent" (2) . Nous rejettons': l ' idee que "la grande maj :. :·i te des individus, quelle que soi t leur qualification ou leur remuneration • • • t encont a se revolter contre le systeme" (3) . Il n 1y a pas de syste111e abstrai t, i,11personnel. Le systeme c ' est les classes social~s et leurs rapports en ce qui concerne le travail et la gestion. La bureaucratisation de la societe n 1 entrafne pas la redt1ction de la clas-se exploi teuse a une "petite minorite11 tout en haut de la soi- disant pyramide ; elle se traduit , au contraire , par l 1 extension des couches bureaucratiques chargees de gerer le travail, d 1 assurer :J_ 1 expl!hitation au niveau de l'entreprise et au niveau de l ' appareil d 1Etat. De mgme que nous avons demoli la conception selon laquelle le socialisme ex.iste en URSS parce ce qu 1 il n 1 y a pas de patrons prives, en montrant la constitution et la croissance de la classe bu.reaucratique , nous devons montrer comment, en Occident , les nouvelles couches chargees de la gestion .du travail n•ont pas de fonctions neutres o.u- arnbi valent8s mais sont en reali te des co11ches exploi teuses qui , ensemble avec les capitalistes prives, constituent la classe des dirigeants. Nous devons egalement montrer comment l'opposition larvee de ces couches aux capitalistes prives. ne represente nulleme.nt une revol te contre le regira.e d I exploitation mais 1 1 "aspiration" - consciente ou non - a un regime d •exploitation plus perfectionne cu lea dirigeants bureaucrates assum.eraient la totalite du pouvoir politique et de la gestion de 1 1 eco:q.omie .. Notre activi te ne doi t done p8.s viser a rendre revolutionnaires les bureaucrat es , les organisateurs, en leur montrant les "irrationali tes" du systems actuel. Elle doit viser a nous enraciner dans0 le proletariat d'une part, a·fournir des reponses aux questions que se posent les militants devant la crise des organisations traditionnelles d ' autre part. g~ (3) Platefarme de la Tendance, page 11. II II II II 11 11 et 12 , so~ligne par nous. 11 11 11 11 " 22 , point 43 . - 5 - IV.- DIRECTION DE NOTRE TRAVAIL THEORIQUE Pour rejoindre ces deux objectifs, il faut poursuivre l'effort en vue de definir une conception globale de l'epoque, de la place et du r81e actuels du proletariat. Sans cette comprehension globale de la phase actuelle, nous ne pourrions obtenir qu'une addition de critiques et de recherches individuelles se perdant dans les marais de la litterature sociologique. Sans cette conception~ l'activite en direction des travailleurs ne serait qu'une action empirique, fondee sur une somme d 1 experiences lim.itees et partielles dont il serait impossible de tirer des enseignements ayant Ull8 valeur generale. Cette comprehension globale, nous ne pouvons l'atteindre que sur la base du marJCiame ( 4) • Les criteres fondaraentaux du marxisme ont ate adrn:i.rablement exposes par le camarade Chaulieu dans le premier numero de la revue. L'analyse du capitalisme, de la bureaucratie et du proletariat faite dans l'editorial "Socialisme ou Barbaria" reste pour l'essentiel juste. Elle est confirmee par les faits. Certes, il ne s 1 agit pas de s 1 endormir dessus. Il faut la developper, l 1 approfondir, la rectifier. Mais cette t€che, qui constitue l'indispensable support de toute action politique, ne peut pas ~tre accomplie en abandonnant ce qui servait de fondement a l' analyse : les positions fonda.men·tales du m.arxisme. Bien entendu, le marxisme n'est pas eternel. Il n'est pas plus eternal que le proletariat et que le capi talisme. 1\fais tant que proletariat et capi talisme existent, il reste "la base de granite" (Chaulieu) sur laquelle doit s'appuyer la theorie revolutionnaire du proletariat~ c'est-a-dire de la seule classe qui peut detruire l'ordre social actuel et ccnstrl.l.ire le socialisme. Le travail theorique de notre groupe doit €tre oriente vers l'eclaircissement et l'approfondissement des questions su.ivantes a) L'evolution du canitalisme a 1 1 echelle mondiale - Quel est le r8le actuel de la concurrence entre entreprisea et entre nations dans le developpement d~ la production? quel est le r81e de la pression des salaries dans 1 1expansion actuelle? y a-t-il un mecanisme economique qui rendrait ineluctables l'augmentation du salaire reel et la diminution de la journee de travail? - ~uelle est l'influence du developpement des armements sur l'expansion de l'economie? quelles sont les consequences, actuelles et previsibles, de ce developpement des armements sur le sort materiel des travailleurs? - Y a-t-il une contradiction entre la croissance des forces productives (instruments de production et producteurs) et les rapp-orts capitalistes de production (division en classes, exploitation, gestion par une classe)? si oui, comment s•exprime-t-elle? - Dans quelle mesure ces questions - et lea reponses - peuvent-elles s 1 appliquer aux pays de capitalisme bu.reaucratique? - Y a-t-il des difficultes propres a l'economie etatisee et plan:f:fiee des pays bureaucratiques? - La bol.ll'geoisie peut-elle planifier a l'echelle du Bloc occidental? la bureaucratie peut-elle le faire a l'echelle de son Bloc? - Quelles sont les causes de la rivalite entre les deux Blocs? quelles sont les consequences de cette rivalite et de la division du monde pour les travailleurs? - Quelles sont les consequences, actuelles et previsibles, de 1 1inegalite croissante de developpeuent entre pays sous-developpes et pays avancea? (4) Voir notre te:x:te i "Marxisme et theorie revolutionnaire". - 6 - b) Transformation de la classe dirigeante et c~angements dans le proletariat en Occident , Nouvelles couches exploiteuses dans 1 1 entreprise et dans lee administrations de l'Etat. - Nouvelles methodes d 1 exploitation: travail et salaire . ~ L'industrialisation des bureaux. ~ Perspectives et consequences de l'automation. - Revendications des travailleurs face aux transformations en cours. c) Le r8le de 1 1Etat en France - Gestion des secteurs-cles_, contrBle et planification. La bl.l.reaucratie etatique, son poids social et politique. - ·1 1Etat et l'education. d) ~es rapports entre les organisations "ouvrieres". et la proletariat - Les syndice.ts sous le capi talisme moderne. - Les syndicats a l'usine, a l'entreprise. Ideologie re~ormiste et ideologie bureaucratique (l'ancien reformislllf3 ne peut exister desormais que cornme conception bureaucratique) . _~)Le proletariat et le socialisme - Le rapport entre la concentra tion capitaliste, la transformation du travail, le developpement de la technique et les possibilites objectives d'organisation socialiste de la societe. - Les experiences de gestion ouvriere dans le passe. Le r8le des ticonseils 11 - en Yougoslavie, en Pologne, des 11 c01nites d'-usine" en URSSo - Le soc:i.alisrn.e et le travail ; travail qualifie et non qualifie en societe socialiste; travail productif et "travail social" en societe socialiste. Dans tous ces domaines ou bien nous n'avons encore rien entrepris jusqu'ici ou bien ce qui a ete fait est soit insuffisant soit contradictoire. Cela. est particulierement vrai pour 1 1 evolution du capi talisme: ·il y a une rupture complete entre l'analyse co:mmencee dans les premiers :numeros de la revue (n°1 "Socialisme ou Barbarie"; n°3 "Consolidation temporaire du capitalisme mondialn; n°14 11S:ttuation de l'imper:ialisme et perspectives du proletari3.t", et m~me n°20 "La revolution proletarienne contre la bureaucratie 11 et n°27 "Les classes sooiales et M. Touraine") et les positions definies dans 11Le mouve,n.ent revolutionnaire sous le ca.pi talisme moderne l' (n°31,32,33), positions qui apparaissent plut8t sous for me d 1affirmations que coo.me ie resultat d'une etude approfondie du capitalisme mondial et d 'une critique des ' positions precedentes. La direction de travail theorique que nous venons d 'indiq•.1er c0nsti tue une tache de longue haleine qui peut seulement ~tre ebauchee avec nos forces actµelles; la progression de l'organisation danE ce sens est liee a son propre developpement , au recrutement de nouveaux camarades, ainsi qll 1 a la collaboration avec des militants ne se trouvant pas necessairement dans nos re.ngs. L'elaboration d'une theorie revolutionnaire n 1a d 1 autre .but que 1 1 action revolutionnaire. Dans la periode actuelle, une partie iraportante de cette elaboration doit viser a creer le support qui nous perrn.ettra d'intervenir dans les luttes ouvrieres aveo une attitude a la fois critique et positive, c 1 est-a-dire en proposant des objectifs et des methodes pour faire progresser les mouvements et la conscience - 7 - des travailleurs. Bien entendu cela ne signifie pas qQ' Lffie brochure sur la hierarchie, sur l'apprentissage ou sur les syndicats, S: l'usine, nous donnera , du jour au lendemain , la possibilite d ' influencer une greve. Mais il est certain que des brochu- res de ce type - elaborees en collaborati~m avec des travailleurs - constituent , tout aut ant que 1 ' ameliorati on et l ' impression de "Pouvoir Ouvrier" , l' une des con- diti ons de notre enracinement dans la classe ouvriere.- V .- L ' ACTIVITE EN DIREC·rron DE3 TRAVAILLEURS 1 - Participation a la lutte centre l ' exploitation L' ext·ension de notre rayonnement , la formation d'une organisation proletarienne revolutionnaire , passent p~r la participation au.~ luttes. Il est illusoire de croire que nous convaincrons des ouvriera , des empl oyes , a force de repeter des critiques justes de la societe actuelle et de propager un autre modele de societe. Un groupe qui se limiterait a pr~cher le socialisme , m.ais ne participerait pas a la lutte quotidie:rme contre l'exploitation, n ' aurait pas la moindre chance de s'enraciner dans le milieu salarie. Dans les mouvements revendica tifs actuals, corom,e dans tout mouvement de resistance a l ' exploitation - et tel est le sens des greves de cette periode , m~me de celles qui concernent exclusivement les salaires - nous avons des positions a affirmer, des propositions a defendre , aussi bien sur les revendications que sur 1 1 organisation et les bt..ts dGs mouvements (5) . Certes, nous ne pourrons pas nous delimiter a tout moment - et aux yeux de tout le monde - des appareils syndicaux et m~me des partis. Mais notre objectif actuel n •est ·pas de nous delimiter a tout moment aux yeux de tous , nous ne somrn.es pas pour l'origina.lite a tout prix. Notre objectif est d i~tre reconnus - que nos roili tants et sympathisants soient reconnt.l.S sur les lieux de travail - comme des gens qui defendent des positions justes, qui font des criti- ques mais aussi des propositions positives. Cette "reconnaissance11 nous l'obtiendrons seulement par un travail long et suivi. Les choses que nous dirons et proposerons seront d 1 autant plus frappantes , auront une portee d ' autant plus grande qu1 elles seront pens~es , dites et proposees par des travailleurs qui "sont dans le coup". Dans la periode actuelle , noua ne visons done pas a faire de l ' agitation en general, a inflechir le caractere'des 1nouvements. Nous visons a nous attirer la·sympathie·et a obtenir la c'ollaboration d •une minorite de travailleurs. ' Pour pouvoir participer a . la lutte permanente cont re 1' exploitation, i-1 faut que nous rejettions d 1abord et definitivement,la position qui consiste a affirmer: a) les greves actuelles pour les salaires, encadrees par les syndicats , sont des mouvements "institutionalises" (6) ; b) l es syndicate sont de simples rouages de 1 1Etat capitaliste ; c) seuls les mouvements s'effectuant hors du cadre syndical et dont les revendications concernent les conditions et le sens du travail permettent une intervention positive. ' ' (5) Voir "P.O. " n°50 "Apres la greve des mineurs" . (6) La grev:e des mineurs est considere.e par la T,endance corrune un m.ouveme;nt de , ce type : voir point 5 du texte de la Tendance sur les "Activi tes exterieures". - 8 - .. On sait que pour les camarades de la T~ndance les luttes actuelles "s, inserent parfai te,11ent dans le fonc.tionnement de la societe etabJ.ie" du fai t que +es augmentations de salaire "font partie du fonctionnement regulier du capitalisms cont~mporain"; d.' apres eux "nous ne pouvons pas relier ces greves a nos positions gener.ales", "nous ne pouvons rien proposer qui nous soit specifique et qui embray!3 aur tine action reelle possible" (?), et, en consequence, il nous faut attendre des mouvements d 'un type nouveau (du genre "mou.vements pour les droits des noirs au,:; · Etat~ Unis" Otl "greves informelles ou sauvages") pour pouvoir faire quelque qhose . . ' ' Cette position est par essence sterile : elle nous condamne a rester en dehors du processus reel de la lutte de classes dans 1 1attente d 1 une situation qui esf bne pqxe utopie. En effet1 si demain- des greves sauvages eclataient en France , elles auraient lieu en m~me temps que des mouvements organises par lea syndicats, la pure~ucratie syndicale s 1 efforcerait de reprendre 1~ contr8le des mouvements sauvages et' y parviendrait dans bien des cas; les revendications ne concerneraient p~s s~ulement lea conditions de travail mais seraient m~lees a des questions touchant le ·salai:re; d'autre part , une extension des greves sauvages aurait inevitablement ~e grande repercussion sur la base des syndicats, des conflits, des scissions m~me se produiraient, etc. · Cependant , a l'heure actuelle aucun signe ne nous permet de penser que , dans un pro.che avenir, les travailleurs frangais vont emprunter pour leurs luttes d ' autre canal que le syndicat ni qu ' ils vont creer des organismes de lutte independants. Il nous faut done clarifier notre appreciation du r81e des syndicats et preciser notre attitude pratique a cet egard. 2 - R8le actuel des syndicats en France La fonction actuelle du syndicat est double - defendre contre le patronat et 1 1Etat les inter~ts immediats des salaries; - defendre la sooiete capitalists, dont il accepte les bases, centre toute init-iative ouvriere qui pou.rrait la mettre en difficulte. Les syndicats ne sont pas des compagrties d ' assurances. Leur action s·•exerce dens las conflits entre exploites et exploiteurs ; ils se trouvent places au coeur de la lutte. Il serait absurde de pretendre que la foriction actuelle des syndicats est "d ' emp~cher les greves" en echange de ceci ou de ceia,. Les syndicats, ne seraitce que pour continuer a exister, sont forges d '.organiser de$ greves. D' autre part les syndicats ne sont pas seul~ment des appareils bureaucratiques: - une minorite de travailleurs, souvent la plus active, milite dans les syndicats ; une majorite suit le syndicat lorsque certaines conditions sont reunies (revendications, accord entre les differentes centrales, etc. ) . La double fonction du syndicat explique l ' attitude du patronat et de l ' Etat a son egard, ambivalente elle aussi. Patronat et Etat reconnaissent la necessite du syndicat comme moyen d'encadrer et , s ' il le faut , de freiner las travailleurs. Mais dans la mesure ou le ·syndicat est force d 1 exprimer des besoins des salaries qui provoquent un conflit avec le patronat ou 1 1Etat, ces derniers s ' opposent au • syndicat. (?) Voir points 5 et 6 du texte de la Tendance SUJ;' les "Activites exterieures" . - 9 - L'integration des syndicats a l'Etat et a l'entreprise voudrait dire ou bien qu•on est arrive ~ussi a integrer lea travail~eurs ou bien qu'on s 1est resigne aux risques d'une extension continuel~e des greves sauvages. De t0utes· fa~ona nous n 1en sormnes pas la en France et 1,'integration ne depend ni d'un deer.et de de Gaulle ni m~me d'une "politique intelligente" de _la bourgeoisie. Elle depend a la fois de l'attitude des travailleurs et des inter~ts des bureaucrat:ies syndicales, qui sont lqin de co1ncider avec ceu:x: du patronat. La .fonction ambivalente des syndicats actuels constitue d 1ailleurs la seule explication de la tentative pennanente de grandee entreprises tres modernes (Citroen, S:i,mca, par exemple) decreer des syndicats-maison. Elle explique aussi la repression patronale centre lea militants et lee delegues syndicaux. Il est vraisemblable que les syndicats exerceront cette double fonction pendant une longue periode dont nous ne pouvons pas fixer aujourd'hui le terme. - · La denonciati.on de la bureaucratie syndicale, l 'explication du r6le reel des syndicats sont plus necessaires que jamais. Elles seront d'autant plus comprehensibles pour lea travailleurs que nous lee ferons en partant d'experiences concretes. Mais cela ne doit pas nous emp~cher d'avoir une attitude corrects vis-a-vis des organismes de base et des militants syndicaux~ Cette attitude devrait $tre definie ainsi 1 · · 1) Nous travaillons de.ns lea syndicats partout ou. cela ne nous est pas prati"." quement interdit. 2) -Nous ne reconnaissons aux syndiques aucun droit special par rapport aux non syndiques dans l'entreprise · (decisions assemblees, comit es de greve, etc). 3) Nous acceptons et defendons le systeme de representation des salaries face au patron par des delegues du personnel. ' 4) Nous cri tiquons le syste1ne de presentation de listes de candide.ts-delegues par les syndicate et defendons le principe de l'election libre des delegues par ateliers·ou services de 1 1 entreprise. 5) Nous ne. cri tiquons pas systematiquement lea delegues parce qutila font des compromie - tout delegue, tout oomite de_greve, tout travailleur doit obligatoirement fairs des compromis • . Il est indeniable qu'une attitude correcte dans ce dornaine rendrait plus difficiles les accusations d'utopism.e.~ d 1inefficacite, d'anarchiame, et permettrait des meilleurs contacts avec la minorite de travailleurs qui a une activite syndicale. 3 - Notre organisation et lea travai11eurs politises Une minorite de travailleurs milite soit dans les syndicats soit au PC ou au PSU, dans des organisations de jeunes. Qu'est-ce que cela signifie? L1 inactivite politique de la majorite des travailleurs n 1 est pas un phenomena simple et a sens unique : la participation d1une majorite de salaries a la politique ne a I est jamais produi·ce que pendant de co·urtes period es ·; et la."poli tisation" ellem&le peut avoir des significations sensiblement differentes : qui oserait identifier la politisation de 1944-45 a celle de 1936? La bureaucratisation des organisations ouvrieres, la 9-egenerescence de leur ideologie sont lea principaux facteurs de l'inactivite·actuelle. Mais l'exploitation reste un facteur pennanent de politisation. - 10 - En 1 1 absence d'autres organisations, des ouvriers, des employes, des enseignants rejoignent les syndicats, le PCs et y militent. Quel est le sens de cet engagement ? 1,ucQil 1 Pouit'quoi ne · rej oignent- ils pas le li'IRP ou l'UNR '; ·· Il y a plusieurs reponses fausses a cette question. La premiere, la plu,s simple , est d'ignorer la question elle-m~me, de faire "com.me si11 les syndicats et le PC etaient µniquem.ent composes de permanents, de bureaucrates. La deuxieme c test de tout reduire a une 11mystification11 : a.es travailleurs seraient "sedui ts'' par la propagande politique tout conu~e ils le sont par la publicite commerciale . La ' trois;em.e est d 1 affirmer que ceux qui m.:ilitent dans les syndicate ou le PC sont des res:i.dus d'une autre epoque •••. des gens arrieres en sornme . Mais lorsque les quelques camarades ou sympathisants qui travaillent dans des entreprises OU dans l'enseignement veulent organiser quelque chose : un mo~vement revendicatif, une protestation, la solidarite avec les algeriens ou avec les.mineur~ •• • avec qui a.oivent- ils compter, que ce soit pour s 1 engueuler ou pour se mettre d ' accord? Avec la minorite qui a une activite syndicaie ou politique . :La depolitisation ne peut pas gtre un phenomene total, car si la bur~aucratisation de la societe , e:o. provoquant celle des organisations "ouvrieres" tr.adi tionnelles, rejette les salaries vers l ' inactivite politique , cette m~me bureaucratisation, en renforgant 1 1 exploitation et 1ralienation, pousse toujours une :minorite vers la cont.estation du regime et done vers une activi te mili tante . Cet engagement militant , pour des travaillet:.rs, traduit d'abord la volonte de lutter centre l'ex- .ploi~ation; il constitue aussi , dans la plupart des cas , W1e tentative d foeuvrer pour 1 1 aven~ment d 1 une autre s0ciete ou il n ' y aurait plus d 1 exploitation1 ou la vie serait diff~fQ!_lteo Il faut avoir ·la suffisance deformante de certains intellectuels pou:c s · imaginer que le militant communiste est simplement le"partisan de Maurice Thorez", tout comme i l pourrait ~tre celui de Pompidou ou de Brigitte Bardot , qu 1 il ne se pose aucune question au sujet de 1 1URSS et que , pour lui, le COiTununisme n' est qu 1 une simple augmentation du n.iveau de vie e Les travailleurs po~i'Gises ne sont pas seulement les militants cegetistes, co~unistes, PSU , FO ou CFTC qui suivent la ligne officielle. Dans toutes les centrales syndicales, il ya a la base des minorites qui defendant des positions de classe et qui, au slljet des revendica.tions par exemple , se retrouvent avec nous ; certaines de ces minorites font une critique de la so- . ciete et du mouver.<1ent ouvrier qui part des m~mes preoccupations que lea n8tres; les travailleurs qui appartie1ment aces ad.norites sont souvent des militants eprouves, il ya parrni ewe des ce.marades dont la contribution sous forme d 1articles, de livres, a une reelle valeur. Ces minorites ne sont pas simplement, des residua du passe~ Il faut se sortir de la tgte l'idee (produit de notre i ~olement) que seul notre groupe recrute des jeunes (sans compter que les jewies ne font que passer chez nous !) : "L1Ecole Emancipee 11 , par exemple , recrute surtout des jeunes enseignants. Quel a ete notre travail en direction de ces minorites pendant ces dernieres annees? Inexistant. L' orientation de la Tendance - aussi bien .. sur les questions les plus generales que sur les revendications et les luttes actuelles_ - rendrait impossible toute activite en ce sens. Une de nos principales t~ches est de fournir aces minorites le support theorique de leur activite, d 1 etablir avec elles des liens de travail , de recevoir aussi de ces rn.ilit1 ants ce qutils sont capables de nous apporter conune experience et connaissance des problemes concrets des travailleurs. - 11 - 4 -"Pouvoir Ouvrier" Notre seul moyen d 1 expression en direction des travailleurs est actuellement "Pouvoir Ouvrier". Ce bulletin n 1 est ni le "journal ouvrier" ni le "journal redige par les lecteurs eux-m.Ames" qu 1 on avait propose autrefois. Cette idee a ete pratiquement abandonnee et nous avons maintenant un bulletin mensuel exprima.nt lea positions d 1un groupe politique. Pourquoi? Pour trois raisons essentielleillent : 1) le mode d 1activite d'un ouvrier, m~me sy1npa.thisant , n'est pas l'ecriture ; d'autre part, eorire est toujours difficile pour un tre.vailleur m~me s 1il conna1t parfaitement "son sujet"f 2) un journal ne peut exister que su.r la base d'un ensemble d'idees, d'un cadre theorique qui n'est pas une simple somme d'experiences quotidiennes ; 3) un journal repose sur le travail d'une equipe qui assume en permanence des taches redactionnelles et pratiques. "Tribune Ouvriere", bulletin edi te pendant plusieurs a.nnees par un groupe d 'ouvriers de chez Renault, n'a pu exister que dans la mesure ou ces deux dernieres conditions etaient reunies et il s'est toujours heurte a la difficulte d 1une participation ouvriere sous forme eorite. La participation de travailleurs a P.O. reste cependant la condition de eon developpement. Elle peut aller de la simple diff-usion dans le milieu de travail a la collaboration episodique ou reguliere et a 1 1 adhesion a l 1 organisation. Elle n ' est pas independante de la situation generale de la classe ouvriere. Mais cette situation ne doit pas ~tre invoquee pour justifier ltabsence de toute initiative en vue d'elargir la participation. P.O. ne peut pas s 1 adresser act~ellement aux travailleurs en general , encore moins "aux gens" s a "la population". Il doit ~tre redige de maniere que tout le monde puisse le lire, mais il ne peut pas @tre une espece de "France-Soir" assimilable par n 1 importe qui. Il faut ~tre conscient du fa.it qu'a.ujourd'hui seule une minorite est susceptible d 1assimiler nos idees, ou une partie de nos idees, que seule une minorite peut essayer de lutter sur les objectifs que nous proposons. Gette minorite - ce "public" - ne se reduit ni a.ux "politises 11 ni aux 11depolitises", nous n'avons pas de choix a faire. Les trav~illeurs politises ne sont pas separes de la classe : ils travaillent et vivent oonune lea a.utres ; a leur tour, les depolitises ne sont pas par definition fennes aux idees generales ou aux problemes concrets que la politigue - celle .de 1 1Etat, du patronat ou des syndicats - pose quotidiennement aux salaries. Le contenu de P.O. c'est d 1abord les problemes du travailleur dans son entreprise et dans sa vie. Il ne s'agit pas seulement de les decrire, mais ae les interpreter et d'aider le lecteur a y trouver des reponses pour agir. Le contenu de P.O. c 1 est done aussi bien la lutte contre l'e:xploitation que la critique des partis et des syndicats qui interviennent dans cette lutte, l'explioation de la politique de l'Etat au s~jet d3s logements que la critique des conditions et des methodes relatives a 1 1 ecole publique , la critique de films ou d 1 emissions de tele que la diffusion d'initiatives positives, sur l'eduoation des enfants ou lea loisirs par example . Mais le travailleur ne se trouve pas seulement aux prises avec des problemes "quctidiens" . Le m.ecanisme complexe et de plus en plus contraignant du capitalisme rend sa vie identique a celle de 1nillions d'autres travailleurs, la regle et la contr6le de plus en plus etroitement. Ce processus est rendu plus perceptible par le developpement des moyens d 1 information et de communication, par les deplacements - 12 - plus frequents . Il 1 1 est encore par la poli tique m~me du Pouvoir qui expose de plus en plus frequemment des problemes globaux (salaires , pri:x;, expansion de l ' economie , politique internationale) a la population travailleuse et sollicite son approbation. "Polit{se" OU "depolitise" , le travailleur ne peut pas ne pas voir que toutes les questions touchant sa vie quotidienne se posent au moins a une echelle nationale : salaires , duree du travail~ lcgement , instruction, loisirs, etc . , que toute tentative d 1 intervention dans ces questions renoontrera des forces au moins ·nationales : patrona-t , gouvernern.ent , syndicats , partis. On pellt m~me ajouter que c 1 est la conscience du caractere national et international des forces qui determinent 1e sort de la classe ouvriere, ainsi que le sentiment de son impuissance a s 1y opposer; qµi est responsable en grande partie de 1 1 inactivite de beaucotlp de travailleurs. L'explication et la critique de la societe, des institutions et des forces politiques nationales et internationales correspond done a une riecessite reelle , non a une manie de "specialiste" . Le r$le de 11P.0 . 11 doit E3tre egalement la demystification, 1 1 information et la form.a tion. Demystification : les idees dominantes sent quotidiennement repandues par tous les mfuyens;-nous- pouvons aider des travailleurs ales combattre · en leur fournissant des arguments et des exemples . Information: notls pouvons faire connaftre les exemples les plus significatifs de 1 1 activi te de la_ classe ouvriere et des groupes d tavant- garde dans tous les pays. Forrna tion •: nous pouvons aider dos travailleurs a c·omprendre le r8le du proletariat dans la societe comxne classe revolutionnaire en expliquant quelles ont ete s es grand es luttes; ses revolutions, en H1ontrant oe que pourrai t ~tre le socialisme , dans quelle mestlre 1 1 evolution du monde cree elle-mfu11e les premisses d I une societe socialiste , pourquoi la gestion ouvr.iere est possible, comment les travailleurs ont tente de la realiser all cours des . mouvements revolutionnair.es . 11Pouvoir Ouvrier" ne peut pas @tre, a 1 1 etape aGtuelle 1 wi journal d t agitation. Il doit ~tre un journal d ' explication, d 1orientation et de formation s 1adressant a une minor ite de travailleurs. De son c8te , cette minorite ne se sentina liee a "P.O. " que dans la. mesllre ou elle s 1apercevra que ce journal est aussi une. organisation. Cela ne signifie pas qtle les lecteurs adhereront a bref delai, mais que leur participation - informations, ecrits, diffusion, argent - s ' elargira peu a peu s'ils voient a travers le journal que cette organisation existe et ag~t . - 13 - VI.- L'ORGANISATION La conscience revolutionnaire n'est pas automatiquement engendree par l'exploitation, elle peut se former seulement par la lutte. Mais cette lutte elle-meme n'est pas en permanence une contestation du regirn.e ; en "periode normale", le proletariat doit accepter ce regime, c 1 est lui qui le fait fonctionner. Les idees, les prejuges, les valeurs, les habitudes, la maniere de vivre capitalistes penetrent continuellement la classe ouvriere. A 1 1heure actuelle, le proletariat ne dispose d 1aucun moyen propre d'information et de formation; il est divise en categories professionnelles, cloisohne localement, separe par des frontieres. La classe dominante s'emploie constanunent a lui masquer sa . situation dans la societe, a lui dissimuler l 'antagonisme des classes, a lui presenter une image de lui-m~me tendant a le reduire a une somme d 1 individus - de citoyens - fais.a.nt partie d'une co!Il!11unaute nationale, a le persuader que la societe offre a chacun sa chance de promotion et a presenter le systeme d'exploitation comme une pyramide ou chacun trouve sa place selon sa competence professionnelle. · La condition reelle des travailleurs dans la production cree sans cease . la possibilite d'une critique de l a societe et de 1 1 image qu'en donnent les dirigeants; cette critique, qui s'exprime d 1abord par l'action eevendicative, se traduit egalement par l'attitude negative de l'ouvrier ou de 1 1 employe vis-a-vis de son travail, par l'hostilite a l'egard des chefs, par la mefiance vis-a-vis des infoz,nationa officielles. Cependant, le poids de l'ordre social actuel, l'action des appareils syndicaux et politiques font que, le plus souvent, les reactions contre 1 1exploitati~n· et l'asservissement ne mettent pas en question le cadre capitaliste. Cette situation n•est pas statique : la societe capitaliste ne reste pas identique a elle-m.~me, l'exploitation et l'alienation ne sont pas des donnees fixes, immuables, les appareils syndicaux et politiques ne sont pas des rochers. Le processu..s de bureaucratisation de la societe cree les conditions objectives du depassement de cette situation. Il ya d'abord l 1 aggravation de 1 1 exploitation (8) et de 1 1asservissement au travail; il ya ensuit~ et surtout la fonction sociale que la bureaucratie exerce .de plus en plus clairement et dont les travailleurs font 1 1 exper~ence a tousles niveaux. Au niveau de 1 1 economie et de 1 1Etat, la nationalisation, la planification, l'extens,ion des nouvelles couches gestionnaires du travail detruisent lea illusions reform.i~tes et decouvrent peu a peu le contenu des ideologies bureaucratiques. Au niveau des partis et des syndicats, le vrai r8le social de la bureaucratie va en s 1affinnant. Ce r8le est evident dans les pays de l'Est ou elle constitue la classe exploiteuse. En Occident, ou la bureaucratie "ouvriere" n 1 est pas totalement integree a 1 1Etat, ou les syndicat~ servent encore de canal awe luttes revendicatives, l'opposition entre les trav~illeurs et les bureaucrates ne s•exprime pas toujours ouvertement, mais elle apparaft des que les luttes ouvrieres atteignent une certaine ampleur ou une certaine intensite. La degeneres9ence du mouvement ouvrier traditionnel n'est pas le resultat de la disparition des conditions permettant la fonnation d 1 une conscience revolutionnaire e~ la lutte pour le socialisme. Ces conditions subsistent et se renforcent dans la nouvelle phase du capitalisme que nous vivons. C'est sur cette base que s 1appuie la possibilite de construire un nouveau mouvement revolutionnaire qui• (8) Il ne s 1agit ni de baisse ni de stagnation du salaire, mais d'une augmentation de la productivite du travail proportionnellement plus rapide que 1 1augmentation du salaire. - 14 - s'il pa:rvient a se constituer a une echelle interna,ionale, deviendra a son tour un puissan~ agent de transformation du rapport de forces actuel entre exploiteurs et exploit es. La formation d'une organisation proletarienne revolutionnaire implique la critique et le rejet de la "theorie" et de la pratique des partis traditionnels, l'effort permanent pour atteindre une comprehension globale qui eclaire le sens des actions ouvrieres, la formulation d 1une perspective socialiste fondee a la fois sur l'activite du proletariat et sur la croissance des instruments de production et de la technique. Ces t~ches theoriques sont indispensables mais non suffisantes pour creer un nouveau mouvement revolutionnaire. La condition fondamentale pour que cette creation ait lieu c'est que la nouvelle organisation soit capable d'exprimer 1 1 experience et les besoins actuels de la classe travailleuse, qu'elle ne soit pas seulement un centre de diffllSion d'idees mais un instrument utilisable par les travailleurs. C1est seulement dans la mesure ou la nouvelle organisation deviendra cet instrument qu'elle pourra combattre efficacement les conceptions, les valeurs, las habitudes capitalistes qui envahissent les travailleurs, qu'elle pourra les aider a developper leur critique et leur conscience. Nous ne pretendons pas que l 1 orientation que nous defendons nous permettra des maintenant d 1@tre cet instrument. Nous disons simplement que cette orientation ne tardera pas a avoir les effets suivants : 1) susciter la participation de travailleurs a nos activites ; 2) perm.ettre aux militants et synipathisants qui sont salaries d 1aider leurs camarades de travail dans la lutte contre l'exploitation; 3) donner au groupe actuel un autre centre d 1 inter@t que lea sempiternelles discussions dites "theoriques"; creer une atmosphere, un rythme d 1 activite et des methodes convenables pour les travailleurs qui voudraient adherer; 4) permettre de recommencer un veritable travail theorique en fonction de cette orientation. L'organisat1on que nous voulons 0onstituer doit ~tre, des le depart, 1 1 endroit ou l'echange entre travailleurs manuels et intellectuels se fait dans l'accomplissement de t~ches communes. Cat ·echange ne doit pas seulement aboutir a 1 1 elargissement de la comprehension de chaque militant ; l'apport re0iproque doit permettre aux unset aux autres de mieu.x lutter a l'exterieur, c'est-a-dire de poser correctement les problemes, de mieux saisir la realite, de fournir des arguments et de proposer des solutions dans tousles domaines ou apparaft le conflit avec la classe dominante et son Etat. Il serait faux de s 1imaginer que cette collaboration "va de soi" des qu'on a. adhere a l'organisation: les differences de milieu, de travail, de salaire, de formation personnelle subsisteront toujours, les besoins pratiques et politiciues des una et des autres seront souvent differents et m~e opposes ; ils creeront inevitablement des tensions et des desaccords. Les differences et les desaccords ne pourront ~tre surmontes que dans 1 1action vers le monde exterieur. Une organisation tournee vers l 1 exterieur ne veut pas dire une organisation qui saorifie la reflexion et la democratie a l'efficacite. Se tourner vers l'exterieur ne signifie nullement "militariser" l'organisation et eliminer la discussion. Nous n'avons pas a revenir sur la critique que nous avons faite de la specialisation et de la separation entre sommet et base dans lea partis traditionnels, critique qui, pour l'essentiel, est profondement juste. .. - 1 5 - Mais nous nions l a fo rmule : discussion= democra tie . La vraie, l a seule democratie c 'est la par~J.cipa t:i.on des militants. L:-1 discussion comme m.r,de d I activite est une des def ormations les pl us attrlistantes des i ntell ect uels. La discussion a une vale ur corn.me !l}~Jyen pour crri ver a un res ul t a t j vue comme mode d I ao ti vi t e' e lle est sterile et ~}i - de"11ocra tigue, car elle r ed.uit la participation - et le poids dans l es dec isions - des travailleurs w.anuels et des salaries ayant Wl niveau d 1 instfn.lction moyen et assure l:?. predominance des intellec-tuels possedant "la. cultur~" ; elle repr odui t sous cette for me, a l 1interieur de l 1organisation •. UJl des traits essentials de la societe capitaliste . · L'action vers l ' exterieur n 1exclut pas , au contraire , la discussi~n necessaire , mais celle- ci passe alors de l ' abstrait au concret; ce type de discussion permet aux trcvaillet1rs manuels, aux salaries "moyens" , de s ' exprimer sur la base de leur propre experience, d.e sowaettre a la critique des fni ts la t h eorie et la ligne politique j dans le mesure ou elle est liee a 1 1 ection, ln discussion permet leur participa tion, mais c 1 est dans l'action elle-m~me que cette participation prend tout son sens, se rec.lise pleinement . LI organise.ti on que nous vot,;.::..0ns frmner devra done c.ssurer la participation de 1tensemble des militants en a idant chaque militant a developper son mode de participation et d 1 activite propres, non en lui imposant une fausse participation et un semblant d 1 activite fondes sur 11 1a culture" et "la parole" . Liorganisation d ' avant- garde nc peut pas @tre une prefigura tion de la societe socialiste. La soci et e ~ocialiste ce sont les masses qui la construiront apres avoir detruit 1 1 ancien monde. C'est a u cours du bouleversement revolutionnaire que les anciens r apport s entre les ho.mmes com.menceront a €tre remplo.ces par des rapports socialistes. Inst 2~r ation de r apports socialistes, c0la veut dire changement radical de la situation des honlllles (jusque la di vises en exploi teurs et exploites) en ce qui concerne l a production, la c onsommation, la gestion des. affaires publiques, la famille , etc . C1 est parce que la cla sse driminante a ura ete renversee , 1 1 exploitation supprimee , l'activite et la creativite des masses multiplieES par mille a mesu.:te que tomberont les vie:ill.es entr2.ves, que des rapports socialistes se developperont et que cha cun commencera 11 agir co1Ilffie un "hero.me nouveau" . Sous le capitalisme , des rapports socialistes, m~rne comme "prefiguration", ne peuvent pas exister entre les hommes , y compris entre militants revolutionnaires. Ce qui doit exister entre militants est une communication d 1 experiences, une communaute de pensee et d 1action poli tique , une solidarite dans la lutte . Dans la mesure ou cela existe 1 la camaraderie existe aussi. Ce qui n ' est pas la m~me chose que la recherche volontaire - et combien vaine - d 1Wle parcelle de s~cialisme dans le monde actuel. - - 16 - VII. - LE RECRUTEMENT Nous sommes actuellement un groupe de 41 indiv.idus dont la composition sociale est la suivante : 19 etudiants 8 enaeignants (3 profo de Lycee, 2 surveillants d 1 externat , 1 prof. de Centre d 1Apprentissage , 1 prof. d ' education physique , 1 assistant a la Sorbonne) 2 economistes 1 organisateur 1 psychotechnicien 1 medecin 1 journe.liste 2 ex- employees 1 comedien 1 ouvrier P2 1 representant 1 danseuse 1 geographe 1 profession liberale . A Paris, les quelques truvailleurs qui ont adhere ces dernieres annees sont partis au bout de quelque temps : Imbert (instituteur), Marcel (typo) , Jean (menuisier), Roland (pastier) , .Mao (relieur) . Cependant , taus sont restes abonnes a "P. O. " , deux d 1 entre eux nous ont aide cette annee a organiser le Cercle d 'Etudes. D' autres travailleurs qui se declaraient d ' accord avec nous ont finalement renonce a adherer. Ceux qui sont partis, pourquoi l'ont-ils fait? Paree que nctre orientation, nos discussions , nos reunions ne leur convenaient pas. Cela a-t-il une signification? Si oui, laquelle? La Tendance nous propose maintenant de sortir pour la enieme fois des tiroirs les listes de "contacts ouvriers", elle nous recoromande de "choiair une ou deux entreprises" , d 1y vendre P. O. (ce que nous faisons deja) et m~me , "si possible"(?), de "frequenter les cafes avoisinants" ! (9) • . Aller revoir les "contacts"? pour quoi faire? pour leur proposer quoi? Les tr1:vailleurs qui viennent ne restent- pas , d'autres qui nous connaissent ne veulent pas adherer. Ce n'est pas en vendant P.O. a la porte de deux entreprises, ni m~me en frequentant les bistrots populaires que nous changerons d 1 un pouce cette situation. Cette situation nous la changerons en chang~ant nous-m@mes , c 'est- a- dire en modifiant notre axe de travail et le type d ' activite de nos mil itants. Les travailleurs ne sont pas des martiens. Nul besoin d ' aller les decouvrir. Premier exemple : a chaque reunion du Cercle d 1Etudes il ya une dizaine de jeunes travailleu.rs. Ce Cercle , ore;anise par quelques militants de P. O., fonctionne depuis janvier ; programme (a la demande des participants) : l 'histoire du mouvement ouvrier. Results.t : un debut de collaboration a "Pouvoir Ouvrier" et, au minimum, (9) Voir texte n°7 de la Tendance , point 13 .